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Elizabeth Day: «Valérie Trierweiler, victime du sexisme français»

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JOL Press : Votre portrait de Valérie Trierweiler est ponctué de remarques acerbes sur la France – « une société qui demeure profondément sexiste » et une République « qui ne s’est pas remise de son passé monarchique » – et sur les hommes français – « habitués à épouser leurs maîtresses »… Toute occasion est bonne à prendre pour un peu de « French-bashing » (NDLR : pour se servir de la France comme « putching-ball », dirait François Hollande) ?

Elizabeth Day : Il ne fait aucun doute que nous, Britanniques, portons un regard particulièrement attentif à ce qui se passe de l’autre côté de l’English Channel (NDLR : la Manche). Entre la France et le Royaume-Uni, c’est un tête-à-tête, une relation particulière faite d’attraction et de répulsion, l’amour vache aussi.

Nous sommes de longue date obnubilés par l’image idéalisée de la femme française, son élégance, son chic, son côté glamour, capable au naturel de concurrencer les plus grandes stars hollywoodiennes. Nous avons été fascinés – et nous restons fascinés – par vos deux précédentes « First Ladies », Cécilia et Carla. L’une comme l’autre demeurent très populaires chez nous.

Nous ne sommes pas habitués à ce que nos responsables politiques aient des vies privées aussi passionnantes – j’exclus là la famille royale qui n’exerce pas, à proprement parler, à l’exception de la reine, de rôle politique…

JOL Press : C’est ainsi que vous justifiez votre intérêt pour Valérie Trierweiler ?

Elizabeth Day : Depuis qu’elle a fait son apparition sur la scène publique française et que nous en avons eu l’écho, il y a quelques mois, Valérie Trierweiler m’intrigue. Je me suis intéressée à son parcours, à sa volonté affirmée de préserver son indépendance en tant que femme mais aussi en tant que journaliste.

En reportage à Paris, il y a quelques semaines, j’ai constaté que de nombreux ouvrages avaient été écrits sur elle et qu’elle était mentionnée dans de nombreuses conversations. Il y avait donc là assurément matière à une histoire.

JOL Press : Qu’est-ce qui vous intrigue chez elle ?

Elizabeth Day : C’est ce dilemme auquel apparemment elle a été confrontée, dans lequel elle s’est peut-être enferrée. Valérie Trierweiler, femme, fière de son indépendance et de sa carrière professionnelle, et « girlfriend », contrainte de renoncer à une partie d’elle-même contre son gré.

JOL Press : Contrainte, comme vous l’écrivez, en raison du « vieux fond profondément machiste qui persiste en France » ?

Elizabeth Day : Oui, je pense que la société française est aujourd’hui plus sexiste, plus machiste que la société britannique ou que, en tout cas, demeure tolérés en France des éléments culturels, hérités du passé, dans la vision du rôle des femmes qui n’ont désormais plus lieu d’être au Royaume-Uni.

La preuve, vous n’avez jamais eu de femme à la tête de l’État – et la candidate Ségolène Royal a souffert à mon sens d’être une femme lors de la présidentielle de 2007. Vous n’avez eu qu’une seule fois – et très temporairement – une femme « Première ministre » – Edith Cresson, je crois -, elle a été détruite politiquement. C’était il y a vingt ans, certes, il me semble que les femmes sont maintenues dans des rôles convenus en France plus qu’au Royaume-Uni.

JOL Press : Samantha, la femme de David Cameron, comme Sarah, la femme de Gordon Brown, sont restées en retrait et ont donc été relativement épargnées par la presse britannique, mais ce ne fut pas le cas de Chérie Blair pendant le mandat de son Tony de 1997 à 2007… et après, d’ailleurs.

Elizabeth Day : Il est vrai que Cherie Blair n’a pas eu la vie facile. Elle a été caricaturée, diffamée, menacée…

Mais elle constitue un formidable exemple car, dès l’arrivée au 10 Downing Street de son mari, elle a insisté sur le fait qu’elle entendait poursuivre ses activités professionnelles personnelles, ne pas interrompre sa brillante carrière de procureur, « Conseil de la Reine », comme on dit.

JOL Press : C’est donc ce qui vous plaît chez Valérie Trierweiler, le fait qu’elle aussi ait tenu à conserver son activité professionnelle ?

Elizabeth Day : Yes but no, oui mais non. Il me semble qu’elle a confondu ses deux “jobs” – sa carrière et sa position de « First girlfriend » dès le début. Il me semble qu’une séparation complète de ses deux activités aurait été possible sans conflit d’intérêt. En théorie, elle aurait dû pouvoir continuer son activité de journaliste sérieuse et scrupuleuse en s’appuyant sur les règles déontologique de sa profession.

Elle aurait pu, elle aussi, ouvrir la voie et servir ainsi la cause des femmes françaises.

JOL Press : Encore la faute de la France et de ses hommes…

Elizabeth Day : S’il y a un vieux fond sexiste en France, vous n’avez pas non plus réglé totalement vos problèmes avec la monarchie et ses principes les plus traditionnels. C’est cela aussi qui nous fascine chez vous…

JOL Press : Et l’affaire du « Tweetgate » dont vous vous êtes délectés – et dont vous vous délectez encore -, c’est une conséquence du sexisme des mâles gaulois ?

Elizabeth Day : Effectivement, sur ce geste, elle n’a pas nécessairement été très inspirée. Mais c’est ce qui rend son personnage intéressant, original et si français – même si, comme je le mentionne, une auteure française a estimé qu’elle souffrait du « Syndrome de Rebecca », d’après l’héroïne, malade de jalousie – et britannique -, du roman éponyme de Daphné du Maurier.

JOL Press : Vous imaginez Dennis Thatcher le mari de Margaret Thatcher agir ainsi ?

Elizabeth Day : Heureusement, jusqu’en 1990, il n’y avait pas encore de tweet. Mais cela aurait été une grave erreur, qui lui aurait coûté cher.

Dennis n’avait pas autant de succès, n’était pas aussi charmant et vulnérable que Valérie Trierweiler

JOL Press : Vivement donc que François Hollande et Valérie Trierweiler se rendent en visite d’État au Royaume-Uni…

Elizabeth Day : Je meurs d’impatience…

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