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Sans Europe, la paix disparaîtra, c’est physiquement prouvé!

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À priori les choix stratégiques de coalition d’un pays par rapport à ses voisins résultent d’un processus plus ou moins rationnel d’optimisation de sa situation géopolitique. Pourtant, si l’Allemagne et la France se sont opposées lors des deux dernières guerres mondiales, il leur est aussi arrivé d’être alliées dans le passé. Ajoutant l’Angleterre au couple franco-allemand, on est dubitatif quant à l’histoire extrêmement chaotique de la dynamique des coalitions/fragmentations qui a existé au cours des siècles passés dans ce trio infernal avec souvent une coalition de deux de ses membres contre le troisième.

Alors que dans le contexte de crise économique de nombreuses voix s’élèvent contre les contraintes imposées par l’UE, il n’est pas inutile de se poser la question de ce que serait la relation franco-allemande en dehors de l’existence de l’UE. Un affrontement direct entre la France et l’Allemagne est-il envisageable sérieusement dans un avenir à moyen terme ?

On pourrait s’offusquer d’un tel propos qui laisserait croire que l’amitié franco-allemande n’est pas une réalité tangible indépendante des aléas de l’existence de l’UE. Les deux peuples seraient désormais à l’abri de tout aventurisme militaire de l’un contre l’autre. Et si ce n’était pas le cas ?

De façon plus abrupte, la réponse passe par les questions suivantes : pourquoi, durant la guerre froide, alors que le risque d’une confrontation générale était au maximum, la paix a prévalue entre les États de l’Europe ? Pourquoi, une fois le pacte de Varsovie dissout, alors que le risque de confrontation avait disparu, les États anciens alliés se sont affrontés à l’Est, et les États à l’ouest sont restés unis ? En d’autres termes, existe-t-il des lois qui réagiraient la dynamique de coalition/fragmentation entre pays ?

Le « triangle » que forment la France, l’Angleterre et l’Allemagne génère une « frustration » tournante.

De façon surprenante et inattendue, une réponse positive à cette question a été donnée à partir de la physique. Plus précisément un modèle de sociophysique a répondu à cette question de façon cohérente et globale. La sociophysique est un domaine récent de la recherche internationale qui utilise des concepts et techniques issus de la physique des effets collectifs pour décrire certains comportements politiques et sociaux. Précisons qu’il s’agit seulement de fournir à partir d’un modèle simple, un éclairage différent et contre intuitif de la réalité, sans prétention à une description exacte.

Inspiré de la description des matériaux magnétiques appelés verres de spins, chaque lien bilatéral entre deux pays est appréhendé comme une propension soit à la collaboration (positive) soit au conflit (négative), cette propension étant le résultat de l’accumulation au cours des siècles des échanges qui ont nourri les relations entre ces deux pays. Ces propensions sont des données non modifiables par les gouvernements.

Une propension positive tend à aligner les deux pays dans la même coalition, comme dans le ferromagnétisme où les moments magnétiques des atomes s’alignent parallèlement. À l’inverse, une propension négative tend à opposer les deux pays en les poussant à être dans deux coalitions opposées, comme dans l’antiferromagnétisme où les moments magnétiques s’alignent aussi mais dans des directions opposées.

L’amitié actuelle franco-allemande est le résultat d’une interaction hétérogène dont la balance est aujourd’hui positive

À titre d’exemple, à partir de leur histoire commune on peut considérer que les propensions entre l’Allemagne, l’Angleterre et la France, sont toutes négatives. Dans le triangle de leurs relations, alors que chaque pays voudrait être en conflit avec les deux autres, deux se retrouvent automatiquement alliés contre le troisième du fait de la loi bien vérifiée selon laquelle les ennemis de mes ennemis sont mes amis. On a donc affaire à un triangle de coalitions instables par la nature même de ses interactions. Une « frustration » tournante est ainsi générée en permanence chez tel ou tel pays.

Là s’arrête l’analogie avec la physique et commence la construction du modèle sociophysique. Pour sortir de ces cycles naturels et dévastateurs, ont été créé des coalitions supranationales qui, dépassant les alliances spontanées de paires, produisent par construction volontaire de nouveaux échanges coopératifs entre les pairs de pays naturellement récalcitrants. La création de l’UE en est un exemple réussi, le Pacte de Varsovie aussi, ces coalitions n’étant pas directement liées au niveau de démocratie des différents pays impliqués.

Cependant, on oublie facilement que ces nouvelles propensions viennent se superposer aux interactions historiques figées mais ne les remplacent pas. C’est la somme des deux, l’historique et l’unioniste, qui désormais détermine la propension au conflit ou à la coopération selon le signe de la plus forte. Ainsi, l’amitié actuelle franco-allemande n’est pas une relation homogène mais le résultat d’une interaction hétérogène dont la balance est aujourd’hui positive du fait de l’existence même de l’UE. Par extension l’UE, par ses échanges et ses contraintes, a transformé depuis cinquante ans le triangle infernal franco-anglo-allemand en triangle vertueux de paix stable.

L’état visible de coopération entre deux pays est le résultat d’une somme de couches positives toutes actives mais dont on ne perçoit que l’excès, positif 

En d’autres termes, l’état visible de coopération ou de conflit entre deux pays est le résultat d’une somme de couches positives et négatives toutes actives mais dont on ne perçoit que l’excès, positif ou négatif. Une partie de ces couches sont non modifiables, les autres sont le résultat de l’appartenance plus ou moins forte à une coalition. Décider d’affaiblir la partie « coalition » implique la résurgence de la relation du passé qui n’a jamais disparue.

Ainsi, vouloir recentrer les commandes nationales depuis le « noyau » historique de la nation pour décider des relations bilatérales pourrait changer le signe actuel de l’échange le ramenant à un bilan qui automatiquement réintroduira les instabilités du passé malgré la bonne volonté des uns et des autres. C’est ce qui s’est passé avec les dissolutions du Pacte de Varsovie et de l’ex-Yougoslavie. Du moins d’après notre analogie avec la physique.

Bien sûr les pays ne sont pas des atomes, mais tout de même, méfions nous d’une volonté d’Europe qui confondrait volontés nationales et volonté collective. À ce stade, le Nobel de la paix à l’UE est particulièrement bienvenu.

>>Pour s’initier à la méthode à partir de laquelle cette démonstration se fonde, lire le billet de Serge Galam Pour comprendre les bases de la sociophysique

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