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Obama-Romney: derniers ajustements avant le débat

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Mitt Romney va devoir lutter pour sa survie politique

Ce n’était pas censé se passer comme cela. Chaque expert politique vous le dira, lors du premier débat contre un président sortant, le candidat rival a l’avantage. Théoriquement, tout ce que Mitt Romney a besoin de faire est de tenir tête à Barack Obama à Denver, et il gagne un point automatique pour être présidentiable.

Mais, en réalité, Mitt Romney va se battre pour sa survie politique lorsque les deux hommes vont se rencontrer mercredi 3 octobre au soir. La campagne ayant sérieusement trébuché au cours des dernières semaines, l’ancien gouverneur du Massachusetts cherchera un moyen de retrouver une certaine dynamique alors que la campagne entame sa dernière ligne droite.

Le duo Romney-Ryan est à la traîne dans les derniers sondages, une position que beaucoup de commentateurs trouvent surprenante : « Pourquoi n’arrivez-vous pas à suivre la course ? », a demandé dimanche sur Fox News Chris Wallace à Paul Ryanvice-président en cas de victoire du candidat républicain. « Pourquoi êtes-vous en train de perdre ? ».

Bien qu’un nouveau sondage CNN/ORC ait donné les républicains ex-aequo avec Barack Obama, c’est encore loin de la performance que plusieurs observateurs attendaient des opposants au Président.

Avec un fort taux de chômage, une croissance économique basse, et une nation en difficulté dans les affaires étrangères, c’est Barack Obama qui aurait dû perdre la course. Comme les analystes ne se lassent pas de le souligner, aucun président sortant n’a jamais été réélu avec de tels chiffres négatifs. Néanmoins, Barack Obama est en position de force en ce moment et, sauf événements majeurs, semble prêt pour la victoire.

Du sourire de Barack Obama aux mâchoires de Mitt Romney

Comme cela s’explique-t-il ? C’est ce que l’on appelle « le facteur sympathie », « la distance d’empathie » ou le « voudrais-tu boire une bière avec ce type ? ». Dans cette catégorie, Barack Obama est loin devant dans les statistiques.

Tout cela aura son importance mercredi 3 octobre, peut-être plus que cela ne le devrait, les débats étant en effet moins centrés sur la politique que sur l’image. Les spectateurs seront ainsi probablement davantage influencés par la force du sourire de Barack Obama ou le serrement de mâchoires de Mitt Romney que par les arguments de poids sur les impôts ou la Sécurité sociale.

Les rapports des débats précédents le confirment : l’apparence est cruciale. La barbe de trois jours de Richard Nixon et sa lèvre mouillée lui ont coûté l’élection de 1960. Il faisait en effet pâle figure devant la jeunesse exubérante de John Kennedy à l’ère nouvelle de la télévision.

Ronald Reagan a probablement pris le dessus dans les débats des années 1980, plus en apparaissant aimable face au tendu Jimmy Carter que par de convaincants arguments, et George H. W Bush a certainement perdu des votes en regardant sa montre quand au même moment un endiablé Bill Clinton s’adressait à l’audience pendant les débats de 1992.

Les candidats n’ont pas tant besoin de faire appel à l’intelligence de l’électorat lors des débats que de s’adresser à leurs instincts. Les votes suivront.

Le président sortant, favori des sondages

Les démocrates ont l’avantage pour le moment. Les experts disent qu’ils ont marqué un point en présentant Mitt Romney sous les traits d’un millionnaire loin de ses électeurs, qui ne comprend ni ne se soucie des problèmes des Américains ordinaires. Les républicains ont été moins habiles à dépeindre Obama comme un sauvage socialiste de gauche cherchant à « remplacer les principes fondateurs de l’Amérique », comme Ryan l’a déclaré dans son interview à la Fox, dimanche 30 septembre.

Barack Obama doit éviter d’être mis KO mercredi soir, mais, plus que cela, il a besoin de continuer à sourire et d’espérer que rien ne prenne une mauvaise tournure. Romney, au contraire, doit changer son discours, inverser la direction, et se montrer plus dynamique – ce qui est beaucoup plus difficile.

Romney et Obama ont de l’expérience et sont des débatteurs accomplis. Mais Romney a une faiblesse que les démocrates chercheront sans doute à exploiter.

Dans The Real Romney [ Le Vrai Romney ], les auteurs Michael Kranish et Scott Helman décrivent la course au Sénat du Massachusetts en 1994. Quand on l’interroge sur le dossier Bain Capital, Romney perd sa contenance : « Vous avez vu l’éclair de la colère », dit un ancien collaborateur de Kennedy, décrivant la réaction de Romney. « C’était comme une révélation pour la campagne démocrate : Romney semble avoir une mâchoire de verre ».

Les points faibles des candidats

Du côté de Barack Obama, il y aura sans aucun doute un bon nombre d’allusions à la désormais tristement célèbre vidéo des « 47% d’assistés», enregistrée subrepticement lors d’un dîner à 50 000 dollars le plat organisé par Mitt Romney pour une collecte de fonds en mai dernier, et dans laquelle le candidat a oublié que près de la moitié du pays était concernée par son commentaire. Cela a eu un terrible impact sur l’électorat, et représente un cadeau pour les démocrates qui continuent à s’en servir.

« Je suis une des 47% », a soufflé une dame âgée qui travaille pour la campagne démocrate, au siège du parti démocrate à Lisbon, dans l’Ohio. Elle ne voulait pas donner son nom parce qu’elle n’était pas autorisée à parler aux médias. « Je reçois la sécurité sociale. Je suppose que je ne suis pas irresponsable, parce que j’essaie d’élever trois petits-enfants avec ça ».

Barack Obama aussi a ses points vulnérables : il se présente parfois comme un professeur, et ses assistants travaillent sans aucun doute avec lui afin qu’il fasse preuve de plus de décontraction pendant ses présentations. Les conseillers en communication des candidats étaient absents tout le week-end, essayant de préparer le terrain pour le débat.

Tout se jouera lors des premières minutes du débat

Le représentant républicain Chris Christie a fait la une des émissions dimanche 30 septembre, en prédisant de manière confiante que Mitt Romney battra Barack Obama « à plates coutures » pendant le débat de mercredi 3 octobre. « Venez jeudi matin, on se grattera tous la tête en disant :‘Waouh ! On va avoir un discours incendiaire pendant les trente-trois prochains jours’ », a ajouté Christie.

Le gouverneur du New Jersey semble aussi avoir oublié les conséquences de la vidéo des « 47% », en déclarant que la plupart des Américains comprenaient que les candidats disent parfois les choses de manière maladroite. Ryan, au contraire, a parlé du talent d’Obama en tant que débatteur, peut-être dans le but de placer Romney dans la position de l’opprimé, le Rocky Balboa du combat.

A la fin, ce sera aux experts d’analyser, sûrement ad nauseum, qui a « gagné », et qui a « perdu ». Mais en réalité, tout va se jouer dans les premières minutes du débat, durant lesquelles des millions de spectateurs seront influencés par un ensemble de facteurs intangibles dont ils ne seront, pour la majorité d’entre eux, même pas conscients.

La plupart des électeurs, nous dit-on, ont déjà faire leur choix. Ce débat, comme la plupart des milliards en publicité, s’adresse à un très petit nombre d’électeurs potentiels. Mais il reste cinq semaines intenses à parcourir avant le jour du scrutin et, d’ici-là, presque tout peut encore arriver.

Global Post / Adaptation : Anaïs Lefébure / JOL Press

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