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En Chine, un parti politique unique mais divisé

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Si la politique chinoise est si opaque à interpréter, il est un évènement phare, qui se déroule tous les cinq ans, et qui permet d’éclairer le fonctionnement d’un complexe système. Cet évènement, le Congrès du Parti communiste chinois, ouvre ses portes jeudi 8 novembre à Pékin et se déroulera durant une semaine.

Un Congrès historique

Si ce Congrès verra une transmission de pouvoir historique entre le président actuel Hu Jintao et son vice-président Xi Jinping. Historique parce que, pour la première fois, la République populaire de Chine sera dirigée par un homme qui n’a pas connu la révolution ; ce Congrès sera avant tout le lieu où se décideront les grandes lignes de la politique du pays pour les cinq années à venir, jusqu’au prochain Congrès, mais également pour les cinq années suivantes, jusqu’à la fin du mandat du président.

Cet évènement, durant lequel se réuniront tous les délégués du Parti communiste, au nombre de 2270, laissera alors apparaître les divisions politiques, bien présentes au sein du parti unique, mais qui sont souvent étouffées le reste du temps.

Car si le Parti communiste est la seule et unique formation politique légale en Chine, ce dernier est fort de pas moins de 80 millions d’adhérents. Parmi ces 80 millions, des courants émergent, des lignes de conduite se différencient des autres, et des personnalités se placent en chefs de file.

« Le Parti communiste chinois n’est pas un bloc monolithique. Il est constitué de 80 millions de membres et toutes les tendances y sont représentées. Il y a une gauche, une droite et un centre. Bien qu’il n’y ait qu’un seul et unique parti, il génère les conflits politiques de plusieurs formations », a ainsi déclaré la spécialiste de la Chine pour l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), Fabienne Clérot, à JOL Press.

« Le Parti communiste n’est pas un bloc monolithique »

Ainsi, parmi les hauts fonctionnaires du Parti communiste, différents courants se confrontent. Entre libéraux et traditionnalistes, membres de la Ligue de la Jeunesse comme Hu Jintao ou « princes rouges » comme le futur président Xi Jinping, entre Shanghaïens et Pékinois, entre ceux qui prônent la croissance à tout prix et ceux qui sont favorable à un développement social de la Chine, les courants sont aussi vastes que s’il s’agissait de plusieurs partis politiques distincts.

Et c’est durant ce Congrès, qui permettra la rédaction d’un rapport qui servira de base à l’application de la politique pendant plusieurs années, que ces rivalités apparaîtront au grand jour.

« À l’occasion du XVIIIème Congrès du Parti, la quasi-totalité des membres du Conseil permanent du Politburo seront renouvelés car ils ont atteint la limite d’âge autorisée. Mis à part le futur président Xi Jinping et le futur Premier ministre Li Keqiang, tous cèderont leur siège. Il y a donc sept places à prendre. Cette succession est pleine d’enjeux et crée de nombreuses rivalités intestines », explique encore Fabienne Clérot.

Princes rouges vs. Ligue de la jeunesse

Une première et traditionnelle fraction du Parti communiste oppose les « princes rouges » à la Ligue de la Jeunesse.

Les « princes rouges », sorte d’aristocratie à la chinoise, réunit tous les fils, filles, et même gendres, belles filles et enfants adoptifs, d’anciens hauts fonctionnaires chinois, la plupart ayant participé activement à la révolution communiste.

Réunis en une sorte de caste très fermée, ils sont connus pour accéder plus facilement que les autres aux fonctions politiques et représenteraient un tiers de la classe politique chinoise.

Le futur président Xi Jinping est souvent considéré comme le chef de file de cette faction. Il est le fils de Xi Zhongxun, ancien vice-président de l’Assemblée populaire et vice-Premier ministre, décédé en 2002. Xi Zhongxun est considéré comme un « immortel du Parti », il fait donc partie de ces huit hommes qui ont joué un rôle prépondérant dans l’initialisation et le démarrage des réformes économiques de la Chine des années 1980.

Les « princes rouges » sont connus pour être proches d’une autre faction, la Ligue de Shanghai. Cette dernière regroupe les personnalités qui ont eu des fonctions politiques et administratives au sein du gouvernement de la République populaire de Chine ou du Comité central du Parti communiste et qui ont été promus en raison de leur appartenance à l’administration municipale de Shanghai lorsque l’ancien président Jiang Zemin en était maire.

L’affaire Bo Xilai est déterminante dans le déroulement du Congrès

En face de cette faction, la Ligue de la jeunesse est représentée par le président Hu Jintao. Cette faction politique compte environ 70 millions de membres, puisque la plupart des étudiants chinois sont tenus d’y adhérer.

À cette division classique de la société dirigeante chinoise s’ajoute ensuite une division bien plus politique qui sépare les traditionnalistes, souvent qualifiés de néo-maoïstes, aux libéraux, favorables à une croissance forte et à une économie de marché à la chinoise.

Dans ce contexte, la récente chute de Bo Xilai, régulièrement qualifié d’étoile montante du Parti, prend une dimension stratégique très forte.

Bo Xilai, dont la femme Gu Kailai a récemment été condamnée à la peine de mort avec sursis pour le meurtre d’un Britannique, était pressenti pour entrer dans le politburo. « Prince rouge » comme Xi Jinping, Bo Xilai faisait partie de la faction des idéologues.

Proche de Jiang Zemin, prédécesseur de l’actuel président Hu Jintao, Bo Xilai représentait la ligne gauche du Parti communiste, jusqu’à ce qu’il soit définitivement écarté du Parti.

Il y aura un consensus

La ligne gauche du Parti communiste a été fortement affectée par cet évènement et de nombreux observateurs estiment que l’ambiance de ce XVIIIème Congrès pourrait être affectée par une perte de confiance de ces traditionnalistes.

Si le Parti communiste est divisé, le Congrès est également le moment privilégié de la classe politique, moment où un consensus doit être trouvé entre toutes les factions. Si, durant cette semaine intense, les discussions seront animées dans l’enceinte du Grand Palais du peuple de Pékin, ces débats déboucheront sur un texte commun et validé par tous. Car le maître mot final du Congrès devra être « consensus ».

Pas de transition politique à attendre de ce Congrès

Pourtant, pour Fabienne Clérot, si le changement de génération est historique, si la nouvelle classe dirigeante n’a pas connu la révolution communiste et si une autre « faction » accède au poste suprême, la Chine n’entrera pas nécessairement dans une transition politique. Cette transition faite de réformes que le Dalaï Lama a appelées de ses vœux, plus tôt dans la semaine, alors qu’il se trouvait au Japon.

« Même s’il y a un changement de génération, si certains des futurs dirigeants sont nés après la révolution culturelle, la Chine reste sur les mêmes rails. L’état d’esprit n’est peut-être pas le même, mais la ligne directrice reste inchangée. Tous les hommes de cette nouvelle génération ont été choisis par les anciens. Si quelques signes d’ouverture sont perceptibles, ils sont stratégiques et ne sont engagés que dans l’intérêt de la Chine et absolument pas dans un esprit d’acceptation des « valeurs occidentales »»

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