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Pourquoi l’Occupation française fascine tant les Américains

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John R. MacArthur a compris le premier que la belle histoire de Barack Obama était une fable. Parce qu’il a été éduqué comme lui dans le milieu politique à ChicagoMacArthur connaît de l’intérieur le système clientéliste et corrompu des « Daley », les « parrains » démocrates de la ville, qui ont favorisé l’ascension du premier président métis des États-Unis.

Dès 2008, alors que les médias du monde entier s’enflamment pour le retour du rêve américain, l’auteur décortique déjà avec une grande liberté de ton la face cachée du futur président et ses compromis avec Wall Street.

Avec L’Illusion Obama, il restitue au fil de chroniques sa vérité sur le président des États-Unis, mais aussi sur la société américaine. Il parle aussi du désarroi américain, de ces figures intellectuelles qui s’effacent, de l’air du temps qui ressemble trop souvent à une bourse des fausses valeurs, du bilan désastreux des opérations militaires américaines depuis des décennies.

Extraits de L’Illusion Obama, de John R. MacArthur

« Qu’est-ce qui fascine toujours tant les Américains – surtout ceux issus de l’intelligentsia libérale – dans l’Occupation allemande de la France et la réponse largement passive des Français en 1940-1944 ? Il y a de quoi rester songeur. À New York, deux expositions majeures traitent de cette question primordiale et toujours irrésolue : comment se fait-il qu’une société justement célébrée pour son adhésion aux Lumières ait pu collaborer à un tel point avec l’ombre du nazisme ?

À la bibliothèque publique de New York, on trouve d’abord l’ambitieuse exposition Entre collaboration et Résistance, qui décrit la « vie littéraire » pendant l’Occupation – vie qui a fleuri dans une atmosphère parfois fantaisiste. Au musée de l’Héritage juif, on peut ensuite parcourir la vie tragique d’Irène Némirovsky, l’excellente romancière « française » et juive.

Je ne tenterai pas d’expliquer la conduite des Français durant la guerre. Pour moi, l’histoire de l’Occupation reste encore une affaire personnelle, un « itinéraire complexe » de mémoire (selon l’expression des conservateurs de la bibliothèque dirigée par le grand historien de l’époque, Robert Paxton, pour décrire ceux qui n’ont chois,i ni la résistance, ni la collaboration ouverte) vu à travers le récit de ma mère. Celle-ci a passé la guerre en zone occupée, dans un confort qui ne pouvait masquer un isolement angoissant.

Mon grand-père, bien qu’il ait été anti-allemand et pro-britannique, avait tout de même gardé ouverte son usine de placage, qui poussait ses feux pour vendre des produits aux fabricants de meubles allemands. Une de ses justifications était, bien sûr, qu’il ne voulait pas que ses ouvriers soient envoyés en Allemagne pour travailler dans des usines d’armement (certains ont tout de même été appelés).

Mais c’est précisément ce genre de compromis qui rend l’argument si fâcheux. J’aurais bien aimé pouvoir lui demander pourquoi il n’était pas entré en résistance clandestine s’il était « contre les Boches ». Mon grand-père est toutefois mort bien avant que j’atteigne l’âge de raison… et l’argent gagné sous le joug allemand a aidé à payer mon éducation en Amérique. (…)

Quant à l’intérêt américain fervent pour ces deux expositions, je n’ai pas d’explication. À part peut-être le sentiment que mes concitoyens, dans leur innocence perpétuelle, préfèrent toujours juger les autres plutôt que d’examiner leurs propres torts. Il se peut aussi que la France soit tout simplement plus intéressante que la Hollande, où un plus grand pourcentage de la population juive a été déporté.

Au fond, l’Occupation est une histoire française, et il y a quelque chose de gênant à voir mes confrères stupéfaits devant le péché des étrangers. Peut-être vaudrait-il mieux que les Américains retournent à l’école et étudient les relations diplomatiques entre Washington et Vichy – maintenues jusqu’en mai 1942 –, sur les quotas d’immigration anti-juifs de l’administration Roosevelt ou à propos des convois de réfugiés renvoyés de la côte Est des États-Unis. On pourrait commencer la leçon avec un paradoxe : l’exposition de la bibliothèque est subventionnée en partie par la fondation établie par Florence Gould, l’épouse d’un riche Américain, qui a tenu un salon de culture franco-allemand à Paris pendant toute l’Occupation… » Le Devoir, 4 mai 2009

Biographie

[image:2,s]John R. MacArthur est l’éditeur de l’une des plus vieilles et prestigieuses revues américaines, Harper’s Magazine.
Il est également chroniqueur au journal Le Devoir.
Américain par son père et français par sa mère, il a grandi entre l’Europe et les États-Unis.
Il est l’auteur d’Une caste américaine (Les Arènes) et de L’Illusion ObamaEditions Les Arènes (27 septembre 2012).

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