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Monsieur le Président, vous vous êtes trompé d’adversaire

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Le volet recettes de la loi de finances pour 2013 est en cours d’examen à l’Assemblée nationale – et son adoption en première lecture devrait intervenir lundi 22 ou mardi 23 octobre. Un certain nombre de dispositinos concernent les PME et les leurs responsables. Pour Rafik Smati, le président de la République a raté le coche en envoyant un message erronné aux entrepreneurs. 

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Monsieur le Président de la République

Votre majorité a entamé le vote du projet de loi de finances pour 2013, qui prévoit notamment la tranche de 75% sur les revenus excédant 1 million d’euros par an. Votre gouvernement a certes consenti quelques amendements, suite au mouvement inédit des «pigeons», collectif de plusieurs milliers d’entrepreneurs qui se sont fédérés grâce aux réseaux sociaux. 

Tout ça pour ça…

Mais ce funeste épisode laissera des traces : les entrepreneurs des PME de ce pays (dont il faut rappeler qu’elles représentent 85% des emplois créés) se considèrent durablement comme les mal aimés d’un système ; les étrangers voient plus que jamais la France comme un pays où règne une atmosphère de lutte des classes d’un autre temps ; quant à la jeune génération, résignée, elle a renoncé à l’idée de créer et d’entreprendre. 

Voici, Monsieur le Président de la République, les conséquences d’une disposition budgétaire qui ne rapportera au final «que» 200 millions d’euros à l’Etat. Tout ça, pour ça… Etait-ce bien raisonnable, Monsieur le Président ? Ne vous seriez-vous pas trompé d’adversaire ? Je me souviens pourtant encore de votre discours de campagne du 22 janvier 2012 au Bourget. Permettez-moi de vous citer : « Mon adversaire, c’est le monde de la finance. Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies. Désormais, il est possible en une fraction de seconde de déplacer des sommes d’argent vertigineuses, de menacer des Etats ».

S’en prendre au diktat de la finance spéculative

Lorsque vous avez prononcé ce discours, je me suis mis à espérer que vous pourriez être celui qui s’en prendrait à ce diktat de la finance spéculative. Je voudrais vous rappeler quelques chiffres, que vous connaissez sans doute : dans les années cinquante, la durée moyenne de détention d’une action était de 4 ans. En 2008, elle était de 2 mois. Aujourd’hui, elle est de 22 secondes.  Le « trading haute fréquence » représente désormais plus de la moitié des échanges financiers en Europe. Les trois-quarts aux Etats-Unis. 

Il vous appartient de vous emparer de ce sujet, et de prendre des décisions fortes en matière de régulation financière, d’user de votre leadership pour faire avancer l’Europe sur la question (sans les anglais, qui se montreront forcément réfractaires).  Les plus-values réalisées par ces transactions là, Monsieur le Président de la République, vous avez notre bénédiction pour les taxer fortement, pourquoi pas à 60,5%

Faire de la France, terre d’accueil pour l’entrepreneuriat

Certes, je comprends que cet adversaire est sournois et puissant, peut être le plus puissant de tous. Mais vous disposez de la légitimité la plus forte qui soit pour l’affronter : la légitimité démocratique. En contrepartie de la manne colossale que vous dégageriez, vous pourriez alors supprimer cet impôt absurde qu’est l’ISF, vous reviendriez à une taxation plus raisonnable des plus values de cession. Vous donneriez les moyens aux PME de se financer, grâce à un tissu dynamique de « Business Angels » et de sociétés de capital-risque. Au final, vous donneriez le signal puissant que la France est une terre d’accueil exceptionnelle pour l’entrepreneuriat et la réussite, mais un adversaire acharné de la spéculation financière, gangrène de notre modèle capitaliste.

Les PME, un adversaire moins coriace que la finance spéculative

Monsieur le Président de la République, vous auriez pu prendre à bras le corps le sujet essentiel que représente cette finance sans visage. Mais vous avez préféré jeter le trouble sur la France de l’entreprise, sur la France qui prend des risques, sur la France qui ose. Ces «pigeons» ont pour vous l’avantage d’être moins coriaces que le pouvoir spéculatif, que vous attaquiez pourtant avec véhémence pendant votre campagne électorale. Mais ne vous y trompez pas : la grandeur politique, ce n’est pas communiquer sur des dogmes ou des symboles. La grandeur politique, la vraie, celle que retiendra l’histoire, consiste à savoir affronter ses vrais adversaires, les adversaires les plus puissants. Vous avez été élu pour cela.

Rafik Smati
twitter.com/rafiksmati

 

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