Site icon La Revue Internationale

L’Europe et le financement de nos communes

commission.jpegcommission.jpeg

[image:1,l]

À l’heure où se joue le futur de l’Europe, et singulièrement de la zone euro, on voudrait croire que de nouveaux abandons de souveraineté en faveur d’un décideur supranational permettront de progresser pour le bien commun. Or, un dossier en cours entre la France et la Commission européenne vient tempérer cet enthousiasme. Il s’agit de Dexia.

La Commission européenne a eu à connaître du dossier Dexia en 2008, à la suite du sauvetage du groupe par les États belge et français (et luxembourgeois en mode mineur) sous forme d‘augmentation de capital et de garantie sur les refinancements de marché. C’est la DG Concurrence (ex-DG IV) qui s’est emparée du dossier, comme des autres dossiers de banques sauvées par les pouvoirs publics : banques britanniques (RBS, Lloyds, Northern Rock, Bradford & Bingley), belges (KBC), hollandaises (ING, ABN), autrichiennes (Kommunalkredit) ou allemandes (IKB, West LB, Hypo Real Estate). Le mandat de la DG Concurrence en matière d’aides d’État est bien clair : veiller, au sein de la communauté européenne, à ce que des interventions publiques dans des secteurs ouverts à la compétition n’introduisent pas de distorsion de concurrence.

Ce qui reste de Dexia, c’est ce qui ne peut être ni vendu ni liquidé sur le champ

Il est intéressant de se souvenir que les échanges avec la Commission européenne, tout au long de l’année 2009 et au début de 2010, portaient non pas tant sur les distorsions de concurrence que sur la viabilité de Dexia à long terme ; comme si la DG Concurrence, finalement, était plus compétente que les autorités de tutelle bancaire concernées pour dire si le plan de sauvetage était viable ou pas. La position de la Commission n’était toutefois pas sans mérite : « Si l’on maintient un concurrent perfusé sur un marché concurrentiel et qu’il s’effondre quand on retire l’aiguille, alors c’est une distorsion de concurrence ».

Deux ans plus tard, après que le plan de sauvetage a été entre temps approuvé, la crise de la zone euro a finalement donné raison au sombre pronostic initial de la Commission et le groupe Dexia, en dépit des efforts déployés par ses équipes et ses nouveaux dirigeants, est en cours de liquidation. L’État belge a nationalisé la banque universelle en Belgique, rebaptisée Belfius, la banque turque Denizbank est vendue à Sberbank, le Luxembourg est devenu qatari et la gestion d’actifs est sur le point d’être cédée. Ce qui reste de Dexia, c’est ce qui ne peut ni être vendu ni liquidé sur le champ.

Au sein de ce périmètre résiduel se trouve un sous-ensemble bien particulier : il s’agit tout simplement de 35% des encours de financement au secteur public local en France servis par les équipes spécialisées de l’ancien Crédit local de France. Il faut  rappeler que ce sous-ensemble est naturellement équilibré en terme de liquidité dans la mesure où l’essentiel des actifs est refinancé par des obligations foncières, qui restent encore aujourd’hui notées AA+ tant elles sont de qualité.

Tirer les leçons de la crise de Dexia en dotant la France d’une agence publique de financement du secteur local

Or les nouvelles règles prudentielles qui s’imposent aux banques françaises, y compris à la Banque Postale, rendent les financements bancaires aux collectivités locales peu attrayants, pour dire le moins : de durée très longue pour ménager l’équilibre des budgets des collectivités, ces crédits atypiques forceront les banques commerciales à aller chercher des ressources longues également et donc coûteuses. Ces nouveaux crédits bancaires resteront rares et en tout état de cause très chers. On sait par ailleurs que l’accès des collectivités locales au marché obligataire continuera d’être limité, en particulier pour les « petits » emprunteurs.

Il aurait été raisonnable dans ce contexte de tirer les leçons de la crise de Dexia et de cette nouvelle donne qui s’impose aux banques commerciales en dotant la France d’une agence publique de financement du secteur local, comme c’était le cas à l’époque de la CAECL au sein de la Caisse des Dépôts ou comme c’est le cas aujourd’hui chez bon nombre de nos voisins (UK, Pays-Bas, Suède, Italie,…). Il aurait été simple à cet effet de « récupérer » les professionnels de Dexia en France (qui ne sont pour rien dans les déboires du groupe et qui disposent d’un savoir-faire unique) et de mettre en place un dispositif pérenne et adapté pour préserver les capacités d’emprunt du secteur public local et donc ses capacités d’investissement.

Cela aurait été simple, mais il est étonnant de constater que la Commission européenne a continué et continue de peser lourdement sur la bonne résolution de ce dossier. À l’heure où le groupe Dexia est en cours de démantèlement, comment en effet accepter l’idée qu’une distorsion de la libre concurrence en Europe puisse naître du fait que la France se dote d’une agence publique, à l’instar de nombre de ses voisins, pour résoudre un problème strictement hexagonal.

Il est sans doute trop tard pour sauver de Dexia ce qui aurait pu l’être en France, mais on ne peut s’empêcher d’être effrayé de voir qu’une instance supranationale va, par sa position entêtée et dont on peine à comprendre le fondement, rendre un problème difficile plus ardu encore pour notre pays.

 

Quitter la version mobile