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Barack Obama dans les pas de Franklin Delano Roosevelt…

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Un quasi-miracle que cette réélection compte tenu des handicaps avec lesquels Barack Obama avait abordé ce scrutin. Ultime coup dur, quelques jours après le passage dévastateur de l’ouragan Sandy sur le Nord-Est du pays, vendredi 2 novembre, le taux de chômage repartait à la hausse pour atteindre 7,9%.

Jamais un président américain n’avait été réélu avec un taux de chômage supérieur à 7,4%, jamais depuis Franklin Delano Roosevelt en 1936…

Il y a quatre ans, les Américains, entrainant dans leur euphorie le monde entier – ou presque -, élisaient un sauveur, un Messie ; aujourd’hui, ils ont réélu un homme avec des défauts et des vertus, des échecs et des succès. « Le meilleur est à venir », a lancé celui-ci dans le discours qui a suivi l’annonce de sa victoire.

« Peut mieux faire »

« Peut mieux faire », c’est sans doute l’espoir auquel s’est raccroché une majorité d’électeurs dans une majorité d’États, aidés en cela par l’absence d’une offre alternative franche – et surtout crédible.

Au QG de Mitt Romney, il se serait trouvé des supporters déçus, que la défaite aurait, comme par magie, réconcilié avec la géographie et qui promettaient aux États-Unis un destin à la grecque – semble-t-il le mauvais sort préféré des mauvais perdants aux quatre coins du monde… Si les États-Unis devaient « finir » comme la Grèce, ils seraient déjà aujourd’hui dans une situation bien plus détériorée, compte tenu de la situation catastrophique que George W. Bush avait léguée à Barack Obama et des effets continus de la crise en cours.

En quatre ans, sur le plan domestique, le 44ème président des États-Unis a indéniablement enrayé la chute libre de l’économie nationale. Dans le même temps, il a réduit les impôts des classes moyennes, réglementé Wall Street, sauvé l’industrie automobile – l’Ohio lui en a d’ailleurs été gré – et fait passé une réforme de la santé qui assure presque tous les Américains. Tout cela a sans doute permis sa réélection, mais cela ne saurait suffire alors que le pays connait un déficit public record de 1200 milliards de dollars et une dette de 16 000 milliards de dollars.

Relancer l’économie et enrayer le chômage

La première bataille d’Obama II se livrera donc sur le terrain économique : à 7,9%, le chômage doit baisser et il faudra davantage de croissance que les 2% actuels pour relancer l’économie.

Une série d’exemptions – des niches – fiscales décidées sous George W. Bush et durant le dernier mandat vont arriver à échéance le 31 décembre prochain. En urgence, Barack Obama devra batailler au Congrès pour éviter que les coupes budgétaires et les hausses d’impôt qui en découlent ne viennent plomber une reprise fragile. Les hausses d’impôt seront inévitables, mais le président devra veiller à ce qu’elles soient le mieux ciblées possible.

Ensuite, il pourra tenter de mettre en œuvre un plan de relance de l’économie qui puisse, à la fois, transformer en profondeur certains aspects essentiels de la société américaine. Un nouveau New Deal, c’est ce qu’il avait annoncé lors de la convention démocratique d’investiture de Charlotte, début septembre. Une manière notamment de poursuivre la transition énergétique des États-Unis.

Coopérer avec le Congrès

Les institutions américaines – un système présidentiel – établissent une cohabitation de fait entre l’exécutif et le législatif. Les négociations qui en découlent sont facilitées lorsque les deux pouvoirs sont détenus par le même camp.

Depuis 2010, les démocrates ne sont majoritaires qu’au Sénat, tandis qu’à la Chambre des représentants, la majorité républicaine est dominée par les élus radicaux du Tea Party. Mardi 6 novembre, les républicains ont conservé leur mainmise sur la chambre et les démocrates ont encore accentué leur majorité au Sénat – grâce à deux victoires dans le Missouri et l’Indiana. Grâce au Sénat, Barack Obama devrait être en mesure d’éviter que le Congrès ne détricote tous les acquis de son premier mandat, et en particulier l’iconique réforme du système de santé, l’Obamacare.

Pour le reste, il devrait adopter – au moins jusqu’à un fort hypothétique raz de marée démocrate lors des mid terms de 2014 – une politique des « petits pas » qui devrait exclure des sujets cruciaux comme l’environnement, l’immobilier, les travailleurs pauvres, l’immigration et nombre de réformes dites sociétales.

Mieux appréhender le monde

Le début de mandat de Barack Obama avait été marqué par l’attribution du prix Nobel de la Paix 2009. Barack Obama disposera de quatre ans supplémentaires pour justifier cette distinction trop précoce.

Un des acquis de son premier mandat est la réorientation de la diplomatie américaine vers le Pacifique, l’Asie et la Chine en particulier. À l’épreuve de l’Histoire, ce choix stratégique pourrait rester comme un des actes les plus emblématiques – et durables – de la présidence Obama.

Parallèlement, son Amérique s’est retirée d’Irak et à amorcer son retrait d’Afghanistan. Elle est intervenue en Libye, mais a brillé par son effacement au cours du Printemps arabe. Côté européen, ce n’est que la crise de la zone euro qui a obligé l’administration sortante à s’intéresser – pour le surveiller – au vieux Continent. Au cours des quatre prochaines années, il appartiendra à Barack Obama de démontrer que son penchant asiatique – inédit – mais pas incompatible avec une présence bienveillante – sans tomber dans l’ingérence – sur les autres théâtres régionaux.

Face aux velléités de superpuissance chinoise, l’isolationnisme ne saurait être la solution. Par ailleurs, dans un monde en crise où ressurgissent nombre de menaces – telles que les irrédentismes, les populismes et, évidemment, les extrémismes religieux -, les États-Unis doivent veiller à ce que ne se multiplient pas les scénarios du pire. Tout interventionnisme devrait favoriser la préservation des équilibres nationaux et régionaux.

Dans les pas de FDR…

Si la crise économique et financière que traverse actuellement le monde est bien une crise centennale, équivalent au XXIème siècle de la Grande Dépression du siècle précédent, alors la comparaison entre les présidences Obama et Roosevelt (Franklin Delano et non Théodore) traverse nécessairement l’esprit.

Comparer les premiers mandats des deux présidents est peu flatteur pour celui qui vient d’être réélu. De 1932 à 1936, FDR n’était, certes, pas parvenu à épargner à ses concitoyens les effets tragiques de la Grande Dépression mais, inspiré par l’économiste John Maynard Keynes, il avait lancé son New deal et posé les bases d’un retournement de tendance. Cela lui avait garanti une popularité considérable, une réélection de maréchal et une majorité sans équivalent au Congrès en novembre 1936. De ce point de vue, Barack Obama ne joue pas dans la même ligue.

Désormais, il a quatre ans pour suivre les pas de Franklin Delano Roosevelt. Pour cela, il doit agir vite et fortement, avec conviction. Il doit trouver son KeynesJoseph Stiglitz ? – et lancer son New Deal. Il doit aussi rassembler, réduire le gouffre idéologique dans une Amérique plus divisée que jamais.

S’il est souhaitable que Barack Obama s’inspire de Roosevelt, espérons – pour lui et surtout pour nous – qu’il ne finisse pas comme lui, c’est-à-dire sur une « bonne guerre ».

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