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Conflit Israël-Palestiniens : ce qui change quand rien ne change…

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C’est un cri de désespoir. Celui d’un homme qui a perdu trois de ses filles dans un tir d’obus israélien en janvier 2009, quand a débuté la précédente offensive israélienne « Plomb durci » sur Gaza. L’histoire du Dr Izzeldin Abuelaish a choqué le monde entier.

Izzeldin Abuelaish, le visage du drame palestinien

Premier médecin palestinien à exercer dans un hôpital israélien et militant acharné de la réconciliation palestino-israélienne, Izzeldin Abuelaish comptait parmi ses amis de nombreux Israéliens, et notamment un journaliste de la Channel 10, Shlomi Eldar. Quelques instants après le drame, celui-ci recueillait en direct sur la chaîne son témoignage. Une journaliste israélienne avait alors écrit : « La souffrance palestinienne que la majorité de la société israélienne refuse de voir a désormais une voix et un visage ». JOL Press est allé à la rencontre de ce militant de la paix, alors que Gaza est de nouveau le théâtre d’affrontements meurtriers. >>lire notre interview du Dr Izzeldin Abuelaish

L’opération « Pilier de défense » une nouvelle offensive d’Israël pour contrer les tirs de roquette subis sur son territoire

L’offensive aérienne et maritime baptisée « Pilier de défense » a été lancée par Israël, le 14 novembre 2012, afin de faire cesser les tirs de roquettes lancées régulièrement sur son territoire depuis la bande de Gaza. Le chef militaire du Hamas, Ahmed Jabari, a été le premier tué, dans une frappe ciblée. On compte aujourd’hui déjà plus de 150 morts côté palestinien et cinq côté israélien au bout de sept jours d’un conflit qui a réactivé la grande peur d’un embrasement de la région, surtout depuis l’attentat terroriste qui a touché un bus à Tel Aviv.

La fébrilité d’un ballet diplomatique mondial qui ressemble à celui de 2008

Un intense ballet diplomatique s’est immédiatement mis en place. Jeu de rôles qui semble se répéter avec les mêmes partitions que fin 2008. De Barack Obama, qui a déclaré  depuis la Thaïlande où il était en visite, qu’il soutenait « le droit à l’auto-défense d’Israël » car « aucun pays au monde ne tolèrerait que des missiles pleuvent » sur son territoire, à Vladimir Poutine, qui a considéré que « la réaction d’Israël aux tirs de roquette palestiniens était disproportionnée », en passant par Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, qui s’est rendu à Ramallah dimanche dernier et qui a insisté sur le fait qu’une guerre « doit être évitée et peut être évitée ».

Lundi 19 novembre, ce sont tous les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne réunis à Bruxelles qui ont appelé à « une cessation immédiate des hostilités qui est dans l’intérêt de tous, en particulier dans le contexte d’instabilité de la région ». Ils ont aussi déclaré « soutenir les efforts de médiation de l’Égypte et d’autres acteurs ». Les ministres de l’Union européenne n’ont pas manqué de rappeler, une fois de plus, « la nécessité urgente de promouvoir une solution à deux États permettant aux deux parties de vivre, côte à côte, dans la paix et la sécurité ».

Côté palestinien, le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, s’est rendu aujourd’hui à Gaza à la tête d’une délégation ministérielle, tout comme le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu.

L’ONU fragile défenseur de la paix, l’Égypte au coeur de la médiation

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon est venu en urgence après une escale au Caire. Il rencontre cette semaine le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président palestinien Mahmoud Abbas pour les pousser à la mise en place d’un cessez-le-feu à Gaza.
Quant au président égyptien Mohamed Morsi, il est celui sur lequel de nombreux espoirs reposent, car son pays est traditionnellement un acteur-clé dans les conflits israélo-palestiniens. Il a immédiatement proposé une trêve.

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Israël loin de la décision d’un cessez le feu ?

Selon la radio publique israélienne, le cabinet de sécurité du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, constitué des principaux ministres, s’était réuni, lundi soir, pour examiner cette proposition égyptienne. Israël semblait favorable à ce qu’une trêve de 24 à 48 heures soit observée, afin que puisse s’élaborer les termes d’un cessez-le-feu. 

Dans le même temps, Israël avait aussi menacé Gaza d’une offensive terrestre si les tirs de roquette ne cessaient pas. Aujourd’hui, mercredi,non seulement les tirs sont loin d’avoir cessé, mais surtout l’attentat terroriste de Tel Aviv a déclenché une réaction forte de la population israélienne.

Grâce au « Dôme de fer», le bouclier anti-missiles assurant une protection sur une certaine zone israélienne, la population israélienne arrivait à poursuivre une vie quasi-normale et le conflit restait circonscrit, mais comme notre article l’explique, ce système qui intercepte les roquettes comporte aussi des imperfections. >lire notre article sur le Dôme de fer en Israël. Et surtout, l’attentat relance le sentiment d’insécurité.

Conflit Israël-Palestine, ce qui change quand rien ne semble changer

Alors, quatre ans après « Plomb durci », l’opération « Pilier de Défense » semble dupliquer la même histoire. Rien n’aurait-il changé ? Est-ce que 2012 est une exacte réplique de 2008 ? En apparence, on pourrait le penser. Pourtant, le contexte général a changé et c’est ce qui donne tristement au conflit d’aujourd’hui à la fois un air de déjà-vu, mais aussi l’inquiétude d’une escalade inédite.

Si l’on reprend le calendrier, que s’est-il passé depuis deux ans ? L’Égypte a mis fin en mai 2011 à son blocus sur la bande de Gaza et a ouvert son principal point de passage avec celle-ci. Le 18 octobre 2011, le soldat Gilad Schalit a été libéré et remis aux autorités égyptiennes par le Hamas après plus de cinq ans de captivité, en échange de plus d’un millier de prisonniers palestiniens. Parallèlement, Mahmoud Abbas a présenté à l’ONU pour la première fois une demande de reconnaissance d’un État palestinien comme membre consultatif, demande qui a été refusée. Il s’apprête à reformuler cette demande pour la deuxième fois, tout en sachant qu’il essuiera de nouveau un refus. >>lire l’interview du chef de la mission Palestine en France, Hael Al-Fahoum, au sujet de la première demande de Mahmoud Abbas à l’ONU.

Le Printemps arabe a modifié l’équilibre géopolitique 

Mais, surtout, depuis presque deux ans, les premières révoltes du Printemps arabe ont eu lieu, transformant singulièrement l’équilibre géopolitique de la zone. Désormais, les Frères musulmans, amis du Hamas, sont au pouvoir en Égypte. Mohamed Morsi, l’homme de la négociation impossible entre Israéliens et Palestiniens doit tenir compte de sa population de plus en plus favorable au soutien palestinien.

Autre effet collatéral, le Qatar n’hésite pas à participer financièrement à la défense palestinienne de Gaza. Quant à l’Iran, le grand ennemi invisible, ses liens avec le Hamas se sont distendus depuis le conflit syrien, mais son hostilité envers l’État hébreu est sans ambiguité. De plus, des courants alternatifs, plus radicaux, ont aussi vu le jour. A côté du Hamas, existent aussi des courants plus extrêmes que sont le Djihad islamique (soutenu initialement par l’Iran) et les Djihadistes (soutenus par l’Iran et issus des zones incontrôlées du Sinaï). Alors oui, Israël a de quoi se sentir isolé et menacé. D’où son inquiétude grandissante et justifiée. La question est : une politique offensive est-elle vraiment la plus efficace ?  Mais quelle serait l’alternative ?

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Benjamin Netanyahu fait campagne pour sa réélection

La population israélienne est divisée, car elle vit dans la crainte de se laisser dépasser. Benyamin Nethnayu qui fait campagne pour sa réélection, a bien compris l’avantage qu’il pouvait gagner à se mettre en avant dans une approche à la fois guerrière et mesurée – car la riposte israélienne n’a pas pris la forme pour le moment d’attaques terrestres. Les élections législatives auront lieu le 22 janvier 2013. D’ici là, Benjamin Netanyahu va tout faire pour affirmer son autorité, tout en contrôlant les dérives.

Un jeu dangereux qui pourrait non seulement se retourner contre lui, mais aussi contre sa population. Surtout à l’heure où le grand ennemi est l’Iran et que, pendant que les yeux de la communauté internationale sont tournés vers Gaza, ils ne regardent pas vers celui qui pourrait aussi prendre Israël par surprise.
De plus, en raison des nouvelles alliances, nées de l’après-Printemps arabe, l’affrontement actuel n’a pas lieu uniquement face à une population isolée, mais face à un monde arabe qui affirme de plus en plus son clivage vis-à-vis d’Israël, sur la question palestinienne notamment. C’est à la fois ce qui rend la position d’Israël de plus en plus précaire, mais c’est aussi ce qui fait monter le risque de sa stratégie offensive-défensive. 

>>lire notre article sur l’influence de la guerre sur les futures élections israéliennes

Les Anonymous s’invitent dans le débat, la nouvelle guerre numérique

En menaçant de couper l’accès à Internet dans la bande de Gaza, Israël s’est attiré la colère des Anonymous, qui ont attaqué plus de 650 sites gouvernementaux de l’État hébreu en 48 heures. Dans un communiqué, les Anonymous ont même pris parti pour la première fois ouvertement contre Israël dans un communiqué : «Ne coupez pas Internet dans les territoires occupés, cessez de faire régner la terreur sur le peuple innocent de la Palestine ou vous connaîtrez la terrible colère des Anonymous. Pendant trop longtemps, les Anonymous se sont contentés comme le reste du monde de regarder avec désespoir le traitement barbare, brutal et méprisable du peuple palestinien ».

Baptisant leur offensive sur Twitter avec le hastag #OpIsrael, les Anonymous ont neutralisé des sites comme ceux du ministère israélien des Affaires étrangères ou encore du président Shimon Peres. Ils ont même annoncé avoir supprimé la base de données de la Bank of Jerusalem. Même si les Israéliens ont minimisé l’impact de ces attaques numériques, il n’en reste pas moins que les Anonymous ont pris une position hostile et qu’ils drainent derrière eux une large population souterraine. >>lire notre article sur les attaques des Anonymous

Les réseaux sociaux, nouveaux territoires d’expression et de communication

L’accès à Internet est d’autant plus stratégique que les réseaux sociaux, dont on a vu l’importance dans le déclenchements des révoltes arabes, sont aussi devenus de nouveaux territoires de diffusion d’informations et de contre-informations. Incontrôlables et diffus, ils servent de caisses de résonance à de nombreuses fausses informations ou de lieux d’expression pour des prises de parole dérangeantes, qui auraient été muselées peut-être par le passé.

Si Israël a l’avantage sur le terrain de la guerre, il n’est pas certain qu’il l’ait sur le terrain des réseaux. Les forces de résistances liées aux différents groupuscules djihadistes ont compris l’utilité de la guerre de communication. Une photo d’un enfant tué par un obus diffusée via les réseaux à la vitesse d’une traînée de poudre fait plus de tort à l’État hébreu qu’un tir de roquette. C’est ainsi qu’une campagne anti-israélienne est savamment orchestrée dans l’ombre et qu’elle touche un public de plus en plus nombreux.

La paix, désir intime, face à la guerre, fantasme politique

Au coeur du conflit, dans l’impasse du dossier de l’État palestinien qui n’a toujours pas trouvé sa solution, il reste des populations qui paient le tribut chaque jour des violences et de la peur, dans les deux camps. Etrange situation, que celle-ci : de plus en plus de voix pacifistes, y compris chez des Israéliens, osent se faire entendre, comme celle du collectif « Israël loves Iran », dont nous publions souvent les tribunes, alors qu’en même temps l’intransigeance d’une posture de « défense offensive » a fini par devenir légion. Quand la peur occulte la raison, que les années accumulent leurs drames au sein des familles de part et d’autre de la bande de Gaza, la paix devient de plus en plus improbable et irréelle, alors qu’elle est pourtant ce à quoi chacun aspire à titre personnel.

Jusqu’où faudra-t-il aller pour qu’Israéliens et Palestiniens puissent enfin déposer les armes et comprendre que leur destin doit se dessiner « ensemble » et non « en opposition » ? Combien de morts encore, pour que l’aspiration collective rejoigne l’aspiration individuelle ? Il y a chaque fois une sorte de protocole compassionnel prodigué par la communauté internationale impuissante. Et un dangereux tropisme qui consiste à penser que ces affrontements deviennent « ordinaires », puisque récurrents. Dangereux, car l’Histoire a montré qu’une situation sans issue finit toujours par provoquer une politique du pire.

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