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Pour les expatriés américains, la Maison Blanche, c’est loin

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Un faible taux de participation et peu de données sur les habitudes de vote des expatriés

Il n’y a pas d’électeurs américains aussi peu fiables que les expatriés. Ils votent encore moins fréquemment que les adolescents et les décrocheurs scolaires. Et quand il s’agit de contribuer financièrement aux campagnes, ils représentent moins de 1% du butin total.

Quand on regarde leur faible taux de participation – seulement 7% lors de la course à la présidentielle en 2008, selon la fondation non partisane Overseas Vote, le mystère qui entoure leurs habitudes de vote reste entier. La plupart des Américains vivant à l’étranger se tournent-ils plutôt vers les démocrates ou les républicains ? Personne ne le sait vraiment. Dans la politique américaine (un champ disséqué à un niveau moléculaire par des stratèges grassement payés), ces données sont aux abonnés absents.

« Parmi tous les expatriés, combien reçoivent le bulletin et combien le renvoient en retour, oui, ce chiffre pourrait surprendre certaines personnes tant il est insignifiant », déclare Ross Feingold, 38 ans, président des Républicains de l’étranger, basé à Hong Kong. « Mais nous avons des gens qui font un effort extraordinaire pour déposer leur bulletin de vote ».

Dans cette nouvelle course très serrée à la présidentielle américaine qui se profile à l’horizon, les démocrates et les républicains de l’étranger se bousculent pour rallier et motiver le plus grand nombre possible d’électeurs américains.

Malgré des démarches facilitées, la participation électorale reste faible

Le vote au-delà des frontières n’a pourtant jamais été aussi facile. 23 États, y compris les États-clés comme la Caroline du Nord, le Nevada et le Colorado, permettent aux électeurs inscrits de scanner et envoyer par e-mail leurs bulletins de vote officiels. (Le piège ? Les responsables des élections peuvent voir pour qui vous avez voté). La Floride, parmi les États-clés les plus influents, permet même aux Américains d’outre-mer de transmettre leurs bulletins de vote par fax.

Dynamiser cette petite frange des Américains expatriés politiquement motivés est la mission première des démocrates et des républicains de l’étranger. Ce n’est pas chose facile. Les 6 à 7% des Américains à l’étranger qui ont voté pour le président en 2008 sont dépassés, y compris par le plus faible taux de participation dans leur pays d’origine. Les données du recensement fédéral montrent que 49% des 18-24 ans ont voté lors de l’élection présidentielle il y a quatre ans. De même, 39% des électeurs qui n’ont pas de diplôme d’études secondaires se sont aussi rendus aux urnes.

Les deux partis politiques soutiennent que, en Asie, région qui attire un nombre croissant d’Américains, cet effort reste particulièrement difficile. Sur les 6,3% d’Américains vivant à l’étranger, seulement 864 000 vivent en Asie, selon les chiffres du ministère d’État, ce qui n’inclut pas le personnel militaire.

Pour les démocrates de Thaïlande, tous les moyens sont bons pour attirer les électeurs

Le succès de l’attitude « get out the vote » [« dégaine ton vote »] dépend de ces groupes politiques éparpillés qui peuvent ou non y adhérer. En Thaïlande, le groupe local des Démocrates de l’étranger se double d’un réseau social qui maintient un club de lecture et mobilise régulièrement ses fidèles dans les pubs de Bangkok. Alors que la bière locale Singha coule à flots, ses membres poussent les nouveaux arrivants à remplir les formulaires d’inscription des électeurs.

« Pour certains Américains, ici, nous sommes le seul groupe d’expatriés auquel ils appartiennent », explique Gary Suwannarat, une retraitée de 64 ans qui vit à Chiang Mai, en Thaïlande, et membre vétéran des Démocrates de l’étranger. Suwannarat vote dans ce qu’elle appelle un « très rouge » comté du Colorado.

« En 2008, la course aux votes était rude », dit-elle. « Nous aimerions avoir quelqu’un qui représente la campagne d’Obama, une bonne musique, et un écran qui diffuse les clips des démocrates disant des choses drôles pour fustiger les républicains. Tout ça aide les gens à s’inscrire sur place ».

Lors d’un événement récent et plus discret, le groupe a projeté le premier débat de la course à la présidentielle américaine, dans un bar sportif de Bangkok. « Nous avons obtenu un rabais sur le vin et un « happy hour » sur les bières toute la nuit », dit Peter du Pont, 52 ans, consultant en énergie qui dirige le groupe Démocrates de l’étranger en Thaïlande, qui compte près de 2000 membres. « J’ai l’impression qu’on a bien fait la fête ».

« Nous sommes au centre d’une région en plein essor. C’est un terrain très fertile. Il y a probablement des dizaines de milliers d’Américains vivant en Thaïlande, et nous essayons d’atteindre le plus grand nombre possible d’entre eux », dit-il. Mais discerner simplement combien d’entre eux préfèrent le parti démocrate repose, cependant, sur des suppositions.

« Nous n’avons pas de données statistiques sur l’appartenance politique des expatriés », continue du Pont. « Mais oui, ce serait très utile ».

Des républicains plus discrets

Le groupe des Républicains de l’étranger en Thaïlande est un réseau plus silencieux, géré en grande partie par d’anciens membres des services américains qui maintiennent une liste de contacts de 150 personnes environ. « En Asie, quand vous vivez ici depuis longtemps, vous pouvez voir l’Amérique d’un point de vue extérieur. Il est assez facile de dire que les choses ne vont pas bien avec l’économie américaine », déclare Paul Salvette, 32 ans, vétéran de la guerre d’Irak qui dirige une petite entreprise (BB eBooks), et travaille comme directeur de la communication des Républicains de l’étranger en Thaïlande.

« Je pense qu’une grande partie des personnes les plus jeunes ici, les personnes qui travaillent pour des ONG, les enseignants internationaux, sont démocrates. Mais nous sommes présents aussi, surtout dans le milieu des affaires », explique Salvette.

Son groupe ne cherche pas à rivaliser avec la stratégie « inscris-toi-pendant-qu’on-fait-la-fête » de ses adversaires. « Nous avons des activités sociales, mais elles sont limitées. Beaucoup d’entre nous ont des familles… Mes soirées passées à faire la fête sont loin derrière moi », déclare Salvette. « Je ne veux pas dire que nous sommes un peu plus matures, ni plus âgés, mais on ne va pas à des rassemblements pour se lâcher ».

La Thaïlande, dans le Top 10 du financement de la campagne de Mitt Romney

Le profil social des deux groupes suggère que la Thaïlande est un bastion démocrate. Les rapports sur les dons de campagne montrent le contraire. Selon les documents de la Commission électorale fédérale, analysés par le Centre non-partisan Responsive Politics, seulement deux pays d’Asie du Sud Est apparaissent dans la liste du « top 10 » des plus grands donateurs de campagnes : Singapour (16 000 dollars de dons) et la Thaïlande (3 500 dollars de dons). Ces deux montants ont été envoyés au candidat républicain, Mitt Romney.

Les contributions financières des expatriés sont en majorité versées à Barack Obama

Pourtant, Barack Obama bat Mitt Romney à plates coutures en termes de contributions d’Américains vivant à l’étranger. (Les étrangers ne sont pas autorisés à faire des dons directement à la campagne présidentielle). Cette même analyse montre que Barack Obama a obtenu 779 000 dollars, une somme bien éloignée des 383 000 dollars de Romney.

Mais malgré le fait que le président sortant ait déclaré que l’attention américaine sur l’Asie était primordiale, les Américains vivant dans la région ne trouvent pas primordial d’envoyer beaucoup d’argent pour sa campagne. Ses quatre principaux donneurs de fonds à l’étranger sont : le Royaume-Uni, la France, la Suisse et le Canada. Mitt Romney a la faveur des donateurs d’Asie. Son « top 4 » inclut le Royaume-Uni, suivi par Hong Kong, Singapour et la Chine.

« Il ne faut donc pas s’étonner que les principales villes sont celles où nous poussons les gens à participer », a déclaré Feingold, le président des Républicains de l’étranger en Asie. « C’est à Hong Kong et Singapour, Shanghai et Pékin. Ce sont ces grandes villes où la population de citoyens américains augmente souvent par rapport au passé ». Hong Kong, le centre financier le plus puissant d’Asie centrale, jouit d’une bonne santé en matière de participation républicaine à l’étranger, déclare Feingold.

Des contributions qui ne pèsent pas lourd dans le financement des campagnes

Mais la contribution financière totale des deux partis – qui s’élevait à environ 1,1 million de dollars, en août, selon les rapports fédéraux, n’entraîne qu’un faible tintement dans les tirelires de la campagne. Ce chiffre dérisoire n’élève que de 0,08% les 1,3 milliard de dollars soulevés par les deux partis réunis.

Même le nombre de citoyens américains vivant à l’étranger est débattu : l’association Citoyens américains de l’étranger, à but non lucratif, décompte 5,2 millions de personnes, soit 1 million de moins environ que l’estimation du Département d’État. Quelles que soient les estimations, la diaspora américaine est à peu près égale à la population du Colorado ou du Missouri.

Mais leur résistance à voter, ou les faibles contributions financières aux campagnes, expliquent peut-être pourquoi les chercheurs ont gaspillé si peu de temps à étudier leurs habitudes de vote.

« Il n’y a tout simplement pas de bonnes informations sur nos métiers, nos revenus ou la direction dans laquelle nous votons », déclare Suwannarat. « Si quelqu’un vous dit que tout le monde à l’étranger est soit républicain, soit démocrate, ils n’est pas sérieux ».

Global Post / Adaptation : Anaïs Lefébure / JOL Press

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