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Pourquoi taxer les oeuvres d’art est une mauvaise idée

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Les défenseurs de cet amendement ont une vision purement idéologique et dogmatique de la question : il faut taxer les riches propriétaires d’œuvres d’art car c’est une proposition « symbolique ».

En face, ceux qui se battent bec et ongles contre cette disposition ont une vision pragmatique et économique. Cette mesure, si elle était appliquée, aurait des conséquences non seulement sur le marché de l’art mais également sur le rayonnement culturel de la France à l’échelle mondiale. 

Qu’en est-il exactement ? Il faut bien comprendre que la taxation des œuvres d’art est particulièrement inefficace et qu’elle touche des foyers ou des personnes qui ne sont pas visés par le texte. En effet, il est souvent argué par les tenants de cette mesure que l’art est spéculatif et qu’il est normal que les spéculateurs paient. Mais les très riches (patrimoine de plus de 50 millions d’euros dans le classement de Challenges) disposent déjà des structures et une organisation patrimoniale internationale qui ferait que cette mesure ne les toucherait pas. 

Cette mesure est injuste car les oeuvres d’art ne génèrent pas de revenu

Les moins riches (entre 10 et 50 millions d’euros de patrimoine) sont de toute façon actuellement en train de préparer leur exil fiscal. Une telle mesure ne ferait que précipiter leur départ. Enfin, les personnes payant l’ISF à partir de 1,3 million d’euros de patrimoine s’arrêteront immédiatement d’acheter des œuvres d’art et cèderont celles qu’ils détiennent. Si bien que la mesure aura l’effet inverse à celui recherché.

Elle taxera non pas les riches « spéculateurs de l’art » mais tous les propriétaires d’œuvres qui sont devenu propriétaires d’œuvres d’art de valeur presque par accident : héritiers d’artistes ou de collectionneurs, collectionneur d’art contemporain ayant fait de bon choix, amateurs d’art du dimanche qui achètent et font des découvertes … Bref ceux-là même qui contribuent à la pérennité du patrimoine artistique français et à sa redécouverte.

Cette mesure est d’autant plus injuste qu’à la différence du patrimoine taxable à l’ISF, immobilier, action, etc… les œuvres d’art ne génèrent pas de revenu permettant d’acquitter cette fiscalité. En effet, taxer les œuvres d’art revient donc à payer un droit de possession grignotant progressivement la valeur de l’œuvre. Ainsi, pour une œuvre valant 100 000 euros, le contribuable devra payer de 550 à 1800 euros de droit à la détention de l’œuvre.

Des inspecteurs des impôts venant contrôler in situ les oeuvres détenues ?

Les tenants de la taxation précisent alors que si les œuvres d’art ne génèrent pas de revenus, elles génèrent de grasse plus-values. Outre le fait que le marché de l’art est fluctuant et que la valeur des œuvres dépend largement des modes, ils ont largement oublié que la plus-value des œuvres d’art est déjà taxée à 34,5 % et qu’un amendement, qui n’est pas contesté par les acteurs du marché de l’art, vient d’être justement déposée pour alourdir cette fiscalité.

Enfin, et c’est une question fondamentale, quelles seront les modalités d’une telle taxation ? Monsieur le député Le Fur avait proposé des idées que même les plus soviétiques n’avaient pas imaginées en suggérant que les inspecteurs des impôts viennent contrôler in situ les œuvres d’art détenues. Sans tenir compte d’idées aussi incroyables venant d’un député de droite, la question de l’évaluation pose d’énormes difficultés. 

Une telle taxation contribuerait à une baisse importante des recettes fiscales associées au commerce de l’art

Comment évaluer les œuvres d’art lorsque l’on sait qu’il s’agit d’un marché fluctuant ? Lorsqu’un particulier aura redécouvert une œuvre dans un grenier qui est authentifiée par la suite sera-t-il redressé ? Non, cette taxation est une fausse bonne idée. Elle crée de véritables difficultés techniques et contribue à une baisse importante des recettes fiscales associées au commerce de l’art. Elle détruit un pan entier de l’activité économique de notre pays et appauvrit considérablement notre culture. 

Il est temps d’arrêter d’utiliser cette réforme comme mesure symbolique afin de faire croire au peuple que des mesures sont prises. Car l’effet d’annonce – même s’il n’est pas suivi des faits – commence à avoir des effets catastrophiques dans un contexte de marché où la France ne représente déjà plus que 4,8 % du marché mondial des ventes aux enchères. 

Il faut saluer les élus de gauche comme de droite qui soutiennent l’exonération des œuvres d’art à l’ISF indépendamment des clivages partisans. C’est au moins, sur ce thème, la victoire du pragmatisme sur l’idéologie actuellement mortifaire.  

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