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Les observateurs internationaux agacent certains États américains

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« Si Obama est réélu, nous deviendrons de plus en plus un seul monde », a déclaré Bonnie Re, un membre du personnel électoral de la ville de Boca Raton, au sud-est de la Floride.

Cette perspective n’a pas réjoui la coprésidente de la section Boca Raton du Romney Express, un organisme voué à aider l’ancien gouverneur du Massachusetts à devenir président des États-Unis.

« L’Amérique est spéciale », a-t-elle souligné, « et n’a pas besoin d’interagir avec d’autres pays sur la base de l’égalité ». Elle a encore du mal à digérer ce que Barack Obama a fait : « Il a appelé des observateurs électoraux de l’ONU. Vous imaginez ? »

Les observateurs internationaux, présents depuis 2002 dans les bureaux de vote

Il n’est pas du tout difficile d’imaginer des observateurs internationaux présents dans des bureaux de vote aux États-Unis. En fait, ils ont été là à chaque élection depuis 2002, ce qui signifie que c’était sous la présidence d’un républicain – George W. Bush, pour être exact – que la pratique a commencé.

Mais ce ne sont pas les Nations unies meurtries et ruinées qui les envoient. C’est l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), un organisme dont les États-Unis sont l’un des membres fondateurs. Les États-Unis envoient régulièrement des observateurs pour les élections des autres pays – y compris dans des points politiques névralgiques tels que la France, le Royaume-Uni et le Canada.

Le Texas et l’Iowa menacent de sanctionner les observateurs électoraux

Les États-Unis sont une fédération, ce qui signifie que chaque État a une large autonomie. Et au moins deux de ces États – le Texas et l’Iowa – ne veulent pas avoir affaire aux étrangers qui « interfèrent dans le processus électoral ».

Le secrétaire d’État du Texas, Gregg Abbott, a envoyé une lettre bien sentie à l’ambassadeur de l’OSCE, Daan Everts, le 23 octobre, dans laquelle il a clairement pris position :

« Les élections et les observateurs électoraux sont régis par la loi de l’État », écrit-il. « Les représentants de l’OSCE ne sont pas autorisés par la loi du Texas à entrer dans un bureau de vote. Il peut s’agir d’un acte criminel pour les représentants de l’OSCE à maintenir une présence à moins de 100 mètres de l’entrée du lieu de scrutin. Le défaut de se conformer à ces exigences pourrait soumettre des représentants de l’OSCE à des poursuites pénales. » 

Le gouverneur de ce grand État qu’est le Texas a-t-il freiné son secrétaire d’État au sang chaud ?

Au contraire. Le gouverneur du Texas, Rick Perry, lui-même un ancien concurrent présidentiel, a rapidement posté un tweet dans lequel il applaudit de bon cœur les mesures prises par son secrétaire d’État : « Aucun observateur/inspecteur de l’ONU ne fera partie du processus électoral du Texas ; je félicite @TXsecofstate pour ses mesures prises rapidement pour clarifier la situation », écrit-il sur Twitter.

Et maintenant, l’Iowa lui emboîte le pas. Mardi 30 octobre, le secrétaire d’État de l’Iowa, Matt Schultz, a publié une déclaration disant que les fonctionnaires électoraux étaient habilités par la loi à arrêter les personnes non autorisées sur les lieux de vote.

Ceci, a-t-il précisé, s’applique aussi aux représentants de l’OSCE : « Le droit en Iowa est très précis sur qui est autorisé ou non à accéder aux bureaux de vote, et il n’y a pas d’exception pour les membres de ce groupe », écrit Schultz.

L’OSCE riposte face aux menaces

L’OSCE, inutile de le dire, ne se réjouit pas de cette actuelle menace. « La menace de sanctions pénales à l’encontre des observateurs de l’OSCE et du BIDDH [Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme] est inacceptable », a déploré Janez Lenarcic, directeur du BIDDH à l’OSCE. « Les États-Unis, comme tous les pays de l’OSCE, ont l’obligation d’inviter les observateurs du BIDDH à venir observer les élections ».

Certains se demandent pourquoi la question provoque tant d’agitation – pourquoi les fonctionnaires d’État sont-ils si réticents à autoriser les observateurs étrangers à faire leur travail ?

Abbott est heureux de le préciser. L’OSCE a rencontré des organisations, en particulier Project Vote, dit-il, qui protestent contre les lois d’inscription et d’identification des électeurs qu’ils disent être discriminatoires.

La question a suscité un peu de passion dans cette campagne électorale.

Empêcher la fraude électorale ou priver les électeurs de leurs droits ?

Il y a une école de pensée – appelons-la « républicaine » – qui veut resserrer les exigences d’identification des électeurs pour empêcher la fraude électorale. L’autre école –majoritairement suivie par les démocrates – pense que l’obsession de la fraude électorale est juste un stratagème pour priver de leurs droits civils les électeurs qui pourraient faire basculer l’élection en faveur d’Obama mardi 6 novembre.

Toute la question est brillamment décrite par Jane Mayer dans le dernier numéro du New Yorker, dans un article intitulé Le mythe de l’électeur-fraudeur.

« La grande majorité des législateurs qui ont appuyé la loi d’identification des électeurs étaient républicains. Comme Bill Clinton l’a dit : « Ce n’est pas sorcier. Ils essaient de faire ressembler l’électorat de 2012 davantage à l’électorat de 2010 – quand de nombreuses minorités et de jeunes électeurs étaient restés chez eux – qu’à l’électorat de 2008 ». Clinton a dit que l’effort pour limiter le droit civil des électeurs était « le plus déterminé », depuis que nous nous sommes débarrassés de l’impôt de capitation et de toutes les autres lois Jim Crow sur le vote. » [Les « lois Jim Crow » est le surnom donné à toutes les lois distinguant les citoyens selon leur appartenance « raciale », en vigueur entre 1876 et 1964].

Le Texas s’engage pour restreindre l’enregistrement des électeurs

Le Texas a dû aller devant les tribunaux pour que ses lois d’identification des électeurs soient confirmées, et Abbott ne s’en réjouit pas.

En août, un tribunal fédéral a annulé la loi du Texas, estimant que cela nuirait au taux de participation des électeurs des minorités, et imposerait des « contraintes sévères et impitoyables sur les pauvres », en chargeant ces électeurs qui ne peuvent souvent pas payer les frais de documentation nécessaires pour obtenir des cartes d’identité électorales.

Le Texas a gagné sa bataille contre Project Vote en septembre, quand un tribunal fédéral a confirmé certaines restrictions sur l’enregistrement des électeurs.

« L’OSCE considère les lois d’identification des électeurs comme un obstacle au droit de vote », écrit Abbott. « Mais leur avis n’est juridiquement pas pertinent aux États-Unis. »

57 observateurs de l’OSCE pour l’ensemble du territoire américain

Cynthia Alkon, professeur agrégé de droit à l’université Wesleyan du Texas à Fort Worth, a travaillé avec l’OSCE et a servi d’observateur des élections en Albanie. Dans une tribune publiée dans le Fort Worth Star Telegram, elle réagit aux décisions prises par Abbott. La mission de l’OSCE, fait-elle remarquer, n’est pas grande – seulement 57 observateurs pour l’ensemble des États-Unis.

« Le Texas ne sera pas inondé par des étrangers « interférant » dans chaque bureau de vote », écrit Alkon. « Tout au plus, nous verrons quelques observateurs hautement professionnels et expérimentés qui surveilleront et n’interfèreront en aucune façon dans le processus électoral. »

Et elle ajoute : « Je continue à me demander cependant pourquoi quelqu’un devrait s’inquiéter de la présence de quelques personnes observant une élection. Les démocraties dynamiques ne devraient pas s’inquiéter de la conduite d’élections qui ont lieu « à l’air libre », et que tout le monde peut voir. Si Abbott est, comme il dit, fier des « mesures que le Texas a mises en place pour protéger l’intégrité des élections », il devrait être tout aussi fier de voir que tout le monde peut directement venir observer le processus. »

Global Post / Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

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