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L’Uruguay autorise l’avortement

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Le Sénat a approuvé une loi mercredi 17 octobre, avec 17 voix contre 14. Celle-ci permet l’interruption de grossesses pour les résidentes uruguayennes.

La chambre basse du Parlement a voté avec un scrutin très serré (50-49) en faveur de cette loi après un débat houleux en septembre. Le président Jose Mujica, un ancien rebelle de gauche, a déjà déclaré qu’il signerait immédiatement cette loi dès que le Congrès la lui aura fait parvenir.

Cette évolution marque une rupture avec les plus fervents catholiques d’Amérique latine. Dans cette région du monde, seuls Cuba, la Guyane, Puerto Rico – territoire américain- et le district de la capitale Mexico autorisent l’avortement.

L’Uruguay, qui autorise le mariage pour les personnes de même sexe et qui est sur le point de dépénaliser la marijuana, sera donc la première démocratie hispanophone à sauter le pas.

Une victoire en demi-teinte 

Mais les défenseurs des droits des femmes ne semblent pas prêts à célébrer cette nouvelle, à cause des conditions auxquelles est soumise cette loi. Les femmes désirant avorter devront d’abord consulter une commission d’examen, composée d’un gynécologue, d’un psychologue et d’un assistant social, pour avoir l’autorisation d’avorter.

Un délai de cinq jours est à respecter avant de se faire avorter, pour laisser à la femme le temps de réfléchir. Deux autres conditions s’ajoutent : la responsabilité pour la commission de recueillir l’avis du père et une clause qui permet aux professionnels de santé de refuser l’avortement, par principe.

Marta Agunin, militante dans une association qui milite pour les droits des femmes et l’accès à la santé, était vent debout contre cette loi, qui, selon elle, enlève aux femmes la garantie de pouvoir choisir.

Ces obstacles qui mettent des bâtons dans les roues de la procédure d’avortement

« Ils mettent tellement d’obstacles, que les femmes pourront toujours courir après l’avortement, elles finiront par revenir à la case départ », fustige-t-elle. Elle ajoute que ce panel d’experts aurait un rôle « moralisateur », alors que la loi n’inclut aucune condition pour s’assurer que ces personnes sont qualifiées.

Même si l’Uruguay est un pays laïc, l’Église y est très puissante et conserve une forte popularité. Le pays est, comme les États-Unis, divisé sur la question. Néanmoins, les partisans de cette loi affirment que l’Uruguay est prêt pour cette évolution. L’institut de sondage local Cifra a rapporté que 52 % de la population était pour une loi sur l’avortement et 34 % contre.

La puissante Église catholique se mêle au débat

Après le vote de la Chambre des députés en septembre, l’université catholique d’Uruguay a publié un communiqué dans lequel elle dresse un constat alarmant. Selon elle, cette loi porte atteinte au « droit de vie ». L’université se demande pourquoi tuer un fœtus âgé de moins de douze semaines est légal, alors que cela serait passible de prison au-delà de ce délai.

Un opposant à l’avortement, Dario Perez, médecin et député du parti socialiste du président Jose Mujica, a évoqué avec émotion les deux fausses-couches de sa femme, avant de quitter la Chambre et laisser son remplaçant Carlos Corujo voter à sa place en faveur du projet. Une exception permise par la Constitution uruguayenne.

« Je ne peux pas lever la main pour voter ce projet », a déclaré le député. « Ma conscience me l’interdit, poursuit-il. Je ne peux pas le faire, pour Ismaël et Benjamin, qui n’ont jamais pu voir le jour ».

Selon le Centre des droits de reproduction, basé à New Yorkcinq des six pays qui interdisent totalement l’avortement se trouvent en Amérique latine : Chili, République Dominicaine, Salvador, Honduras et Nicaragua.

Les avortements clandestins, fléau en Amérique latine

Et d’autres pays de cette région ne l’autorisent qu’à quelques conditions, comme le viol ou si la vie de la mère est en danger. En 2008, on a estimé à 4,2 millions le nombre d’avortements illégaux en Amérique latine et aux Caraïbes selon le Guttmacher Institute.

Un think tank américain sur la santé sexuelle a aussi révélé qu’un million de femmes, toujours dans la même région, seraient hospitalisées après avoir subi un avortement clandestin. 12% des femmes mortes alors qu’elles étaient enceintes l’étaient à cause de complications provenant d’une interruption illégale de grossesse.

Lilian Sepulveda, chef du centre des droits de reproduction déplore : « Le problème récurrent dans les pays latins, c’est que les lois qui offrent plus de droit incluent toujours des conditions qui mettent trop d’obstacles ».

L’interdiction de l’IVG conduit à des cas dramatiques

Elle cite l’exemple d’une jeune Péruvienne de 13 ans que les médecins ont refusé d’opérer, alors qu’elle avait besoin d’un réalignement de la colonne vertébrale, prétextant que cela pouvait mettre en danger l’enfant qu’elle portait.

L’adolescente s’est blessée en sautant par la fenêtre d’un immeuble. Sa grossesse était due à un viol. La jeune fille a finalement fait une fausse couche mais est aujourd’hui paralysée.

« C’est un incident isolé », a toutefois affirmé la chef du centre. Et a ajouté, qu’en dépit de cette évolution en Uruguay, les droits des femmes en matière d’avortement étaient en train de reculer dans la plupart des pays d’Amérique latine, où catholiques et groupes conservateurs font tout pour bloquer l’accès à la contraception.

Utiliser la « pilule du lendemain » est passible de prison ferme au Honduras, ajoute Lilian Sepulveda. En attendant, au Chili, il est possible de s’en procurer dans les pharmacies privées, en dépit du fait que les femmes démunies se font soigner dans des cliniques d’État, dans des conditions parfois difficiles.  

Global Post/Adaptation Alexis MAMOU pour JOL Press.

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