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Traité européen: discours convenu et ennuyeux de Jean-Marc Ayrault

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Après trente minutes de suspension de séance aux termes des questions au gouvernement, l’Hémicycle a mis un peu de temps à se remplir alors que le chef du gouvernement montait à la tribune pour ce qui est sans doute son plus important discours parlementaire depuis sa déclaration de politique générale du mois de juin.

Des poncifs en introduction

Les députés arrivés avec un peu de retard auront au moins eu le plaisir d’échapper aux poncifs que nous a servis Jean-Marc Ayrault en introduction. Déjà vu, déjà entendu…

« A quoi sert la construction européenne ? Ces questions, je ne les fuis pas, je veux y répondre… » Et il y répond comme si l’auteur de son discours s’était contenté de reprendre les mêmes argumentaires vieillots : « L’Europe, c’est la paix ! », lance Jean-Marc Ayrault et – tic de langage oblige – on croit entendre François Mitterrand en plein débat sur la ratification du traité de Maastricht, il y a vingt ans déjà.

Ensuite, autre poncif, car il ne suffit pas de crier au loup pour le faire fuir… Jean-Marc Ayrault évoque la menace des forces populistes prêtes à tout balayer si l’Europe échoue. Si le diagnostic est correct – comme on a pu le voir en Grèce et ailleurs -, les incantations ne suffisent pas, les menaces non plus.

Ensuite, ultime poncif, que l’on pourrait pardonner à son auteur pour un premier discours sur ce sujet s’il n’intervenait pas après près d’un an de campagne électorale et six mois de « belles promesses »,… le « Cela va mieux qu’avant… ». Il ne suffit pas de le dire pour convaincre, et encore moins de le dire plus fort que le voisin pour être plus crédible. Et pour juger sur les actes, ils sont nombreux à juger, au sein même de la majorité du Premier ministre, qu’il est un peu tôt… A ne pas être totalement convaincus que « le président de la République est parvenu à redresser le cours de l’Europe ». Alors, quand Jean-Marc Ayrault ajoute que « c’est là-dessus que je vous appelle à vous prononcer. », on se dit que c’est pour le moins hasardeux – plutôt que véritablement courageux…

Le rappel des principes de ce traité de stabilité

Ensuite, le Premier ministre a rappelé les grands principes sur lesquels repose ce traité budgétaire européen. Et cela, il pouvait le faire vite, c’est du déjà su…

La règle d’or n’est pas inscrite dans la Constitution – merci aux Sages du Palais-Royal d’avoir estimé que le traité n’était pas contraire au texte de la Loi fondamentale. Parce que, précisément, cela évite de l’inscrire, cette règle d’or, dans la Constitution – et aussi de rechercher une majorité improbable des 3/5ème au Congrès de Versailles… ou d’affronter un référendum… Un peu tôt !

Ensuite, la souveraineté budgétaire restera au Parlement. Au passage, le Premier ministre s’efforce de démonter les arguments avancés par les « nonistes » de la gauche de la gauche, comme de la droite de la droite…

Enfin, « la stabilité des dépenses publiques, c’est notre volonté »  pour retrouver des marges de manœuvre et financer les priorités du projet présidentiel. Jean-Marc Ayrault reprend la rhétorique hollandaise, développée sur le plateau de Claire Chazal il y a un mois : d’abord le redressement et, dans deux ans, le changement.  

Y a-t-il eu renégociation, ou bien pas ?

Jean-Marc Ayrault rejoue le match… A moins qu’il ne songe déjà au match suivant et veille à ne pas laisser s’installer dans l’opinion des croyances tenaces. Cela pourrait coûter cher politiquement à François Hollande que d’apparaître comme le simple continuateur de la politique – ne serait-ce européenne – de son prédécesseur. Même si les marges de manœuvre sont notoirement limitées, le président de la République doit se distinguer…

Jean-Marc Ayrault ressort à nouveau son « Petit François Hollande » illustré… Oui, il y a eu renégociation. Non pas une renégociation sur les termes du pacte de stabilité mais sur les à-côtés… Le pacte pour la croissance et l’emploi, c’est lui – François Hollande. L’Union bancaire, dont la mise en œuvre aura bien lieu avant la fin de 2012 – idem. La taxe sur les transactions financières – re-idem.

Et le meilleur reste à venir…

Un peu plus de quinze minutes de discours et Jean-Marc Ayrault poursuit l’exposition de son catéchisme. Il est temps de donner des perspectives.

Une fois, déjà vu, déjà entendu… Après l’union monétaire, l’intégration bancaire, fiscale, sociale et démocratique. Le développement d’un vaste projet de poursuite de l’intégration européenne sans que, bien sûr, ne soit prononcé le mot qui tue – politiquement – « fédéralisation ».

Pas de fédéralisation, mais une Europe sociale, « qui n’a jamais été une priorité » : « Faire de l’Union, le fer de lance de la lutte contre le chômage ». Et puis, bien sûr, Jean-Marc Ayrault promet aussi une « grande politique industrielle européenne » et « une politique commerciale fondée sur le juste échange »…

En conclusion, comme redevenu le chef du groupe socialiste qu’il a été pendant quinze ans, le Premier ministre s’en prend durement à son prédécesseur…et revient à une histoire de niche fiscale qui remonte, encore, à 2007.

Un Jean-Marc Ayrault qui (s’) use

A l’agenda du président de la République, rien à 16 heures – et on imagine donc que celui-ci était devant son poste de télévision… Il pourrait, à cette occasion, s’être découvert un problème de plus.

Son discours de politique générale en juin avait été un peu long, un peu ennuyeux, un peu convenu… mais c’était une première. La semaine dernière, invité de Des Paroles et Des Actes sur France 2, le Premier ministre s’était dévoilé quelque peu, dans une première partie, à l’évocation de son parcours et de sa personnalité. Avant de reprendre le ton ennuyeux qui peut être le sien, mais aussi de se montrer cassant par moment – au point que le téléspectateur pouvait se demander si, par hasard, le Monsieur de Matignon n’était pas aussi « simple » qu’il voulait bien le prétendre.

Et là, à nouveau, à l’Assemblée nationale, c’est l’ennui qui prend le dessus. A moins que ce soit cela, la « normalité ».

Au-delà de tout cela, c’est bien sur ses actes qu’il sera jugé, notre Premier ministre, et autant convenir qu’il est encore un peu tôt…

 

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