Site icon La Revue Internationale

Le monde peut-il vaincre la polio?

[image:1,l]

Les autorités sanitaires mettent en garde contre une propagation de la maladie

Aux États-Unis, le douloureux souvenir de la polio est encore bien présent chez de nombreuses personnes. Au Nigeria, la maladie est partout. Le mot nigérian pour dire « personne infirme » est d’ailleurs un synonyme de polio. C’est dire.

Alors que le monde célèbre la quasi-disparition de la maladie, les autorités sanitaires mettent en garde contre une hausse de cas de polio au Nigeria en 2012, risquant d’entraîner une recrudescence de la maladie dans d’autres pays.

« Si nous ne nous mobilisons pas rapidement, la polio se propagera et il y aura de très nombreux cas », a déclaré Frank Mahoney, médecin-hygiéniste à propos du retour de la poliomyélite au Center for Disease Control.

Sur le marché d’Abuja, capitale du Nigeria, Omar Mahmoud, une victime de la poliomyélite, se déplace grâce à planche à roulettes de fortune. Le jeune homme de 20 ans fait la manche afin de pouvoir s’acheter de quoi manger et, peut-être un jour, se payer des frais de scolarité« Si un jour quelqu’un acceptais de m’aider, je pourrais continuer mes études », confie-t-il à GlobalPost

Une lueur d’espoir dans la lutte contre la polio

Nous sommes à la fin du mois d’octobre et, au même moment à New York, le milliardaire philanthrope Bill Gates appelle les dirigeants mondiaux à renouveler leur engagement pour éradiquer la polio. Avec 2 milliards de dollars, dit-il, la maladie pourrait faire partie du passé dans quelques années« Dans deux ou trois ans, plus aucun enfant ne souffrira de cette maladie », espère-t-il. 

Depuis l’appel de Bill Gates, les dons consacrés à la lutte contre la poliomyélite ont augmenté. Le président nigérian Jonathan Goodluck a quant à lui promis que son administration ferait tout ce qu’elle pourrait pour anéantir la maladie. Cependant, le groupe d’aide Rotary International affirme que le déficit pour financer la lutte contre le virus est trop important.

Quatre-vingt-neuf nouveaux cas de poliomyélite ont été signalés au Nigeria en 2012 – c’est plus que le nombre total de personnes recensées dans le reste du monde, selon The Global Polio Eradication Initiative. L‘Afghanistan, le Pakistan et le Tchad ont également signalé des cas de polio cette année, mais le chiffre reste tout de même inférieur à celui de 2011

La méfiance des populations envers les programmes de vaccination

Cette maladie peut entraîner une paralysie du corps, mais peut-être évitée grâce à un vaccin. « Certaines personnes n’acceptent toujours pas de se faire vacciner », explique Tashikalmah Hallah, un porte-parole du ministre de la Santé. 

C’est dans le nord du Nigeria, une région essentiellement musulmane, que la majorité des victimes de la polio se trouve. Les familles refusent souvent de faire vacciner leurs enfants, car elles pensent que le processus est dangereux, et ont entendu dire qu’il s’agissait d’un éventuel complot des chrétiens et de l’Occident pour tuer les musulmans

« Lorsque les résidents locaux entendent l’équipe de soins arriver, ils cachent leurs bébés pour éviter qu’ils ne soient vaccinés », explique John Campbell, chercheur au Council on Foreign Relations et ancien ambassadeur américain au Nigeria. Cette peur du vaccin dans cette région musulmane du nord du pays est également entretenue par l’intervention d’un groupe local islamiste, surnommé « Boko Haram » (dont le nom veut dire « l’éducation occidentale est un péché »). Au cours des trois dernières années, ce groupe violent a attaqué des églises, des écoles, certains organes de presse, des bâtiments publics ainsi que le siège local de l’ONU

Tashikalmah Hallah a assuré que le gouvernement travaillerait avec les dirigeants locaux pour tenter d’expliquer aux autres communautés que les vaccinations ne peuvent pas nuire aux enfants. « Grâce à l’aide des chefs traditionnels ainsi que des leaders religieux au sein des communautés », cette méfiance envers la vaccination devrait progressivement s’estomper.

Les facteurs de la recrudescence de la polio

Mahoney travaille au centre de contrôle des maladies. Selon lui, les menaces contre les travailleurs de la santé et la difficulté d’atteindre des régions éloignées, sont les principaux facteurs de la hausse de la polio au Nigeria. En outre, les communautés nomades sont susceptibles de traverser les frontières et de propager cette maladie infectieuse.

Sur le marché, deux amis d’Omar Mahmoud racontent leurs propres luttes contre la polio. Mohammad Shehu explique qu’on lui a diagnostiqué la maladie à l’âge de 4 ans. Depuis, il est obligé de se déplacer sur une planche en bois à roulettes avec des tongs en plastique sur les mains. Bilani Shehu se trouve un peu plus loin, une jambe mal en point, une béquille à la main.  

À quelques mètres de là, Mohammad Aliyu vend des cartes de téléphone prépayées à bord d’un tricycle en métal qu’il construit lui-même. Lorsqu’il entend l’appel à la prière dans une mosquée, Mohammad se place sur une autre planche de bois à roulettes et fait rouler l’engin pour aller prier. « J’ai vécu dix ans dans ce monde avant de devenir malade », dit-il. « Qui sais, je vivrais peut-être encore trente ans dans cet état-là ».

Quitter la version mobile