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Martine Royo: «Viols de guerre: les Serbes de Bosnie ne peuvent nier»

02.11.2012 par La Rédaction

Dix-sept ans après la fin du conflit en Bosnie, les blessures tardent à se cicatriser. Touchées dans ce qu’elles ont de plus intime, les femmes victimes de crimes sexuels souffrent, le plus souvent en silence, dans l’attente d’une justice au ralenti. Amnesty International dénonce dans un rapport publié mercredi 31 octobre l’attitude des autorités de la Republika Srpska, l’entité serbe de Bosnie. Entretien.

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« Il est temps que la Republika Srpska accorde des réparations aux victimes de viols commis durant la guerre »: Amnesty International estime que les autorités serbes ont le devoir de reconnaître que des crimes sexuels ont été commis à grande échelle durant la guerre de 1992-1995, brisant la vie de milliers de femmes à travers le pays. À l’occasion de la publication d’un rapport sur le sujet, entretien avec Martine Royo, ancienne journaliste économique et coordinatrice des actions d’Amnesty International dans les Balkans. 

JOL Press : Combien de femmes ont été victimes de crimes sexuels au cours de la guerre de Bosnie ?

Martine Royo : Il n’existe pas de chiffres fiables quant au nombre de femmes victimes de crimes sexuels durant le conflit bosniaque. La Bosnie-Herzégovine ne dispose pas d’un système de statistiques.

Par ailleurs, de nombreuses femmes victimes gardent le silence et beaucoup d’autres sont mortes, assassinées par leurs bourreaux. Lorsque vous étiez soumise à un esclavage sexuel, si vous refusiez, si vous vous rebelliez, la sentence était immédiate : une balle dans la nuque.

Il est certain que plusieurs dizaines de milliers de femmes de Bosnie ont été victimes de crimes sexuels au début des années 1990. Combien exactement ? Impossible de le savoir. On évoque des chiffres allant de 20 000 à 60 000. La fourchette basse est sans doute estimée…

Au nom de l’épuration éthnique

JOL Press : La guerre de Bosnie était un conflit ethnique. Y a-t-il eu des victimes de crimes sexuels dans toutes les communautés ?

Martine Royo : Les victimes sont, dans leur très grande majorité, des Bosniaques, des musulmanes conformément à une stratégie politique des Serbes.

Les forces serbes ont violé les femmes musulmanes de manière systématique.

Dans les camps établis par les Serbes, les hommes bosniaques – musulmans, donc – étaient torturés, parfois violés puis tués. Les femmes bosniaques étaient violées, puis obligées de garder les enfants.

Cela traduisait une volonté d’épuration ethnique. L’objectif était de faire des Serbes de bons petits Serbes par tous les moyens.

JOL Press : Ce n’est pas la première fois qu’Amnesty International publie un rapport sur cette question. Le précédent date de 2009. La situation a-t-elle évolué depuis lors ? Constate-t-on une meilleure prise en compte des victimes et de leur droit à des réparations ?

Martine Royo : Il n’y eu au cours des trois dernières années, pour ainsi dire, aucune évolution. À peine si l’on peut admettre une légère amélioration dans la Fédération croato-musulmane.

Aucune volonté de réconciliation

JOL Press : Comment cela peut-il s’expliquer ?

Martine Royo : Tout d’abord, cela s’explique par la réalité politique et institutionnelle bosnienne. Les accords de Dayton en décembre 1995 ont, certes, mis fin au conflit, mais ils ont aussi scellé l’ingouvernabilité de la Bosnie-Herzégovine. Le pays est divisé en deux entités – la Fédération croato-musulmane et la Republika Srpska serbe – et trois ethnies – Bosniaques musulmans, Croates et Serbes. Au passage, il convient de rappeler que le concept d’ethnie dans ce cas est erroné, puisque ces trois groupes sont ethniquement slaves, des Slaves séparés par des aléas de l’Histoire. Tout cela fait qu’au niveau national, à Sarajevo, il est très difficile d’adopter et d’appliquer des textes de loi.

De plus, il n’y a aucune volonté authentique de réconciliation. Aucune volonté d’oublier, mais, en revanche, une volonté de dissimuler l’horrible réalité historique. Les Serbes refusent catégoriquement de reconnaitre l’horreur de leurs crimes.

JOL Press : Amnesty International demande réparation pour les femmes victimes de crimes sexuels en Bosnie. Quel type de réparations ?

Martine Royo : Tout ce que prévoit le droit international, rien que ce que prévoit le droit international.

La victime doit être rétablie, autant que possible, dans la situation qui était la sienne avant le crime, cela inclut notamment le droit de propriété, la résidence, l’emploi. Elle doit recevoir une compensation, une compensation qui aille au-delà des seuls dommages matériels. Elle doit être réhabilitée et pouvoir bénéficier de tous les soins médicaux et psychologiques nécessaires. Enfin, la justice doit faire son œuvre, reconnaitre la réalité du ou des crimes, identifier et punir les coupables.

Les Serbes sont sourds, l’Union européenne doit agir

JOL Press : En matière de réparation, des lois ont été adoptées…

Martine Royo : Il y a une loi sur la réparation et plusieurs lois sur le statut de victime de guerre. En Fédération, plusieurs milliers de femmes en ont bénéficié. En Republika Srpska, aucune.

Le texte législatif qui n’est pas appliqué en Republika Srpska ne prenait en compte que les dommages physiques et ne reconnait pas les  traumatismes psychologiques. De plus, il établissait une date limite pour l’obtention du statut de victime de guerre, et cette date est le 31 janvier 2007. Il faut rouvrir la loi, c’est ce que demande Amnesty International.

JOL Press : N’y aurait-il pas moyen de faire pression sur les dirigeants de la Republika Srpska ?

Martine Royo : Au niveau national, il n’existe aucun moyen de faire pression sur les dirigeants serbes. Les seules pressions pourraient être internationales. Or, comme il est plus facile de faire du business avec l’entité serbe, les étrangers hésitent à intervenir. Les affaires d’abord !

En réalité, l’Union européenne est la mieux placée pour faire pression. D’abord parce qu’elle apporte un soutien financier considérable à la Bosnie-Herzégovine. Ensuite parce que la Bosnie-Herzégovine, comme toutes les ex-républiques yougoslaves, aspire, à terme, à devenir membre de l’Union européenne.

L’exemple croate ne nous incite pas à l’optimisme. Le 1er juillet 2013, la Croatie deviendra le 28ème membre de l’Union européenne, mais celle-ci a largement fermé les yeux sur les crimes de guerre. La liste des criminels de guerre croates toujours en liberté est longue…

Rompre le silence

JOL Press : En début d’année, l’actrice Angelina Jolie a réalisé un long-métrage – « Au pays du sang et du miel » – qui évoquait les crimes sexuels durant la guerre de Bosnie. Vous avez vu ce film ?

Martine Royo : Sur le plan historique – et notamment l’attitude des soldats serbes -, il m’a semblé correct. En revanche, cette romance entre la victime musulmane et son bourreau serbe, je n’y crois pas une seconde. C’est même déplacé.

Il n’en reste pas moins qu’un tel film est utile, utile de par son remarquable pouvoir d’évocation et la sensibilisation du grand public qu’il permet.

Le silence et l’inaction sur ce sujet proviennent des craintes que ressentent, aujourd’hui encore, les victimes. Craintes et honte qui les dissuadent de s’exprimer. La peur d’être stigmatisées alors que, parfois, elles croisent tous les jours leurs bourreaux.

Au printemps dernier, l’association « Mères pour la paix » a organisé un colloque sur le sujet à Sarajevo. Soudain, deux femmes bosniaques se sont levées et ont avoué avoir été victimes de crimes sexuels. Elles avaient attendu dix-sept ans pour rompre le silence.

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press

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Martine Royo, ancienne journaliste économique, a collaboré à l’AFP, au Nouvel Économiste et aux Échos comme chef de service étranger et grand reporter. Elle coordonne pour la section française d’Amnesty International les actions dans les Balkans.

La Rédaction


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