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Pourquoi «The Artist» est-il une non-exception française?

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The Artist est un film ennuyeux. De facture irréprochable, c’est un film de bon élève devant lequel on finit par s’endormir. Un film de cinémathèque mais pas un grand film. Un film aussi sage, discipliné et politiquement correct que François Bayrou. Et les Français ne s’y sont pas trompés. Le film n’a en effet réuni que 2,1 millions de personnes dans l’Hexagone contre 19 millions pour Intouchables. Clairement, le film n’a ni la puissance de Polisse, ni le mordant d’Intouchables.

Pourtant, avec 6,8 millions d’entrées au total, il est devenu l’incarnation de notre réussite à l’international. En particulier aux États Unis.

Et si c’était l’inverse ?

9 millions d’euros pour la production de « The Artist », 10 millions pour sa promotion américaine

The Artist a raflé tous les prix aux États Unis pour deux raisons : le thème glorifie le cinéma américain et repose sur un story telling conduit de main de maître par le lobbyiste producteur Harvey Weinstein. Pour illustrer cela, les chiffres sont éloquents : neuf millions de dollars ont été consacrés à la production du film, tandis que dix millions ont été consacrés à sa promotion aux États Unis.

The Artist a gagné une belle aventure personnelle pour le producteur et les artistes, mais le véritable gagnant n’est autre que l’industrie cinématographique américaine.

Champions du soft power, les États Unis nous prouvent là combien leur suprématie culturelle est un élément central de leur stratégie, à quel point ils sont fiers de leur culture et soucieux de l’exporter. Et cela a toujours été le cas depuis la bouteille de Coca-Cola transformée en Père Noël en 1924, jusqu’aux cigarettes Lucky Strike, incarnation de la Libération conduite par les GI.

Il faut faire de la culture française un des fers de lance du rayonnement national

Certes, le modèle culturel américain est aujourd’hui en déclin, mais la défense de la culture américaine reste.

En ces temps de revendications culturelles multiples se traduisant non par des idées et projets, mais par la montée de communautarismes et radicalismes plus inquiétants les uns que les autres, il serait temps d’accorder, en particulier en France, la place que la culture mérite et surtout de la soutenir.

Pendant l’Entre-deux guerre, et surtout dans les années 1950 avec Malraux, le CNC est devenu le principal soutien du cinéma français. Et sans les aides à la création, le cinéma français d’aujourd’hui serait probablement aussi rayonnant que le cinéma italien.

Avec l’émergence et l’explosion d’Internet ce modèle trouve ses limites, faut-il pour autant renoncer à la promotion et à l’aide à la création et se contenter de sa stricte protection ?

Initiative française, Hadopi, a tenté – sans grand succès – de limiter le téléchargement illégal afin de protéger auteurs et ayant-droits. S’il est temps d’en réviser les contours et le contenu, pour le moins inadaptés, la mission confiée à Pierre Lescure est différente, plus large et plus ambitieuse. Il s’agit de trouver le moyen dans un pays en pleine déroute financière de promouvoir et défendre la culture française. Et d’en faire un des fers de lance de notre industrie et de notre rayonnement.

Il serait donc peut-être temps de sortir de la dénonciation généralisée, de prendre les États Unis pour exemple, et d’entrer dans le cadre de la réflexion sur Hadopi dans une logique collaborative et solidaire teintée d’un chauvinisme joyeux 

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