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Les défis du Timor-Oriental après dix ans d’indépendance

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Cette année a été vibrante pour le Timor oriental, l’un des pays les plus petits et les plus pauvres du monde, et de nombreuses étapes ont été franchies.

Dixième anniversaire de l’indépendance pour les Timorais

Les élections législatives de juillet dernier se sont déroulées sans incident, ce qui signifie que l’Organisation des Nations unies, dont la présence est très visible dans le pays, pourrait retirer ses troupes avant la fin de l’année.

Ce processus est intervenu à la suite d’une élection présidentielle qui s’est tenue en mars et en avril derniers, ainsi que du 10ème anniversaire de l’indépendance de l’île, le 20 mai dernier. Juste après minuit, ce jour-là, en périphérie de la capitale, Dili, le nouveau président Taur Matan Ruak a prêté serment devant des dizaines de milliers de Timorais et de nombreux dignitaires, dont le président indonésien Banban Suslio Yudyohono.

J’étais aussi dans la foule, et bien que l’atmosphère ait été relativement calme, l’enthousiasme des Timorais pour leur liberté et leur démocratie était vivant.

Après la domination portugaise et indonésienne

La colonisation portugaise a pris fin en 1975, mais cette année-là, quelques semaines plus tard, la puissante Indonésie voisine a envahi l’île, prétextant une lutte contre l’invasion du communisme, soutenue par les États-Unis. Une sanglante guérilla s’en est suivie, se terminant en 2002, avec l’indépendance du pays.

En rentrant chez moi après cette cérémonie du 10ème anniversaire, je me suis perdu dans la ville. Après avoir erré quelques heures, je vois quelqu’un me faire signe depuis la vitre de sa voiture. Le chauffeur me propose de monter, je grimpe à l’arrière et commence à discuter avec lui. Un homme agréable qui porte le nom de Juvencio et travaille au ministère des Affaires étrangères. Il parle bien anglais et doit approcher de la quarantaine.

Juvencio me raconte alors qu’une de ses grands-mères a vécu en Angleterre. Intrigué par son histoire, je lui demande de me parler d’elle. Il ne s’agit en fait pas de sa vraie grand-mère, m’explique-t-il, mais d’une activiste pacifiste qui lui a écrit pendant les sept années qu’il a passées en prison pour son action dans des mouvements de résistance. Une fois libéré, cette grand-mère adoptive l’a invité au Royaume-Uni mais il n’a pas pu obtenir un visa. Il s’est alors envolé vers Dublin afin de la rencontrer en Irlande. Elle est morte aujourd’hui, mais il parle d’elle avec beaucoup de chaleur. Son affection pour elle est aussi vive que son enthousiasme pour l’amélioration du sort des habitants de Dili, son unique objectif désormais.

Il m’a raccompagné à mon hôtel et m’a serré la main à travers sa vitre. Je n’ai même pas eu le temps de voir son visage en entier. Mais j’ai souvent pensé à Juvencio depuis cette nuit-là, car il symbolise pour moi, toute la tragédie et l’espoir du Timor Oriental.

Une difficile reconstruction

La tâche de la reconstruction, après des décennies de conflit, a été facilitée par les grandes réserves de pétrole et de gaz du pays. Pourtant, près de la moitié de la population vit encore dans la misère et la corruption est très répandue.

La violence politique est également une triste conséquence de l’indépendance. De violents troubles sont survenus en 2006 et plusieurs tentatives d’assassinat du Président et du Premier ministre ont été évitées durant le coup d’État de 2008. La mission intégrée des Nations unies au Timor-Oriental, forte d’environ 3000 militaires, policiers et personnels civils, a été déployée pour maintenir l’ordre à la suite de la crise de 2006, qui a fait des dizaines de milliers de déplacés. Un contingent fort de 450 Australiens et Néo-zélandais a également été déployé pour le maintien de la paix.

« Nous nous sommes battus pour notre pays et nous l’avons eu. Maintenant, nous devons nous battre pour accomplir notre indépendance, et cette tâche n’est pas facile », explique Zesophol Caminha, journaliste timorais et ancien guérillero, un ancien camarade de Juvencio, vivant désormais aux États-Unis.

Un pays en plein développement

« La majorité des Timorais, spécialement dans les quartiers, manquent toujours d’eau et d’accès aux services de santé de base. Les questions de développement sont également remises en cause par les inégalités qui existent à plusieurs niveaux – entre les hommes et les femmes, entre les zones urbaines et rurales, entre les différentes orientations politiques, entre les riches et les pauvres. Cela peut contribuer à l’instabilité future et perpétue la violence qui se développe entre les différentes communautés. »

Pourtant, il y a de bonnes raisons d’espérer que de jours meilleurs soient à venir. Le pays possède l’une des économies les plus dynamiques de la région Asie-Pacifique, et épargne pour l’avenir grâce à ses revenus en pétrole et en gaz dans son fonds souverain qui atteint désormais 10,5 milliards de dollars. Environ 75% des enfants vont à l’école primaire, une augmentation significative depuis dix ans.

L’ONU doit désormais partir

Les cinq dernières années ont été plutôt stables, et Zesophol Caminha estime désormais qu’il est temps pour l’ONU de partir.

« Je pense qu’il est important de nous donner l’opportunité de construire notre propre pays maintenant », explique-t-il. « Je sais que construire une nation et unir tous les gens qui ont été longtemps opprimés par les envahisseurs n’est pas facile. Cela nécessite beaucoup d’énergie, beaucoup de travail afin de réaliser notre rêve d’être un pays libre. Nous avons retrouvé notre indépendance il y a dix ans. Comme un enfant, nous avons grandi. Je pense que si tous les Timorais travaillent main dans la main, et laissent leurs différences derrière, nous pourrons construite un Timor-Oriental prospère pour nous et pour les générations futures. »

Mark Fenn est un journaliste britannique actuellement basé à Singapour. Il a vécu en Asie du Sud et écrit sur de nombreux sujets régionaux depuis près de dix ans.

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press 

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