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La rénovation de la vie publique française selon Lionel Jospin

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Le rapport sur la rénovation et la déontologie de la vie publique préconise entre autres une dose de 10 % de proportionnelle, s’agissant de l’élection des 577 députés. Si les propositions de la commission présidée par l’ancien Premier ministre Lionel Jospin sont suivies par le gouvernement, la France changerait de mode de scrutin, quant aux élections législatives. Les circonscriptions seraient donc redécoupées, il n’y en aurait plus que 520. On voterait pour deux candidats aux législatives, un dans sa circonscription et un sur la liste nationale. Toutes ces préconisations, que le gouvernement n’est pas obligée d’adopter dans leur totalité, feraient l’objet d’un projet de loi annoncé pour janvier prochain.

Manque d’audace et de clarification

Pour Hervé Gategno, cela n’a rien d’évident dans la mesure où les 57 députés en question seraient élus sur des listes nationales présentées par les partis politiques. Ainsi les candidats seraient-ils choisis en fonction de calculs internes et d’accords d’appareils. Le journaliste du Point y voit une astuce pour placer les glorieux battus des scrutins précédents – en l’occurrence une Ségolène Royal, un François Bayrou, un Jean-Luc Mélenchon, une Marine Le Pen… – et non un facteur de renouvellement !

D’aucuns déplorent le manque de clarification concernant la réduction du nombre de parlementaires et leurs avantages fiscaux, ainsi que la prévention des conflits d’intérêt. Cela concernerait une soixantaine de députés. Une certaine polémique se focalise aussi sur la perspective de pérenniser la présence du Front national sur les bancs de l’Assemblée nationale.

Force est de constater que la commission présidée par Lionel Jospin n’a pas abordé les modes de scrutin dans leur diversité. Il aurait été judicieux de s’épancher également sur les élections cantonales, municipales, sénatoriales et européennes.

Réforme électorale et alliances[1]

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Jean Jaurès prédisait que la révolution serait « l’aboutissement d’un travail de réformes et de transformations incessant […] ». Les socialistes et leurs alliés doivent donc préconiser un ensemble de réformes irréversibles, indispensables pour garder la confiance populaire. Rappelons que tout parti politique ne redevient plus qu’une faction quand il ne remplit plus son rôle, en particulier lorsqu’il fait objectivement prédominer son caractère de « partie » sur sa vocation à exprimer une conception de l’intérêt collectif. Voilà pourquoi les socialistes doivent réfléchir à une réforme électorale faisant la synthèse entre l’élection individuelle pure de députés issus d’un parti de notables, et l’élection proportionnelle pure de députés issue d’un parti de masse.

Notons que, en France, il manque encore une loi fondamentale, comme en Allemagne[2], relative à la légalisation des droits des membres adhérents, à l’existence d’un comité directeur et de commissions de travail au sein des partis politiques, à la formation de la volonté des adhérents dans des organes représentatifs, aux sanctions éventuelles érigées contre un groupement territorial et au mode de désignation des candidats aux élections. Il sera nécessaire de suppléer à ce manque, maintenant que les socialistes sont revenus au pouvoir. En cas d’officialisation par une loi fondamentale de l’existence des partis politiques, les principes hérités des IIIe et IVe Républiques – et encore en vigueur sous la Ve – selon lesquels, d’après la vigoureuse formule de Georges Berlia, « les représentants de la Nation souveraine sont les représentants de la Nation », devront être abandonnés. Le nouveau projet de loi électorale devra avoir pour objet de concilier les deux méthodes, celle qui donne la prééminence aux élus par un scrutin majoritaire à un tour, et celle qui rend aux partis politiques leurs fonctions principales par la proportionnelle.

Une loi équilibrée

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Les lois électorales de la République française ne peuvent plus être modifiées chaque fois que la majorité législative change. Aux élections législatives de 1981, l’Assemblée nationale fut élue au scrutin uninominal à deux tours, alors qu’en 1986 elle le fut au scrutin proportionnel, qu’en 1998, elle fut élue à nouveau au scrutin uninominal majoritaire à deux tours ainsi qu’aux élections législatives de mars 1993 et juin 2012. Or, il est indispensable de se rappeler la distorsion fondamentale issue de la méthode d’élection à l’Assemblée à partir de 1993.

Pour revenir à une loi équilibrée, faisant appel à la fois au scrutin majoritaire et au scrutin proportionnel, il faut éviter la valse des changements des lois électorales en fonction de la couleur des alliances nouvelles. Il faut que les lois électorales figurent dans la Constitution. Celle-ci étant la Loi fondamentale établissant le fonctionnement de la République, il est normal d’y intégrer les lois électorales qui jouent aussi un rôle fondamental dans ce cadre. La réforme qui devra être entreprise ne devra guère s’apparenter au simple vote d’une loi, mais être l’approbation de celle-ci par référendum en vue de son inscription dans la Constitution.

Les autres élections, au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, seraient les élections sénatoriales qui auraient lieu désormais au suffrage universel par tiers tous les ans. Les circonscriptions sénatoriales seraient découpées en fonction des circonscriptions législatives. La durée du mandat sénatorial serait de neuf ans, mais non renouvelable. Les circonscriptions sénatoriales devraient être élaborées de façon à comporter un nombre d’électeurs à peu près constant, environ 130 000 électeurs par circonscription, à 20 % près. Le découpage des circonscriptions sénatoriales serait effectué de manière à ne pas favoriser particulièrement les campagnes au détriment des villes, comme c’est le cas aujourd’hui, alors qu’il y a de moins en moins de paysans[3].

Un scrutin électoral mixte

Aux élections législatives, le meilleur scrutin électoral serait mixte : à la fois un scrutin majoritaire au premier tour et proportionnel au second tour. Bien sûr, on maintiendrait le découpage des circonscriptions électorales de sorte que chaque circonscription comporte un nombre égal d’électeurs à 10 % près, environ 65 000 habitants, compte tenu du total d’électeurs de 18 ans et plus inscrits sur les listes électorales, ainsi que du nombre total de députés (577). Le  découpage de ces circonscriptions est important dans le cadre des élections législatives, car l’Assemblée nationale, qui est la Chambre principale du Parlement, doit être composée de députés ayant une implantation territoriale. C’est elle qui vote les lois, les adopte en seconde lecture, oriente la politique du gouvernement et peut le censurer. Ses pouvoirs sont donc considérables, et, de ce fait, la justice en matière de répartition des voix du corps électoral entre tous les députés y est essentielle.

Il y aurait 2 députés pour 1 sénateur. C’est pourquoi les découpages de circonscriptions sénatoriales et législatives seraient géographiquement inscrits l’un dans l’autre. Dans chaque département, chaque parti présenterait une liste du nombre de députés prévu pour le département, chaque député correspondant à une circonscription déterminée.

Ainsi, dans toutes les lois électorales liées à ces scrutins, et, à part les élections européennes qui resteraient intégralement à la proportionnelle à un seul tour, toutes les élections seraient des élections à deux tour, avec, pour les élections législatives, municipales et régionales, un scrutin de listes majoritaire au premier tour et proportionnel au second. Les deux systèmes seraient ainsi combinés pour chaque élection et permettraient d’introduire une dose suffisante de proportionnelle pour éviter les excès du scrutin majoritaire dans chacune des assemblées municipales, régionales et législatives.



[1] Pour plus de précisions, lire Un nouvel élan socialiste.

[2] Allusion à la loi votée le 24 juillet 1967.

[3] 6 % de la population active contre 36 % en 1945.

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