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Alain Juppé, toujours le «meilleur d’entre nous»?

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Au milieu du conflit qui oppose François Fillon et Jean-François Copé, Alain Juppé joue le rôle d’arbitre, mais la situation paraît encore plus compliquée qu’il n’y paraissait. Ce vendredi 23 novembre au matin, le maire de Bordeaux a haussé le ton et posé les conditions à sa médiation. Et c’est à prendre ou à laisser : « C’est accepté ou ce n’est pas accepté. Je ne suis pas prêt à toutes les gesticulations. Je ne vais pas me laisser embarquer dans des médiations infinies », a-t-il lancé, excédé, à Bordeaux, lors d’une conférence de presse de quelques minutes.

Mais plus le temps passe, plus la médiation semble difficile tant la fracture est profonde. Alain Juppé parviendra-t-il à calmer le jeu malgré tout ? Retour sur la carrière d’un homme qui est entré en politique il y a près de quarante ans.

Avant la vie politique

Alain Juppé est né le 15 août 1945 à Mont de Marsan, dans les Landes. Il est le fils de Robert Juppé, sympathisant gaulliste et propriétaire agricole des Landes, et de Marie Darroze, issue d’une famille de métayers landais. Après des études secondaires brillantes au lycée Victor-Duruy à Mont de Marsan, où il reçoit les premiers prix de grec et de latin au concours général des lycées, il obtient son baccalauréat en 1962 à l’âge de 17 ans.

Il entre ensuite en classe préparatoire littéraire au lycée Louis-le-Grand à Paris, et intègre en 1964 l’École normale supérieure. Malgré ses origines modestes, il bénéficie de cours particuliers et obtient une bourse pour faire des études. Il passe l’agrégation de lettres classiques en 1967, et étudie à l’Institut d’études politiques de Paris en 1968, puis à l’École nationale d’administration de 1970 à 1972 dans la promotion Charles de Gaulle, après avoir accompli son service militaire de 1969 à 1970 comme aspirant, puis sous-lieutenant de l’Armée de L’Air.

Alain Juppé se marie à l’âge de 20 ans avec Christine Leblond, avec laquelle il aura deux enfants : Laurent, né en 1967, et Marion, née en 1973. Divorcé, il épouse en secondes noces le 29 avril 1993 la journaliste Isabelle Legrand-Bodin, employée du groupe Lagardère, avec qui il a une fille, Clara, née en 1995.

Début d’une carrière politique

Alain Juppé choisit de s’orienter au départ vers l’Inspection des Finances. Mais en 1976, c’est la rencontre décisive avec Jacques Chirac, alors Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing, qui était à la recherche d’un « agrégé sachant écrire ». Alain Juppé devient dès lors indispensable. Il rédige les discours, assiste à la création du RPR, puis se retrouve en charge des finances de l’Hôtel de Ville. Et son ascension au sein du RPR va être très rapide, malgré son échec aux législatives de 1978, où il se présente dans la circonscription de Mont de Marsan.

En 1981, il prend activement part à la campagne de Jacques Chirac pour l’élection présidentielle, et c’est en 1983 qu’il décroche son premier mandat, en se présentant aux municipales dans le 18e arrondissement de Paris, où il bat le premier secrétaire du PS, Lionel Jospin. Il préfère cependant le poste d’adjoint chargé des finances auprès du maire de Paris, Jacques Chirac, plutôt que de s’installer à la mairie du 18e arrondissement. En 1984, il est élu député européen.

Le « meilleur d’entre nous »

Alain Juppé sort véritablement de l’ombre en 1986, avec la première cohabitation. Il devient alors ministre délégué au Budget, ainsi que porte-parole du gouvernement de Jacques Chirac, jusqu’en 1988. Mais il travaille sous la tutelle d’un Edouard Balladur avec qui il ne s’entendra pas. C’est aussi cette année-là qu’il devient député de Paris. Il sera réélu en 1988, après la dissolution de l’Assemblée par François Mitterrand, puis en 1993. Son temps est alors partagé entre les finances de l’Hôtel de Ville, sa circonscription du 18e arrondissement de Paris et le RPR, dont il devient le secrétaire général en juin 1988. À la tête du RPR, il s’attache à moderniser les structures du parti et à lui donner un nouveau souffle.

Il se fait de nouveau élire au Parlement européen en 1989, mais démissionne quelques mois plus tard pour se consacrer à son mandat de parlementaire national. Il revient au gouvernement cette fois en tant que ministre des Affaires étrangères (1993-1995) dans le gouvernement Édouard Balladur. Il se fait notamment l’avocat, avec le président de la République François Mitterrand, d’une opération militaire au Rwanda, alors en plein génocide.

Dans une tribune pour Libération du 7 mars 1995, Jacques Amalric estime qu’il s’est « révélé comme un des meilleurs ministres des Affaires étrangères de la France contemporaine ». C’est alors que Jacques Chirac prononcera cette célèbre phrase dans un discours où il le qualifiait de « meilleur d’entre nous ».

Des temps plus difficiles

Avec la déclaration de candidature de Jacques Chirac à l’élection présidentielle le 4 novembre 1994, Alain Juppé devient président du RPR par intérim et l’un de ses principaux lieutenants dans la campagne. Après l’élection de Jacques Chirac à la magistrature suprême, il est nommé Premier ministre le 17 mai 1995 et conserve la présidence du RPR. Et comme un succès n’arrive jamais seul, il est aussi élu maire de Bordeaux cette année-là, succédant à Jacques Chaban-Delmas.

Entre 1995 et 1997, il dirige deux gouvernements. Son mandat sera marqué par la grève générale de décembre 1995 (et son intransigeance symbolisée par son expression « droit dans mes bottes »), en protestation à la réforme de la Sécurité sociale, abandonnée sous la pression sociale. Il est contraint de présenter la démission de son gouvernement en 1997, après la dissolution de l’Assemblée nationale et la défaite de la droite aux élections législatives. Il récupère alors son statut de maire de Bordeaux, auquel s’ajoute celui de député de la deuxième circonscription de Gironde.

En 1998, il est mis en examen pour « abus de confiance, recel d’abus de biens sociaux, et prise illégale d’intérêt » dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris. En janvier 2004, il est condamné à dix-huit mois de prison avec sursis et à dix ans d’inéligibilité – peines ramenées, après appel, à quatorze mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité.

Le retour sur la scène politique

Issue d’Alternative 2002 (mouvement de soutien à Jacques Chirac qui avait pour ambition de rassembler l’ensemble des forces de droite et du centre), l’UMP est créée le 23 avril 2002 par Jacques Chirac et Alain Juppé, à la suite du premier tour de l’élection présidentielle et en vue des législatives de la même année, afin d’« unir les forces politiques de toutes les droites ». Au congrès du Bourget du 17 novembre 2002, Alain Juppé est élu premier président de l’UMP avec 79,42 % des voix. Mais rattrapé par la justice en 2004, il donnera sa démission. En 2005, il enseigne à l’École nationale d’administration publique (ENAP) à Montréal (Québec, Canada), et décide de revenir sur la scène politique en 2006.

En 2007, en pleine campagne présidentielle, il apporte son soutien à Nicolas Sarkozy. Il se voit récompensé en étant nommé en mai ministre d’État, de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables. Mais en juin, sa défaite aux élections législatives le contraint à renoncer à son ministère.

Le maire de Bordeaux ne reviendra au gouvernement qu’en 2010, au ministère de la Défense et des anciens combattants, et en 2011, il est nommé ministre des Affaires étrangères et européennes après la démission de Michèle Alliot Marie. Il y restera jusqu’à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy.

Médiateur à l’UMP

Après la défaite de la droite à l’élection présidentielle et aux législatives, Alain Juppé est présenté comme un possible recours pour la présidence de l’UMP, afin de garantir l’unité du parti et d’éviter des divisions trop importantes entre les partisans de François Fillon et de Jean-François Copé. À la suite des déclarations de candidature de ces derniers, il annonce qu’il ne sera pas candidat à la tête du parti.

Mais après une élection plus que serrée, Alain Juppé apparait comme le médiateur idéal. Ancien président du RPR et de l’UMP, il a été appelé par François Fillon afin « d’assurer de façon transitoire la direction » du parti pour « sortir de l’impasse ». Verdict la semaine prochaine…

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