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«Pigeons», la lutte n’est pas finie!

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Des entrepreneurs « pigeons » de l’Internet, aux médecins tout aussi « pigeons » de nos contrées, la mode est aux volatiles. Que l’on soit bien clair. Il est difficile de leur donner tort, aux uns comme aux autres. Qui a côtoyé, ou participé, à un projet de l’Internet connait les affres du sujet.

Une taxation abusive, voire spoliatrice, ne saurait prendre en compte les difficultés de mener à bien une entreprise de cette nature. Difficile, même si on en a envie, de leur donner tort, car ce serait faire fi du temps passé, des business plans retoqués, des projets avortés, des nuits blanches passées, etc.

Dans un registre différent, il en va de même des médecins « pigeons ». À 23 euros la consultation, le médecin de Guéret ou de Paimpol n’usurpe pas sa rémunération. Et personne ne se plaindra de le trouver, à un moment délicat. Je ne mentionne ce dernier point que pour revenir au premier, juste pour intégrer le fait, que le sentiment d’être abusé, dépasse le cadre qui m’est imparti. Et ce cadre concerne l’Internet en général, et le monde des médias en particulier. Dans l’entreprise des « pigeons » médiatisée comme on le sait, il y a beaucoup de vrai.

Les entrepreneurs de l’Internet doivent faire preuve de pédagogie minimale faute de quoi ils seront spoliés

À commencer par ce sentiment de distorsion entre le monde tel qu’il est, et le monde tel qu’il va être. Les « pigeons », à tort ou à raison, se sentent précurseurs d’un mouvement de novation, de défrichement, d’avant-garde, comme dirait Lénine… Et donc, corollairement, ce sentiment d’être incompris, et qui plus est, méprisés, dénigrés, et, in fine, spoliés. Ne sourions pas. Ce sentiment est réel. Et pas forcément injustifié. Là s’arrêtera donc ma compassion.

Car on voit bien dans cette entreprise, habilement menée, que prévalent les récriminations face à l’État, forcément accapareur, et un individualisme entrepreneurial dont on peine à comprendre les ambitions sociétales. Pour peu qu’elles aient pu être, à un moment ou l’autre, envisagées. Car ce qu’il faudrait que les entrepreneurs de l’Internet intègrent, c’est qu’à un moment ou l’autre, ils fassent preuve de pédagogie minimale, pour faire comprendre au « sous-doué » moyen, à quoi ils servent, pourquoi ils ont entrepris telle ou telle démarche, en quoi elle est utile, en quoi elle n’est pas que spéculatrice, en quoi elle a un sens, faute de quoi, ils se retrouveront, brocardés, dénigrés, mis de coté une fois leur première plus-value accomplie. À tort. Par manque de communication. Ce qui est le comble. 

Donc, l’État, voila l’ennemi. Dispendieux, castrateur et spoliateur. Très bien. Et pas toujours totalement erroné. Mais il y a les autres, dont on ne parle visiblement que très peu, et qui n’ont pas la rigidité centralisatrice, jacobine, distributive de l’État honni. Les entreprises privées, les fonds d’investissement, les observateurs impliqués de la vie économique, les investisseurs avertis qui concourent à la créativité et à leur application. 

Pourquoi les grandes entreprises privées et les fonds d’investissement n’accompagnent-ils pas le mouvement des « pigeons » ? 

Ceux qui parlent d’initiatives privées, de génies créateurs, mais qui, une fois leurs paliers franchis, se retranchent derrière leur R.O.I. Pour mieux botter en touche. En fait, face à tous ces donneurs de leçons méprisant l’emprise régalienne de l’État, on a envie de leur demander où est leur puissance d’innovation. Prenons, l’exemple simple des médias. Il ne fallait pas être grand clerc, à la fin des années 1990, pour comprendre que l’arrivée d’Internet bouleversait la donne du rapport entre le lecteur et le support (comme on dit). 

Que ce soit dans le domaine de la publicité, de l’achat du média, ou de la distribution. Tous les médias français, pour parler de ce que l’on connait, ont été le théâtre de discussions âpres sur le sujet. Et, que s’est il passé ? Rien. Juste une lente et inexorable descente aux abîmes qui se solde aujourd’hui par une érosion de la diffusion des journaux, une crise sans précédent de la distribution via Presstalis, et surtout ce sourd sentiment que rien, strictement rien n’est entrepris pour inverser la donne. Un exemple parmi tant d’autres. 

Au-delà de la réforme, lutter contre le frein à l’innovation et la soumission béate aux rentes acquises

C’est à ce moment qu’il convient d’en revenir à nos « pigeons ». Ok, les gars, bien joué. Mais ça sert à quoi, votre com’, si ce n’est à dénigrer les fonctions régulatrices de l’État central dont, à d’autres moments, vous serez peut être amenés à requérir un soutien temporaire ? Pourquoi ne demanderiez vous pas aux grandes entreprises privées, aux fonds d’investissement, aux décideurs, d’accompagner le mouvement (au delà des paroles), qu’effectivement, vous entreprenez ?

Car si la mode est aux pigeons elle est aussi aux parrainages. Qu’est ce qui empêche une grande ou moyenne entreprise, sans volonté capitalistique impérialiste, de soutenir des projets de l’Internet en recherche de fonds, ne serait-ce que pour permettre la transmission des savoirs, que, soi même, on ne peut apporter ? Qu’est ce qui empêche aujourd’hui à des investisseurs, qui savent pertinemment que la téléphonie est le média central de demain, de soutenir, ici ou là, les projets qui germent ou sont en gestation ? 

Parce que chacun sait déjà que, sous une forme ou sous une autre, c’est le média central, sinon, d’aujourd’hui, du moins de demain. Faudra t il attendre l’effondrement programmé de tel ou tel secteur pour que les recettes que nous connaissons déjà puisent être mises en œuvre ? 

Oui, « Pigeons », encore un effort. Votre critique de l’État que vous avez pointé du doigt, au prétexte, d’une réforme fiscale idiote, est justifiée. Pour autant, n’oubliez pas le reste. Il est malheureusement plus grave. Et vous êtes bien placés pour le savoir. Ce frein incroyable à l’innovation, et cette soumission béate aux rentes acquises, alors que chacun sait, dans son domaine respectif, ou l’avenir se construira. Oui, encore un vrai effort.

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