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En route vers la santé 2.0!

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Aux USA, il semble que le nouvel eldorado de l’Internet soit la santé, secteur qui jusqu’à présent n’avait pas encore été touché par les technologies du 2.0. Au cours des derniers mois, en effet, plus de 200 start-ups s’y sont créées, avec plus de 2 milliards de dollars investis par les VC américains.. Des incubateurs spécialisés se sont créés (RockHealth), de très nombreuses conférences se font sur tout le territoire … Bref, c’est un affaire qui marche.. Et on dit là-bas, que trois de ces start-ups devraient faire leur entrée au Nasdacq dans les prochaines semaines…

Y aura-t-il un nouvel Amazon Santé ?

On n’en est pas là en France… Mais il est probable qu’avec le retard habituel des Gaulois, on va s’y mettre.

Notre secteur santé français 1.0 comprend environ 800 000 professionnels, organisés pour la plupart en « ordre », l’entrée dans ces ordres étant régulé par un numerus clausus (!). Une organisation en silo donc : les pharmaciens, les médecins, les brancardiers, les sage-femmes, les infirmiers, les ambulanciers, les laboratoires d’analyses, les fabricants de matériels et de médicaments avec les big pharmas, et naturellement le législateur, le gouvernement, et les hauts fonctionnaires en charge de ce secteur …

Un « chiffre d’affaires » de 170 milliards d’euros, soit 11% du PIB (16 % aux USA). Bref, un secteur compliqué qui s’organise encore avec beaucoup de papier, et des technologies traditionnels : logiciels sous Windows avec interface spécifique, renforçant l’aspect « ilôtier » de nos silos…

De plus, nos aimables silos ne s’entendent pas entre eux, et même se détestent, à ce qu’il m’a semblé. Les pharmaciens – des commerçants – n’aiment pas les médecins qui, du fait de leurs savoirs qu’ils seraient seuls à détenir, se prennent pour Dieu le Père. Les médecins eux, n’aiment pas les pharmaciens : de « vulgaires » commerçants. Les « petits » personnels – infirmiers, sage-femmes – n’aiment pas les mandarins (le haut de gamme des médecins )- etc.

Bref, tout ce petit monde, selon Hippocr@te, leur leader 1.0, se doit de veiller à une seule chose : la bonne santé des Français. Et donc de s’organiser au mieux avec les outils qu’il faut, pour rendre ce service, au coût le plus faible pour toute la communauté … On observe certes quelques dérives de temps à autres, histoire d’alimenter les médias 1.0 … On met en circulation par exemple du sang contaminé, on commercialise des médicaments « toxiques », des vaccins qui ne servent pas à grand chose, des erreurs médicales entraînant la mort (il y en aurait 50 à 100 000 par an aux USA – comme quoi on n’est pas infaillible dans ce secteur malgré le savoir). Bref, l’écume des jours chez les Homo Sapiens. Et ne parlons pas de dépassement d’honoraires. Ou de magouilles diverses, que l’on m’a sussurées dans le tuyau de l’oreille.

J’ai eu une semaine trés chargée la semaine dernière. Jugez-en : j’ai participé mardi dernier à la journée « éthique et numérique » organisée par le Conseil de l’Ordre des Médecins (sous l’égide de son vice-président, Jacques Lucas), et j’ai fait une conférence samedi 17/11/2012 sur le théme de la santé 2.0 au Webdeux Connect. Deux catégories de professionnels complétement différentes donc.

Que faut-il en retirer ?

Les médecins, Dieu le Père, et les glandus (vous et moi)

300 professionnels ont participé à la conférence de Jacques Lucas … Ils ont utilisé à « fond la caisse » Twitter au cours de cette journée … On pourrait donc se dire, en première analyse, qu’ils commencent à envisager de nouveaux outils dans la relation avec leur patients par exemple. Ou encore utiliser de nouveaux outils dans leur organisation/relation entre silos. Après tout, notre aimable gouvernement a lancé Andromède, le cloud souverain des Français.

Et l’on pourrait penser que toutes les professions médicales (y compris les « vulgaires » pharmaciens) s’organisent en mode Saas sur nos 2 clouds souverains français, fils d’Andromède. Et quittent leurs vieux « habits windows à interface spécifique » (ce qui ne plaît pas aux SSII 1.0 – on m’a cité quelques exemples scabreux).. Et que les multiples silos, ne deviennent ainsi qu’un seul silo au yeux des patients.. 

On pourrait le penser. Mais il n’en est rien ! Un affreux bonhomme, dénommé Emmanuel Hirsh (la vidéo de son discours sera bientôt en ligne sur le site de l’Ordre des Médecins), a fait au cours de cette conférence un discours enflammé préconisant le retour à une médecine « paternaliste », comme dans le temps.. Et le pire, c’est qu’il a été applaudi par la salle ! Donc, d’un côté, on goûte à Twitter en se prenant de fausses allures de 2.0, mais de l’autre on ne veut surtout rien changer.

Comme m’a dit la vice présidente de l’ordre des sage-femmes qui assistait à cette conférence : pour les « paternalistes » 1.0, la société est organisée de la façon suivante : il y a en haut le médecin, disposant du savoir, puis en-dessous Dieu le Père (les catholiques apprécieront), et enfin au dernier étage, les glandus (vous et moi).. Le problème avec Internet, c’est que cet ordre des choses est chamboulé (dixit notre sage-femme philosophe). D’abord Dieu (les catholiques sont-ils rassurés ?), puis les internautes malades ou non, et enfin les médecins. On comprend naturellement la déshérance qui saisit ces professions… 

Certains malades ne veulent pas que leurs données soient stockées

Au cours de cette conférence, un haut fonctionnaire nous a aussi fait un discours intéressant. À ce que j’ai compris, il semblerait qu’en haut lieu l’on veuille mettre en oeuvre un Google d’informations santé français. Pour dire au brave peuple ce qu’il DOIT savoir… Sous-entendu, qu’il arrête de se perdre dans Doctissimo et consors, dans les forums de santé, dans les réseaux sociaux de malades, etc… Je me suis permis d’intervenir pour dire que cela me paraissait être du « bullshit ». 

Et que l’on ferait peut-être mieux de mettre en oeuvre une base de données accessible en mode saas sous un browser, recensant toutes les ressources médicales géolocalisées sur le territoire, précisant en temps réel, celles qui sont disponibles et immédiatement opérationnelles, celles qui sont en cours d’utilisation, celles qui sont « en arrêt », etc. Je pense qu’avec cela, je n’aurais pas été amputé d’une jambe : le Samu de Versailles aurait pu m’envoyer là où il faut tout de suite (ce qui m’aurait éviter de faire quelques popottes dans l’ambulance des pompiers de Garancières)..

Je me demande aussi pourquoi il y a 2 types de dossiers médicaux, celui des pharmaciens (le DP : 23 millions de dossiers) et celui des médecins (le DMP qui a presque 10 ans, et seulement 200 000 dossiers – et beaucoup d’argent public dépensé). Après tout, ce sont les médecins qui préconisent les médicaments, non ? Pourquoi n’y en aurait-il pas qu’un seul, logé par exemple dans un cloud souverain ? Les 2 orateurs qui ont présenté la chose ont évoqué avec force les problèmes liés au fait que certains malades ne veulent pas que leurs données soient stockées quelque part, dans quelque chose dont ils n’ont pas la maîtrise. Ils sont ainsi 17% dans le cas du DP.

Denise Silber, notre égérie santé 2.0, y a fait un excellent topo (en vidéo) sur l’histoire de l’informatique médicale, ouvrant son discours sur la santé 2.0. Dominique Dupagne, avec sa fougue habituelle, nous a appris qu’il y avait de bons et de mauvais médecins (vous le saviez ?), et que le secteur avait le plus grand intérêt à évoluer. Il a même fait remarquer que nos données de santé étaient sur le même plan que nos autres données : nos photos par exemple, etc. Ce qui a choqué la salle. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que Google a stoppé Google Health. Pas besoin d’avoir un « réservoir » spécifique pour les données de santé (la copie d’écran ci-aprés est tirée du blog de Dominique Dupagne).

Robots d’accompagnement et réseaux à très haut débit

Quant à moi, j’ai participé à une table ronde du matin intitulé « Docteur Google ». J’ai rappelé pourquoi dans l’organisation 1.0 des silos de santé, j’avais été amputé d’une jambe, et qu’à mon avis le secteur santé sera « disrupté ». Au même titre que le commerce par exemple. Qui naturellement n’a pas été disrupté par les empereurs traditionnels 1.0 de la chose (Carrefour, Auchan, Walmart, etc ), mais par de nouveaux venus (Jeff Bezos d’Amazon par exemple, que personne ne connaissait). J’ai fait aussi briévement un état des nouveaux outils médicaux que l’on voir apparaître (les sensors, etc..). Et la génétique. Que n’ai-je pas dit là ! On me l’a reproché en se moquant, tout au long de la journée ! J’ai aussi rapidement évoqué les systèmes d’intelligence artificielle (le Watson d’IBM qui commence ses activités dans la Mayo Clinic aux USA)…

Mais là, on n’a pas relevé.. Après les sensors et la génétique, c’etait peut-être un peu trop à la fois..

Et notre ami Jacques Lucas, impérial, menant tout son petit monde avec une main de fer 2.0 dans un gant de velours 1.0, aidé en cela par Dominique Lehalle, la journaliste qui menait les ateliers. Jacques, donc, distillait, à ce qu’il m’a semblé, quelques messages sublimaux en faveur du 2.0, tout en opinant du chef aux discours des 1.0.

Par contre, je n’ai pas eu ce genre de problèmes au WEBDEUX CONNECT de l’ami JF Ruiz. 500 personnes environ y ont participé. Le repaire du 2.0 français. J’ai fait mon discours accompagné de ces slides…

Et j’ai naturellement milité pour que des start-ups françaises se créent dans le secteur de la santé. Car il n’y en pas beaucoup. Il me semble que j’ai été écouté. Plusieurs personnes sont venues me voir. Des jeunes de Lille qui veulent s’y mettre, une dame orthopédiste du Var qui fabrique des bandages divers, dont un que je trouve remarquable pour soutenir le ventre des femmes enceintes (et dans lequel d’ailleurs on pourrait loger des sensors pour ausculter en temps réel ce qui se passe dans la gestation). Mais elle n’a pas le droit de faire de la publicité (sic). Je lui ai donc conseillé de créer une petite société aux USA, et de faire son site de commerce électronique de là-bas. Et d’utiliser aussi Amazon.

Pour terminer ce bref compte-rendu, il me semble qu’il y aurait lieu d’avancer vite dans ce secteur. Car un tsunami, que l’on n’a jamais connu dans les sociétés humaines, se prépare. Dans les 20 à 30 prochaines années, la population du 3ème et 4ème âge va doubler. On ne pourra pas gérer au mieux ces populations, avec des conditions financières correctes, sans des outils du 2.0, sans des robots d’accompagnement, et naturellement sans des réseaux de télécommunications à très haut débit… Car il n’y aura pas assez de valides biologiques en bonne santé pour aider ce 3ème et 4ème âge, voire le 5ème…

Je suggère la création d’une association française « Santé 2.0 » qui regrouperait tous ceux qui s’intésseraient à la chose, indépendemment des chapelles 1.0. Veille technologique, voyages d’études aux USA (c’est quand même là que cela se passe), études spécifiques, etc.

Et si ces sujets vous intéresse, je vous suggère de vous intéresser à bepatient, c’est le début de la santé 2.0.

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