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Nationalisation d’ArcelorMittal: Arnaud Montebourg bluffe-t-il?

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Chez certains, le seul fait de prononcer le terme « nationalisation » réveille le souvenir de mai 1981 et de la « collectivisation » ou « soviétisation » qu’ils dénonçaient alors. En réalité, la démarche d’Arnaud Montebourg ne saurait être caricaturée et taxée d’idéologie. Pour preuve, des responsables de l’UMP et du centre n’ont pas fermé la porte à une telle éventualité. Une « prise de contrôle public temporaire » constitue, bel et bien, une des options possibles pour sauver l’activité et les emplois qu’elle génère en Meurthe-et-Moselle.

Pour autant, la question demeure : Montebourg bluffe-t-il ?

Mardi 27 novembre à 18 heures, le président de la République recevra Lakshmi Mittal, PDG d’ArcelorMittal. Les déclarations d’Arnaud Montebourg ont – nous dit-on – profondément choqué les membres de la famille Mittal. Néanmoins, la menace d’une nationalisation pourrait contraindre l’industriel d’origine indienne à avancer de nouvelles propositions.

Arnaud Montebourg a jusqu’au 1er décembre pour trouver un repreneur susceptible d’empêcher la fermeture des hauts-fourneaux de Florange. Il affirme en avoir trouvé deux, le russe Severstal, mentionné en début de processus, et un groupe français. Le problème est que l’intérêt porterait sur l’ensemble du site, alors qu’ArcelorMittal n’entend mettre en vente que la partie « liquide » – cokerie, hauts-fourneaux, coulée continue -, en pertes, mais entend conserver la partie « froide » – laminoirs -, encore rentable. Dès lors, le bras de fer engagé vise à convaincre le groupe a cédé l’intégralité du site de Florange. Une nationalisation concernerait l’ensemble des activités.

Quels sont les fondements juridiques d’une nationalisation ?

La « prise de contrôle public temporaire » du site d’ArcelorMittal à Florange respecterait le droit français et européen. Arnaud Montebourg ne cesse de le répéter.

Dans le cadre d ‘une nationalisation, la propriété d’une entreprise privée est transférée au secteur public. Celle-ci peut porter sur tout ou partie d’une entreprise. Elle peut se faire d’autorité, sans l’accord des actionnaires privés mais, dans tous les cas, il faudra une loi – comme pour les nationalisations de 1982 – et cette expropriation légale devra s’accompagner d’une « juste et préalable indemnisation », en fonction de la valeur de l’entreprise.

L’État a-t-il les moyens ?

Les activités sidérurgiques d’ArcelorMittal sont déployées sur 150 sites et l’entreprise emploie 20 000 des 70 à 80 000 ouvriers que compte encore le secteur en France. A priori, le coût pourrait sembler considérable, mais il s’agit de se livrer à un calcul économique et de se poser la question de savoir combien coûterait à la collectivité l’arrêt total des hauts-fourneaux et la misère sociale qui s’en suivrait. Si l’État n’a plus forcément vocation à conduire l’activité industrielle, il peut avoir grand intérêt à sauver la filière sidérurgique.

Cette nationalisation serait, si l’on en croit les propos du ministre, temporaire. En vertu de la loi, la revente de l’entreprise par l’État ne pourrait se faire à un prix inférieur à celui de l’indemnisation déboursée au moment de la nationalisation. Donc, a priori, il s’agirait d’une opération au minimum blanche pour le contribuable.

Il y a un hic… Si l’État procédait à une nationalisation totale pour contourner le refus d’ArcelorMittal d’élargir le périmètre de vente à la partie « froide » de son activité et qu’il revendait ensuite ses parts à un ou plusieurs repreneurs, la France pourrait être accusée par Bruxelles de favoriser un concurrent d’ArcelorMittal.

Le précédent Alstom

Les nationalisations – temporaires – cela peut fonctionner, la preuve…

2004. Alstom, le fabricant des TGV est au bord de la faillite et affiche près de 2 milliards de pertes. Impensable pour le gouvernement de laisser couler un tel géant industriel français, impossible de risquer les emplois de 75 000 salariés dans le monde.

Les négociations durent des mois sur un plan de sauvetage et une recapitalisation de 2,2 milliards d’euros. La grande difficulté aura été de convaincre la Commission européenne. Le « oui » bruxellois imposait une revente des parts de l’État avant quatre ans et Bouygues les a rachetées en 2006.

Le ministre des Finances s’appelle alors Nicolas Sarkozy et on comprend mieux qu’Henri Guaino ait pris plaisir à rappeler ce précédent en soutien à Arnaud Montebourg. Pourtant, la preuve est là et nul ne doute que François Hollande aura cet exemple à l’esprit en recevant Lakshmi Mittal ce mardi.

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