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Assiste-t-on à une montée du nationalisme en Chine?

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La réussite de la Chine est aussi fulgurante qu’inédite. Au rythme actuel, elle pourrait même devenir la première puissance économique mondiale dès 2022. Pourtant, les stigmates d’une croissance à marche forcée s’accumulent : des villes fantômes, des faillites en cascade, des révoltes de plus en plus fréquentes, des dérives issues de la politique de l’enfant unique, des scandales alimentaires à répétition, des aéroports paralysés par la pollution…

À travers une analyse percutante, Jean-Luc Buchalet et Pierre Sabatier montrent que ces déséquilibres économiques, sociaux et environnementaux pourraient déboucher sur une crise majeure dans les années à venir. C’est toute l’économie mondiale qui serait alors entraînée dans le sillage du géant asiatique. Pour saisir la menace, les auteurs décrivent la spécificité du modèle de développement chinois, avec ses contradictions et ses zones d’ombre : un « socialisme de marché » qui mêle parti unique, capitalisme débridé, corruption, contrôle des prix, plan quinquennal, concurrence féroce… Reste à savoir si la crise de ce système sera simplement transitoire, ou mènera à son effondrement.

Extraits de La Chine, une bombe à retardement, de Jean-Luc Buchalet et Pierre Sabatier

Très longtemps, la Chine a mené vis-à-vis de l’extérieur une politique dite de « soft power », en évitant de se faire des ennemis. Avec la crise des subprimes américaines et l’humiliation des porteurs de la flamme olympique empêchés de circuler (provoquant des manifestations de grande ampleur pour la défense des droits de l’homme à l’encontre des autorités chinoises), un tournant majeur s’est opéré à Pékin. Face à une nouvelle génération qui rêve de revanche, le PCC prête de plus en plus l’oreille à la partie la plus extrémiste du pouvoir dans cette période tourmentée. Pourquoi financer la croissance des États-Unis et leur double déficit (budgétaire et extérieur) en accumulant des réserves de change en dollars à l’infini plutôt que de financer l’armée et des sous-marins nucléaires ?

On assiste bel et bien à une montée du nationalisme qui est, avec l’économie, l’un des piliers stratégiques de la politique chinoise. Face à l’aggravation des problèmes, le Parti s’en sert comme source de légitimité. Le succès économique passé n’a fait que renforcer ce nationalisme. Dans un discours récent, le président Hu Jintao a dénoncé l’infiltration à long terme des « forces hostiles internationales qui intensifient leur complot stratégique pour occidentaliser et diviser la Chine, dans les domaines culturel et idéologique ».

L’empire du Milieu se sent de plus en plus menacé, notamment avec le réengagement des États-Unis en Asie. Il fustige la « diplomatie des valeurs » que cherchent à promouvoir Europe et États-Unis, « en train de perdre leur avantage technologique face aux pays en développement ». Le printemps arabe permet ainsi « à l’Occident grevé de dettes » de « reprendre son souffle » et « d’exporter les révolutions », affirme le quotidien chinois en langue anglaise GlobalTimes.

Lors d’une conférence à Mexico en février 2009, le futur président Xi Jinping a fustigé l’Occident : « Il y a certains étrangers au ventre plein qui n’ont rien de mieux à faire que de nous pointer du doigt… […] La Chine n’exporte pas la révolution, ni la faim, ni la pauvreté, pas plus qu’elle ne vous flanque la migraine », a-t-il poursuivi, avant de lancer : « Alors, qu’est-ce que vous voulez de nous ? »

La Chine continue de raisonner sur l’équilibre des puissances comme au XIXe siècle. Dans le domaine géopolitique, elle a beaucoup à apprendre. En tant que deuxième puissance économique planétaire, le pays aurait tout avantage à envisager le monde du XXIe siècle tel qu’il est et non pas tel qu’il désirerait qu’il soit. « La Chine comme la Russie sont des États souverainistes partisans d’une Realpolitik radicale et considérant les États comme de simples boules de billard. La responsabilité de protéger, qu’ils ont pourtant votée au Nations unies, n’est à leur yeux qu’un gadget entre les mains des Occidentaux », déclare Zaki Laïdi, directeur de recherche à Sciences po, à propos du veto au conseil de sécurité de l’ONU de la Chine et de la Russie concernant la répression en Syrie.

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