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Et si notre industrie pouvait être sauvée par le «reshoring»?

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On parle beaucoup en ce moment dans notre beau pays de ré-industrialisation, de compétitivité de nos entreprises. Et chacun y va de son couplet. On met en place des comités théodules qui pondent des rapports recommandant telles ou telles mesures. De beaux esprits déclament à qui veut les entendre sur nos chaînes de radio et télé 1.0 qu’il yakafokon. Ou écrivent des textes enflammés dans les colonnes de notre chère presse, voire même se commettent de beaux livres en papier. D’aucuns disent même qu’il faudrait repasser aux 39 heures. « Non,non, on s’est trompé…on reste aux 35 heures ! »…

Et « Les pigeons » de roucouler qu’il faut réduire les taxes, etc, etc.

Bref on s’anime, ce qui fait passer le temps. Mais on tourne en rond.

Mais pendant ce temps là, les Américains « reshorent »…

Certains de nos ministres engueulent des fabricants français de voitures qui veulent fermer des usines, et tentent de passer des savons à des chefs indiens qui veulent éteindre leurs calumets, pardon leurs hauts fourneaux situés chez nous, mais qui ne nous appartiennent plus.. En les menaçant de les scalper… Lesquels Indiens, naturellement, font semblant de ne pas entendre… préférant laisser aux Français le soin de déterrer en premier la hache de guerre.

Et pendant ce temps là, les Américains commencent à rapatrier chez eux la production qu’ils ont donnée à faire aux Chinois, aux Indiens, etc.

Certains de nos ministres se baladent avec des barboteuses à rayures de marin de belle facture fabriquées en Bretagne. Pour inciter le Gaulois de base à acheter français… D’ici à ce qu’une ministre se promène avec un soutien-george Luxxa (je confirme : ils sont trés bien, mais je n’ai pas une trés grande expérience dans ces technologies de soutien..)

Et pendant ce temps, les Américains, qui donnent à fabriquer aux Chinois l’équivalent de centaines de milliards $/an, les Américains pensent qu’avec ce reshoring – vous l’aurez compris c’est l’inverse du offshoring – les Américains donc, pensent qu’ils vont créer 5 millions d’emplois sur leur territoire dans les années à venir.

Pourquoi ce « reshoring » chez les cow-boys ?

Simple. Les salaires chinois augmentent, et les ouvriers chinois demandent – mettez-vous à leur place – de meilleures conditions de travail. Le Boston Consulting Group estiment ainsi que le coût salarial par unité produite sera le même en Chine qu’aux USA en… 2015. Ce qui n’est pas si loin.

Les salaires chinois augmentent en effet de 15 à 20% par an.. En 2005, l’écart de « compétivité » en faveur de la Chine était de 31%. Toutes choses égales par ailleurs, faire fabriquer une table – par exemple – en Chine coûtait 31% de moins qu’aux USA… Cet écart revient à 13% aujourd’hui. Et si vous rajoutez à cela, l’ensemble des coûts logistiques pour rapatrier les productions sur le territoire américain, l’avantage va revenir au reshoring… Sans compter l’appréciation du renminbi (la monnaie chinoise), les coûts de l’énergie pour transports, etc.. Et autres désavantages peu agréables (qualité moyenne, copiage de technologies, etc). Bref, travailler avec des cultures trés différentes de la sienne n’est pas une synécure… Vous trouverez ici l’excellente étude sur le sujet.

De grandes entreprises américaines ont d’ailleurs commencé ou annoncé leur reshoring : Caterpillar, GE, Ford, 3M, NCR, etc … Les entreprises plus petites s’y mettent.. Et il semble que ce mouvement touche tous les secteurs du manufacturing (matériels électriques, plastiques, meubles, etc)…  

Certains estiment que ce mouvement, qui démarre, a déjà créé 50 000 emplois sur le territoire américain. Ce qui est encore loin du nombre d’emplois perdus depuis 2002 avec le offshoring : de l’ordre de 3,5 millions d’emplois. Le graphique ci-dessous est tiré de cette excellente étude.

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La « reshoring initiative »

Un américain, Harry Moser, a ainsi créé une intiative. On remarquera que cette action ne vient pas du gouvernement Américain … Initiative qui vise à aider les entreprises américaines à rentrer à la maison… En leur mettant à disposition un simulateur de coût total, prenant en compte tous les coûts de logistique. Il semblerait en effet que ces coûts soient mal pris en compte par les chefs d’entreprises américains… Car comme les coûts de production chinois étaient tellement bas, on ne se préoccupait pas beaucoup de quantifier exactement ces coûts dans leur globalité. Le site de l’initiative propose aussi des news, et surtout des success stories de sociétés qui ont réussi leur reshoring.. On fonctionne par analogie… Si vous êtes fabricant de meubles aux USA, et que vous voyez que votre concurrent américain vient de rapatrier sa production, vous vous dites qu’il serait peut-être urgent vous aussi, de vous y mettre…

Vous trouverez ci-après les motivations du reshoring tirés de ce site web.

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Et 1/3 des entreprises américaines vont se lancer dans le reshoring dans les mois à venir.

Les politiques locaux s’y mettent… Vu que cela crée de l’emploi, mettez-vous à leur place, ils pensent que cela va leur permettre de se faire réélire…Ils appuient donc le mouvement… Et l’administration Obama vient de lancer un concours de reshoring doté de quelques millions de dollars de prix.

Deux autres éléments importants à mon avis vont converger avec ce reshoring.

Nos amis américains ont commencé l‘exploitation des gaz de schistes dans quelques États. Ce qui va leur donner un avantage, sinon écologique (il semble que cette exploitation crée pas mal de problèmes), en tout cas compétitif. Une énergie créée chez eux… qu’ils n’ont pas à acheter à d’autres. Un (probable) coup de fouet pour leur économie.

L’autre élément par contre est encore peu visible. À savoir la « robotic economy ». Certains analystes par exemple pensent qu’Apple va rapatrier aux USA l’assemblage de ses matériels. Assemblage qui, jusqu’à présent, était réalisé par la société Foxconn en Chine (1,2 million d’ouvriers « biologiques »). Apple (et les autres) pourraient très bien mettre sur pied une usine robot sur le territoire américain. Les robots, comme vous le savez, ne sont pas encore trés intelligents (ils n’ont pas encore la capacité d’intégrer l’ENA). Ils devront donc être surveillés par des « biologiques de bon calibre ». Ce qui crée des emplois qualifiés à la marge. J’estime (je veille ce domaine des robots déjà depuis plusieurs années), mais c’est au doigt mouillé, j’estime donc qu’une usine de 100 robots nécessite autour de 30 biologiques qualifiés (en 3 fois 8 – soit 10 personnes par période – car un robot peut travailler tout le temps).

L’armée américaine s’y met aussi pour la fabrication des vêtements de ses soldats… Un marché de 100 milliards de dollars donné aux Chinois et autres, qui va être rapatrié grâce à des robots tailleurs… Qu’il faudra surveiller avec des biologiques bien formés.. Encore de la création d’emplois à la marge. Et il est on ne peut plus probable que tout le secteur de l’habillement américain va suivre l’exemple de l’Armée américaine.

Le « made in China » va-t-il devenir obsolète ?

La France va-t-elle elle aussi « se reshorer » ?

Les conditions économiques françaises sont certes différentes de celles des USA. Il faudrait que nos distingués économistes – si, si, ils sont trés distingués – se penchent sur la question (un autre comité théodule à mettre en oeuvre ?). Qu’elle est la part de notre PIB qui est fabriqué en Chine ? En Inde ? Combien d’emplois cela pourrait créer en France si l’on rapatrie ces productions ? N’ayant pas les données pour faire cette étude, je me suis livré à un calcul idiot, mais qui donne une idée. Les USA compte 315 millions d’habitants. La France, disons 65 millions. Les Américains pensent créer avec le reshoring 5 millions d’emplois.Toutes choses égales par ailleurs, une simple régle de trois montre que l’on pourrait créer 1 million d’emplois chez nous.

Je suis ce phénomène naissant du reshoring depuis le début de cette année (notamment avec le #reshoring)… Et je suis trés étonné : personne n’en parle dans notre pays.. J’ai testé l’idée sur mon wall Facebook… Certains m’ont dit que ce n’était pas important, et que le plus important c’était que les Chinois investissaient l’Afrique et le Pôle Nord pour mettre la main sur les matières premières, etc. Bon… 

Mais que fait le Medef ?

Pourquoi le Medef ne prend-t-il pas le mouvement du reshoring pour sinon l’imposer, en tout cas le faire connaître en France auprès de leurs ouauilles ? Pourquoi le gouvernement n’incite-t-il pas nos entreprises qui font fabriquer des tas de trucs en Chine, à se reshorer ? Et notre ministre en barboteuse marin : pourquoi ne lance-t-il pas une action d’envergure ? Mais peut-être faudrait-il avant étudier les rapports de coûts ? Comment se présente le coût du travail français/européen par rapport au coût du travail américain ? D’ici à ce que les USA remplacent la Chine pour nos propres productions.

Impacts sur les pays émergeants, et notamment la Chine ?

On peut se poser la question… Si tout l’Occident se reshore, la Chine va perdre un chiffre d’affaires important… Combien  ? Faut demander à nos distingués économistes. A priori, cela risque de créer un chômage important chez eux, et donc poser des problèmes politiques au gouvernement de Pékin. Risque d’implosion ? Ou alors les Chinois reconfigurent-ils leur système de production pour la consommation intérieure ? Mais pourront-ils aussi robotiser leur économie, à l’instar de ce que veulent faire les Américains ? Pas sûr du tout.

Le patron de Foxconn avait en effet déclaré en aout 2011 qu’il allait remplacer quelques centaines de milliers de ses ouvriers biologiques par des robots… Mais on n’en entend plus parler.. Mon intuition : le gouvernement de Pékin lui a interdit, pour éviter la mise au chômage de dizaines de milliers de personnes. Ce qui voudrait dire, qu’à la différence des USA (et de la France ?), la Chine ne peut pas se robotiser massivement... Une population active de 800 millions de biologiques, à qui il faut fournir du travail.. Sinon .. Alors que la population active des USA n’est que de 170 millions (à peu prés comparable à celle de l’Europe)… Les USA peuvent donc robotiser à outrance la production qu’ils enlévent de Chine, vu qu’à la marge, cela leur crée quand même des emplois de biologiques. Donc un solde positif, et une réduction des coûts. Donc avantages compétitifs, par rapport à la Chine.

Peut-être reverrons-nous réapparaître le « made in the US »…

Pour terminer permettez moi d’évoquer quelques points de réflexion personnelle.

La France n’a pas de stratégie claire à moyen terme

Notre pays se débat actuellemet dans des bisbilles de court terme de clans politicards gaulois. Pas de vision de l’avenir, nada.

Il nous faudrait naturellement mettre en oeuvre du reshoring rapidement.

Et pour préparer le futur, je suis désolé de me répéter : il nous faut un réseau de télécommunication à très très haut débit qui facilitera notre organisation numérique. Et rendre notre organisation plus fluide et moins coûteuse. Que vous le vouliez ou non, toute l’économie française va basculer dans le cloud computing, pour de simples raisons de coûts. Et si toute l’économie bascule dans le cloud, il nous faudra ce type de réseaux en fibre optique sur tout le territoire. Si nous n’avons pas ce réseau au préalable, on ne pourra pas s’organiser en mode numérique. On ne sera donc pas compétitif dans l’économie numérique mondiale qui est en train de se développer.

Autre travail herculéen… La réforme de notre sympathique et lourdingue administration. 6 millions de fonctionnaires et assimilés payés par de l’argent public. Avec de plus, des services publics qui tendent à se délitter, notamment dans la ruralité, où vivent une petite moitié de notre population. Le précédent gouvernement voulait réduire le nombre de fonctionnaires pour arriver au niveau de l’Allemagne je suppose. Réduire certes, mais cela ne suffit pas, me semble-t-il. Il faut revoir tout le processus administratif en mode 2.0. Après tout, nos start-ups sont en train de bâtir une « nouvelle économie » dans le secteur privé, en créant de nouvelles plateformes d’intermédiation dans tous les domaine, dans tous les secteurs d’activité. Il serait temps que le secteur public s’y mette. Par contre, je doute que nous ayons les bonhommes qu’il faut pour faire ces travaux herculéens. Ce n’est pas avec des énarques que l’on va faire cette mutation.

Une stratégie à moyen et long terme n’intéresse guère nos élus 1.0, qui veulent surtout se faire réélire lors de la prochaine élection. Comme le processus démocratique électif 1.0 se fait en gros tous les cinq ans, ils n’ont donc que des visions à très court terme. Et ce n’est pas avec le 2.0 qu’ils vont couper des rubans.

Le moyen et long terme ne les intéressent pas. Sauf peut-être pour leurs dîners en ville ? 

Peut-être faudrait-il interdire le renouvellement des mandats. Un seul mandat ? 

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