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Et si François Hollande perdait sa majorité parlementaire?

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L’incroyable scénario de la scission de l’UMP – que celle-ci soit temporaire ou durable – a relégué au second plan les difficultés que connaissent François Hollande et la majorité présidentielle. Si le pire n’est pas le plus probable, François Fillon et Jean-François Copé ont rappelé à tous, qu’en politique, rien n’était jamais impossible – a fortiori dans le contexte de crise multiple que notre pays, l’Europe et le monde traversent.

Avant même que nous n’assistions, abasourdis, aux déchirements de la droite, une autre question planait dans l’esprit des commentateurs : François Hollande parviendra-t-il à maintenir la cohésion de sa majorité ? Pire, François Hollande conservera-t-il une majorité parlementaire pendant cinq ans ?

Une majorité au Sénat, peu importe…

Par 165 voix contre 156, la première partie du projet de loi de finances pour 2013, qui prévoit 24 milliards d’euros de hausses d’impôts, a été rejetée par le Sénat. Pour la quatrième fois depuis la rentrée, la majorité de gauche au Sénat, qui ne dispose que de six voix d’avance, n’a pas fait bloc. Les sénateurs communistes ont préféré s’abstenir quitte à laisser l’UMP et l’UDI l’emporter.

Les écologistes, qui, à d’autres reprises – sur la tarification de l’énergie notamment -, se sont joints à la gauche de la gauche pour placer le gouvernement en minorité à la Haute Assemblée, ont voté pour le budget. Le casus belli aurait été de taille tant, traditionnellement, le vote des budgets constitue le marqueur de l’appartenance à une majorité.

Si, théoriquement, la gauche est majoritaire au Sénat depuis septembre 2011 et si le socialiste Jean-Pierre Bel en reste le président, ces défaites répétées infligées par la gauche de la gauche, avec ou sans le renfort des Verts, ne sauraient empêcher Matignon et l’Élysée de gouverner. Sous la Vème République, jamais la gauche n’a gouverné en s’appuyant sur une majorité au Sénat. Seul inconvénient pratique… le processus législatif est alourdi par une seconde lecture à l’Assemblée. Et pour ce qui est de la majorité qualifiée des 3/5e indispensable au Congrès pour réformer la Constitution, toute la gauche unie n’en dispose de toute façon pas.  

La gauche de la gauche mise-t-elle sur le scénario du pire ?

Le Front de gauche a contribué à l’élection de François Hollande, en appelant à voter pour lui le soir du 1er tour pour battre Nicolas Sarkozy.

La question de la participation des communistes au gouvernement a pu se poser – l’exécutif aurait sans doute préféré renouveler l’expérience de la gauche plurielle de 1997. Jean-Luc Mélenchon, pour le Parti de gauche, y était farouchement opposé. Sa stratégie individuelle – jusqu’au-boutiste – le conduit à miser sur un échec de la ligne politique actuelle, qu’il qualifie de « sociale-libérale », pour se placer, avant la fin du quinquennat, en recours sur une ligne alternative anti-libérale – un recours qui le conduirait à Matignon ou le placerait en position de force avant l’échéance présidentielle de 2017. 

Au risque de perdre le peu de poids politique qui lui reste, le PCF à la mode Pierre Laurent s’est aligné. François Hollande n’a pas nommé de ministres communistes et aucun engagement n’a été pris sur un « soutien sans participation », et les accords électoraux aux législatives se sont faits a minima, expliquant ainsi la faible représentation du Front de Gauche à l’Assemblée.

Le risque pour François Hollande serait que, dans un contexte où les difficultés économiques s’accentueraient, ne s’étende alors un mouvement de grogne sociale de grande ampleur et que le Front de Gauche – associé aux syndicats et aux mouvements trotskystes – ne souffle sur les braises pour en tirer profit électoralement aux élections intermédiaires – ou contraindre à un changement de ligne politique.

Des Verts entre deux chaises

Jamais les écologistes français n’ont-ils disposé d’une telle représentation gouvernementale et parlementaire – 2 ministres, 16 députés et 12 sénateurs. Les voici grassement récompensés au regard des 2% de leur candidate à la présidentielle, Eva Joly. Pourtant, Europe Ecologie – Les Verts n’occupent pas à l’Assemblée nationale la position charnière dont ils rêvaient, celle qui les aurait placés en position de priver le gouvernement de majorité – et donc d’imposer leurs choix politiques.

D’où les dissensions apparues si rapidement et la contradiction apparente entre une participation gouvernementale et des abstentions ou votes négatifs de plus en plus fréquents au Parlement.

Des voix s’élèvent au sein d’Europe Ecologie – Les Verts en faveur d’un positionnement plus à gauche, dans l’espoir notamment de récupérer les suffrages des déçus du Hollandisme qui, à défaut, iraient vers la gauche de la gauche.

François Hollande a-t-il réellement besoin des Verts ? Arithmétiquement, non. Politiquement, davantage sans doute, mais ils ne sont pas indispensables.

Seule l’unité du PS compte

La majorité absolue au Palais-Bourbon s’établit à 289 sièges. Le Parti socialiste dispose, à lui seul, de 278 élus et d’un groupe de 296 avec le renfort de 18 apparentés. De plus, si les 16 radicaux de gauche et progressistes font bande à part, leur loyauté envers la rue de Solferino n’est plus à prouver – surtout depuis la participation de Jean-Michel Baylet à la primaire citoyenne.

Total des forces les plus loyales : 312. Une majorité confortable, mais pas une assurance vie… Ainsi, déjà, à l’occasion de la ratification du traité budgétaire, peu après la rentrée parlementaire, 20 députés socialistes se sont rebellés en votant « contre ». Une rébellion en l’occurrence sans risque puisque l’UMP votait un texte négocié à l’origine par Nicolas Sarkozy. Mais un avertissement…

Au cours des quatre ans et demi à venir, François Hollande devra veiller à l’unité du Parti socialiste, et à l’unité derrière lui. Certes, la dislocation d’une force politique est plus probable dans l’opposition que dans la majorité, où la perspective de l’exercice du pouvoir bride bien des velléités. Et si le PS à résisté au 21 avril 2002 ou encore au Congrès de Reims, il doit pouvoir résister à tout…

Après Reims en 2008, Jean-Luc Mélenchon avait claqué la porte pour lancer le Parti de gauche puis absorber le moribond PCF dans le Front de gauche. Il avait claqué la porte sur un vrai désaccord idéologique, et quelques incompatibilités d’humeur – rien à voir avec l’UMP… François Hollande a adopté une ligne de politique économique qui ne saurait faire l’unanimité parmi les socialistes. Peu importe qu’il ait fait ce choix par conviction ou forcé par les circonstances, le socialisme de l’offre n’est pas la tradition dominante au sein du PS, l’aggiornamento social-démocrate – l’autre choix hollandiste – n’y a jamais convaincu qu’une minorité.

La gauche du PS : de la surenchère jusqu’à la rupture ?

Si Arnaud Montebourg et Benoît Hamon ont succombé aux sirènes des voitures ministérielles, et défendent avec la foi des convertis les balbutiements du Hollandisme, la gauche du Parti socialiste existe bel et bien. Sous sa forme la plus radicalisée – Emmanuel Maurel, candidat face à Harlem Désir lors du Congrès de Toulouse le mois dernier – celle-ci a recueilli un peu plus de 13%. Si elle a été muselée, semble-t-il, par une répartition très inéquitable des postes de direction au sein du parti, elle dispose de porte-voix au Parlement. Il y a fort à parier que quand ils le jugeront nécessaire ils élèveront la voix.

François Hollande dispose d’encore un peu de temps, d’au moins un an avant que ne s’engage la campagne pour les élections municipales de 2014 – sauf crise sociale grave. Si ses politiques ne commencent pas alors à porter leurs fruits – et si cela se traduit par une lourde défaite électorale -, la contestation pourrait s’exprimer puis s’organiser. Et aller jusqu’à priver durablement le gouvernement de majorité ? Une chose est certaine, le quinquennat parlementaire du président Hollande pourrait ne pas être aussi paisible que l’équilibre des forces à l’Assemblée nationale ne le laisse penser.

Une majorité de rechange ?

Au Parlement, François Hollande ne dispose pas de majorité de rechange. Le Modem n’a qu’un seul élu et, plus encore si la scission entre « copéistes » et « fillonistes » devait durer, on imagine mal les députés UDI de Jean-Louis Borloo s’engager aux côtés de François Hollande – absurde.

À plus long terme, et a fortiori s’il ambitionnait d’être reconduit en 2017, ce n’est qu’avec un appui élargi au centre que François Hollande pourrait résister aux forces les plus conservatrices à gauche.

Le scénario est déjà connu : c’est celui qu’avait suivi François Mitterrand en 1988. Mais celui-ci sortait d’une cohabitation… Décidément, elles avaient du bon ces cohabitations, comme permettre la réélection de présidents minoritaires.

Si Nicolas Sarkozy avait dissout l’Assemblée nationale à l’automne 2010 au moment de la contestation sur la réforme des retraites, Martine Aubry aurait passé un an et demi à Matignon puis – il y a fort à parier – cinq ans dans l’opposition. Alors, peut-être que, tout aussi chiraquien que mitterrandien, François Hollande aura intérêt de dissoudre en 2015. Politique-fiction… 

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