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Les Américains à l’heure du choix: pour qui vote «The Economist»?

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The Economist – sans doute LE magazine économique de référence à travers le monde – a pris l’habitude de donner son avis avant chaque élection importante à travers le monde, et en particulier tous les quatre ans à l’occasion de l’élection présidentielle américaine.

Quel est l’impact de cette prise de position ? Probablement négligeable dans l’ensemble, mais pas sans effet – on peut l’imaginer – sur le jugement et les réactions des milieux d’affairesa fortiori ceux étrangers à l’élection qui se joue, mais nécessairement concernés.

Un rappel et un constat

L’article s’ouvre sur une attaque franche et directe – potentiellement fatale – du président Barack Obama : The Economist, il y a quatre ans, avait appelé à voter pour Barack Obama« with enthusiasm » (« avec enthousiasme ») rappelle le magazine, et comme « des millions d’électeurs » -, l’enthousiasme à l’égard  du sortant démocrate s’est largement estompé.

« Le choix qui se présente au pays le plus puissant du monde est bien plus difficile qu’il y a quatre ans », tel est le constat porté par la rédaction du magazine londonien. Le regard porté sur la campagne n’est pas plus favorable et la faute en revient plus spécifiquement à Barack Obama – « L’homme qui avait su incarner l’espoir sur un projet centriste, raisonnable, a atteint le fond en lançant d’implacables attaques contre Mitt Romney avant même que n’ait eu lieu la première primaire républicaine ».

Pourtant, malgré cela, The Economist appelle ses lecteurs à ne pas perdre de vue les enjeux de toute élection majeure : le président sortant a-t-il été un bon président, notamment en matière d’économie et de politique étrangère ? L’Amérique peut-elle compter sur Mitt Romney pour faire mieux ?

Un premier mandat Obama au bilan contrasté

The Economist reprend, à sa manière, la formule avec laquelle le vice-président Joe Biden résume le premier mandat de Barack Obama : le sauvetage de General Motors et Chrysler, la mort de Ben Laden.

Ainsi, en économie, si Barack Obama n’a pas réussi de miracles, il est parvenu à faire en sorte que le scénario du pire ne se produise pas : « Il a aidé à éviter une dépression ». Dont acte.

En politique étrangère, il conviendrait de porter à son crédit le rééquilibrage de la « War on terror » de son prédécesseur, désormais davantage une guerre contre les terroristes qu’un conflit quasi-total et hors de contrôle. Il a aussi réussi un réajustement dont les effets ne sont que sur le point de se faire sentir : la prise en compte d’un rééquilibrage des centres de puissance à l’échelle mondiale et la réorientation de la diplomatie américaine vers l’Asie et la Chine – au détriment de l’Europe, en premier lieu.

The Economist salue aussi la réforme du système de santé : « Même pour un journal sans goût particulier pour un État tentaculaire et hyper interventionniste, le fait que 40 millions de personnes ne disposaient d’aucune couverture médicale était scandaleux ».

Un républicain pragmatique aurait pu disposer d’un vaste espace politique

Au-delà du fond, The Economist se montre critique à l’égard de la forme… Le positionnement politique très « à gauche » de la Maison Blanche et son manque d’ouverture vis-à-vis de l’opposition – « Sur les 104 parcours de golf effectués par Barack Obama depuis sa prise de fonction, un seul fut avec un membre républicain du Congrès ». Le magazine dépeint un Barack Obama quelque peu sectaire ou doctrinaire, peu enclin à s’appuyer sur sa stature présidentielle pour s’élever au-dessus des partis.

Dans ces conditions, un candidat républicain centriste – modéré –, mais surtout pragmatique, aurait eu une jolie carte à  jouer. Pour The Economist, Mitt Romney aurait pu être ce républicain de choix, capable de rétablir les comptes du pays et de réformer l’administration fédérale : « Un tel candidat est brièvement apparu sur les écrans de télévision durant le premier débat présidentiel. Ce journal appellerait à voter pour ce Romney. Tout comme il appellerait à voter pour le Romney qui a gouverné le Massachusetts à la tête d’une alliance bipartisane (introduisant, avant les autres, une réforme proche de l’Obamacare). »

L’insaisissable Mitt Romney

« Le problème, c’est qu’il y a plusieurs Mitt Romney et, les uns après les autres, ils ont pris des engagements périlleux », lancent The Economist. Ainsi, en politique étrangère, son ton belliqueux rappelle George W. Bush et pourrait laisser craindre un comportement bien aventureux vis-à-vis, notamment, de l’Iran – qu’il s’annonce prêt à bombarder. En matière économique, ses baisses fiscales et ses hausses des dépenses militaires sont incompatibles, sauf à creuser considérablement le déficit public…

Le principal handicap de Mitt Romney reste, pour The Economist, l’extrémisme croissant du parti républicain, « un parti de Torquemadas, forçant ses représentants à s’engager à ne jamais augmenter les impôts, à renvoyer le président de la Federal Reserve… ». L’attelage qu’il forme avec le très conservateur Paul Ryan ne saurait suffire à rassurer les plus radicaux de ses supporters – et surtout ne saurait le dispenser de satisfaire leurs revendications.

Conclusion : mieux vaut éviter l’inconnu

Le verdict est peu enthousiasmant : le journal reconnait que nombreux sont ses lecteurs qui pourraient considérer quatre années supplémentaires avec Barack Obama comme le pire des scénarios mais, pourtant, il les enjoint à ne pas se laisser tenter par une aventure Mitt Romney, pleine d’incertitude – « Le programme économique de Mitt Romney ne fonctionne que si vous ne croyez pas à l’essentiel de ses promesses ».

« So this newspaper would stick with the devil it knows, and re-elect him » – « Ce journal va conserver son soutien au diablotin qu’il connait déjà, et le réélire ».

The Economist appelle à voter Barack Obama.

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