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Philippe Even et Bernard Debré accusés de «propos diffamatoires»

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On se souvint de l’écho immense du Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux de Philippe Even et Bernard Debré à sa sortie. Ils y révélaient que la moitié des médicaments vendus sur le marché étaient parfaitement inutiles. Et le livre a fait un tabac : les 12 000 exemplaires imprimés ont tous été épuisés le jour même de sa parution et 200 000 nouveaux exemplaires ont été réimprimés. Seulement voilà, ce livre-choc en scandalise plus d’un.

La Fédération française d’allergologie porte plainte

Ce lundi 8 octobre, de nombreux scientifiques se sont regroupés au sein de la Fédération française d’allergologie pour dénoncer les « propos diffamatoires » des auteurs. Car si dans leur livre Philippe Even et Bernard Debré qualifient de « désastreux » le bilan de l’allergologie et traitent les praticiens de cette spécialité de « gourous » de « charlatans » ou de « marchands d’illusions », les allergologues, eux, ne semblent pas particulièrement être d’accord : « N’en déplaisent aux auteurs de ce livre, l’allergologie constitue une discipline à part entière, dispensée par des professeurs d’université et sanctionnée par un diplôme reconnu par le ministère de l’Enseignement supérieur », s’insurgent-ils dans un communiqué. « Elle regroupe en France plus d’un millier de praticiens organisés en société savante avec un grand nombre d’universitaires. »

La Fédération française d’allergologie a même décidé de porter plainte contre les auteurs auprès du Conseil de l’Ordre des médecins : « Non contents d’être diffamatoires, ils sont irresponsables car ils jettent la suspicion sur toute une profession (praticiens, chercheurs, enseignants) et méprisants à l’égard des malades sans considération aucune pour leur santé », dénoncent-ils dans ce communiqué.

Réactions du monde médical

L’Union nationale des omnipraticiens français partagent l’avis de la Fédération française d’allergologie. Dans une tribune, le syndicat regrette les « dangereux raccourcis scientifiques » de ce « pamphlet anti-médicament ». « Votre intervention n’a fait que semer le trouble dans l’esprit de ceux que vous voudriez protéger et que nous devons à nouveau convaincre de l’utilité de leur traitement », s’inquiète l’UNOF, qui dénonce une attaque gratuite contre tout le corps médical : « Vous donnez à croire que tous les médecins mettent leur mouchoir sur leur éthique et sont vendus aux industries pharmaceutiques. Vous laissez penser que, chaque jour, dans nos cabinets, nous ne mesurons pas le bénéfice-risque de traitements dont nous connaissons la toxicité mais aussi le bénéfice pour nos patients. »

Les entreprises du médicament (LEEM) dénoncent une « confusion regrettable et néfaste à l’égard des autorités sanitaires, des médecins et de l’ensemble des salariés des entreprises du médicament ». Selon l’organisation, le livre de Philippe Even et Bernard Debré « contribue à alarmer inutilement les malades et risque de les conduire à arrêter de leur propre chef des traitements pourtant adaptés aux maladies dont ils souffrent. »


Réactions dans le monde politique

La ministre de la Santé Marisol Touraine n’a pas non plus semblé emballée par l’ouvrage, qu’elle a qualifié de « livre médiatique ». Dans une interview pour Europe 1, le 14 septembre dernier, elle dénonçait un risque d’amalgame : « On ne peut pas comparer l’ensemble des médicaments au Mediator. C’est faire injure à l’ensemble de l’industrie pharmaceutique et c’est inquiéter pour rien les Français qui n’ont pas des médicaments de ce type-là dans leur pharmacie », avait-elle déclaré.

Quant à l’ancienne ministre de la Santé Roselyne Bachelot, elle remmettait très tôt en question la légitimité des auteurs de l’ouvrage : « C’est un peu à la louche cette étude, les personnes qui ont fait cette étude ne sont peut-être pas les plus qualifiées pour la mener », déclarait-elle sur Europe 1, le 13 septembre dernier.

Défense des auteurs

Dans un communiqué, Philippe Even et Bernard Debré, ont cherché à se défendre : « Nous rappelons que cet ouvrage est le fruit d’un travail des auteurs unique en France : 7000 heures d’analyse de 20 000 références internationales, des grands traités anglo-saxons de thérapeutique aux options de la revue Prescrire, associées à deux longues expériences de pratique et d’enseignement », ont-ils écrit ce lundi 8 octobre.

La veille, cinq médecins lançaient un appel, dans les colonnes du JDD, intitulé « Pour une autre politique du médicament », et dans lequel ils demandaient aux services publics de « programmer la publication rapide d’un livre blanc des médicaments pour aider les médecins à prescrire mieux et moins et éclairer le grand public ».

De leur côté, les auteurs « maintiennent leurs très sévères critiques sur l’emploi à tout-va des antibiotiques, antidépresseurs, antihypertenseurs, antidiabétiques oraux récents (…), de l’Avastin en cancérologie (…) et plus encore des statines » contre le cholestérol.

Une affaire qui n’a pas fini de faire parler d’elle…

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