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La participation gouvernementale, un piège pour les Verts?

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Cet épisode n’a rien d’anecdotique dans la mesure où il soulève au moins une question dont les réponses sont loin d’être sans conséquences : à quoi joue EELV, quel est le positionnement politique des écologistes français ?

Le pire défaut des écologistes, c’est Jean-Vincent Placé

Avant d’aller plus loin, il convient, tout de même, de nuancer l’importance des propos tenus par le sénateur de l’Essonne, président du groupe écologiste au Sénat… L’importance des propos et, au-delà, la crédibilité de sa parole.

C’est de notoriété publique, l’ego de Jean-Vincent Placé est largement surdimensionné. Chez ses camarades de parti, on sourit – de plus en plus ouvertement – de ses tics de langage… Il commencerait toujours ses phrases par « les écologistes pensent… » avant de délivrer son opinion personnelle. C’est exactement ce qu’il a fait ce vendredi : « Nous nous posons la question » puis « je suis moi-même de plus en plus perplexe quant à cette participation gouvernementale ».

Placé mais pas gagnant

 Comme elle est triste, comme elle en dit long cette seule dernière phrase. Il est aussi de notoriété publique que Jean-Vincent Placé se rêvait ministre et pas ministre de n’importe quoi – logement ou coopération internationale – mais Ministre de l’In-té-rieur ! Il y pensait en se rasant, il l’avait fait savoir. Peut-être serions-nous donc autorisés à voir dans la déclaration du « ex-futur-ministre » un peu d’aigreur, de ressentiment… Nul doute qu’il ne se poserait pas dans les mêmes termes la question de savoir ce qu’il fait au gouvernement s’il y était.

Humain, trop humain… et quand l’homme s’ennuie, il fait la guerre ou prive le gouvernement de Jean-Marc Ayrault de majorité au Sénat, juste pour donner l’impression d’exister, de compter.

Des alliés structurellement peu fiables

Au-delà, du cas personnel de Jean-Vincent Placé, il convient d’admettre que les écologistes pourraient légitimement se poser la question de leur participation gouvernementale.

De n’importe quel autre parti ou mouvement, on répondrait que la question a déjà été posée et que la réponse a été donnée à plusieurs reprises, à l’automne 2011 d’abord lorsqu’un accord électoral garantissant un groupe à l’Assemblée a été signé avec le parti socialiste de Martine Aubry puis aux lendemains de l’élection présidentielle quand Cécile Duflot et Pascal Canfin ont accepté – au nom des leurs de s’asseoir à la table du conseil des Ministres.

Mais, Europe Ecologie – Les Verts n’est pas un parti comme les autres. Son mode de fonctionnement est souvent erratique et les penchants libertaires d’une partie de ses responsables est source d’une certaine anarchie ou, en tout cas, instabilité – pour ne pas écrire inconsistance. Pour cela, les Verts ne sont pas les alliés les plus fiables. Bien des maires socialistes en ont fait l’expérience au cours des vingt dernières années, Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes, le redécouvre à Matignon.

Une question de stratégie légitime…

Ceci dit, on peut aisément imaginer que certains écologistes viennent à regretter – ou regrettent depuis le début – le choix d’une participation gouvernementale. Etre l’allié fidèle – sans même aller jusqu’à docile – du président de la République, faire partie de sa majorité présidentielle, voilà qui rend les écologistes co-responsables des résultats obtenus par les socialistes et les place de fait dans une position en partie comparable à celle du Parti radical de gauche, satellite officiel – et grassement récompensé – du PS.

Certains écologistes estiment que ce n’est pas dans l’intérêt de leur mouvement. Certains, parmi eux – et notamment Jean-Vincent Placé -, sont convaincus que les écologistes ont une vocation majoritaire ou qu’en tout cas ils peuvent rapidement faire jeu égal avec les socialistes. Et, pour cela, il convient de se démarquer.

D’autres souhaitent tout simplement – et légitimement – se démarquer d’une politique gouvernementale à laquelle ils ne souscrivent pas.

Les écologistes lorgnent vers la gauche de la gauche

La claque de l’élection présidentielle – les 3% d’Eva Joly – a été d’autant plus douloureuse que, dans le même temps, Jean-Luc Mélenchon, à la tête du Front de Gauche, réalisait un inattendu 11,1%. La faute à leur mauvais choix de candidat mais aussi à leur positionnement flou sur un très grand nombre de questions économiques et sociales.

Par nature, et à la différence de leurs collègues allemands, les Verts français sont bien plus franchement issus d’une culture très à gauche. L’illusion portée par Daniel Cohn-Bendit d’un Europe Ecologie-Les Verts ailleurs, à l’extrême-centre et compatible avec le Modem, a vécu.

Or, dans le même temps, certains signent laissent à penser qu’un nouvel espace politique est en passe de se libérer à la gauche de la gauche, sous les effets de la crise, presque partout en Europe. Certains verts pourraient être tentés d’aller y concurrencer le Front de Gauche, voire – à terme – de rejoindre ce Front contestataire, une gauche radicale et écologiste. La perspective des élections locales de 2014 – qui détermineront la manière dont ils aborderont les négociations pour 2017 – devraient rendre encore plus prégnant ce débat.

Voilà qui pourrait justifier une sortie prématurée du gouvernement ou  qui aurait, tout simplement, pu justifier de ne pas y rentrer.

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