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Jamais tant de gens n’ont dû autant à si peu…

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Hasard du calendrier – ou pas. La même semaine, les États-Unis et la Chine renouvèlent leurs directions. Jeudi 8 novembre au plus tard – si tout se passe bien -, nous connaitrons les noms des deux hommes les plus puissants du monde, les deux hommes qui, de fait, présideront aux destinées de la planète au cours des quatre prochaines années – au moins. Point de vue personnel de Franck Guillory.

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« Never in the field of human conflict was so much owed by so many to so few »

Winston Churchill, 20 Août 1940, à Londres, Chambre des communes

Certes, le sort des sept milliards d’entre nous ne dépendra pas exclusivement du maitre du monde n°1 et du maitre du monde n°2 – l’un à l’Ouest, l’autre à l’Est.

Certes, dans un monde désormais multipolaire, polycentrique, bien d’autres que ces deux-là, l’Américain et le Chinois, pourraient – et pourront – d’un claquement de doigt plonger l’Humanité dans le chaos… on pense au Russe, à l’Israélien et à l’Iranien (qui, d’ailleurs, eux aussi, devraient, dans les prochains mois, changer de tête), à l’Indien et au Pakistanais, à quelques autres encore…

Mais, il n’en reste pas moins que ce qui se passe, cette semaine, à Pékin et on n’est pas encore trop certain de où, entre New York et Los Angeles, Miami et Chicago, est d’une importance considérable. Ne nous y méprenons pas…

2270 nomenklaturistes à Pékin

À l’Est, pas de suspense… La Chine s’est éveillée, largement inchangée. Ainsi, si le talent des Chinois pour la copie n’est plus à démontrer, nous savons depuis 65 ans ce que cache leur version de la « démocratie » – fut-elle affublée du sobriquet de « populaire ». Que Mao débarque d’outre-tombe cette semaine, dans la salle immense du congrès, face au praesidium du Parti communiste chinois, et il pourrait avoir l’illusion que rien, rien du tout, n’a changé dans son « meilleur des mondes »… 

Depuis près d’un an déjà, nous connaissons le leader du prochain « grand bond en avant », l’incarnation de la cinquième génération de « timonier » depuis 1947,  c’est un « prince rouge » – un fils de… hiérarque du Parti -, son nom est Xi, Xi Jinping.

Jeudi 8 novembre, il sera « élu » – « intronisé » dans ses nouvelles fonctions – par les 2270 membres du « soviet suprême ». Un milliard et demi de petits Chinois, 2270 électeurs et – dans la réalité – une petite poignée de puissants fortement divisés qui, sauvagement mais discrètement, se sont affrontés sur des lignes – ne nous y trompons pas – radicalement différentes quant à l’avenir du communisme à la Chinoise, les formes de sa dictature ou, encore, son approche du vaste monde…

Effrayant que d’imaginer le sort du monde dans les mains de quelques nomenklaturistes aujourd’hui, comme il y a trente ans du côté de Moscou. Pour paraphraser Sting, espérons que les Chinois aiment aussi leurs enfants…

Une poignée d’électeurs du MidWest

À l’Ouest, dans le grand Ouest, ce mardi 6 novembre, on vote – enfin, ils votent ( car, ne nous en déplaise, nous, Français, n’avons pas voix au chapitre…) – par dizaines de millions ( 215 millions d’électeurs pour être précis – mais un peu moins de 100 millions devraient s’exprimer… ). Ils votent, pour de vrai, dans un grand et bel exercice de démocratie, selon un modèle vieux de plus de deux siècles : un homme – une femme, chabada-bada… – et une voix !

Deux principaux candidats – plus quelques « petits » pour parfaire le dispositif – et, à la fin, celui qui a le plus de voix – même juste une voix – l’emporte… Pourtant, à ce jeu, il n’apparait pas impossible qu’il ne revienne qu’à une poignée d’électeurs du « middle West », de l’Ohio par exemple – comme à 557 électeurs de Floride (ou juste une centaine même, dit-on, si tous les recomptages avaient été menés à terme) en 2000 – de désigner, à eux seuls, le vainqueur de l’élection et, en l’occurrence le prochain président des États-Unis, maître du monde n°1.

À vrai dire – et tant pis si c’est prendre le risque d’être taxé d’un certain anti-américanisme primaire -, la perspective de voir une poignée d’électeurs de l’Ohio, de Virginie ou de l’Iowa, décider, seuls, de l’identité de celui qui, de Mitt Romney ou Barack Obama, occupera le bureau ovale pendant quatre ans et sera en communication directe via « téléphone rouge » avec Xi Jinping et quelques autres, n’est pas forcément des plus rassurantes.

Les défauts de Barack Obama par défaut…

À titre personnel, ce mardi, je souhaite vivement la victoire de Barack Obama.

En 2008, relativement insensible à l’Obamania environnante, j’aurais, pour tout vous dire, préféré que « Barack » ne devienne, pour quatre ans au moins, le vice-président de la présidente Hillary Clinton… et, depuis, sa présidence, largement inaboutie – au-delà même des effets de la crise mondiale – ne me donne que peu de raisons de m’enthousiasmer davantage – et certainement pas au point de lui donner les yeux fermés un blanc-seing.

Pourtant, le choix, dans le cadre d’une élection, est parfois un choix par défaut. J’estime – même si cela n’a aucune importance – que nous, la France, l’Europe, le monde, aurions davantage à nous soucier, voire à craindre, d’une élection de Mitt Romney et de l’arrivée au pouvoir avec lui des dangereux bigots qui constituent, de nos jours, – on ne peut que le déplorer – la majorité du parti républicain américain.

Le signe des époques troublées

Que le choix de tant d’électeurs, aux États-Unis comme ailleurs, puisse être, comme le mien (même s’il ne compte pas), un choix par défaut, c’est le signe des époques troublées, où il est plus facile de se séparer que de se rapprocher, de se déchirer pour des futilités que de s’unir sur l’essentiel, de reculer que de progresser.

Futile incantation. Espérons donc que, ce mardi 6 novembre, en Ohio, en Virginie, dans l’Iowa ou encore en Floride, ils seront une poignée de plus à faire le meilleur des choix insatisfaisants.

Espérons aussi que, d’ici peu, et dans quatre ans aux États-Unis, la politique aura repris son souffle et que, ces prochaines fois, les choix cesseront de se faire par défaut. Des votes d’adhésion, raisonnés et lucides, modérés et inclusifs, ce sont les conditions sine qua non pour un renouvellement authentique – et la préservation – de l’exercice démocratique, de la démocratie tout court et d’un gouvernement éclairé.

Au moins, les Chinois, eux, n’ont pas ce genre de soucis…

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