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Pourquoi la Libye est-elle si raciste?

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« Ce n’est pas le bon moment pour être noir en Libye », confiait le journaliste américain Alex Thompson, de retour de reportage, sur la chaîne Channel 4, l’été dernier.

Un rapport accablant

Depuis plus d’un an, Internet regorge de témoignages troublants sur la situation de la minorité noire dans le pays du Printemps arabe. Des hommes parqués dans des centres de détention, des immigrants battus, des femmes insultées. La situation des « Africains » dans ce pays d’Afrique a été au cœur du dernier rapport d’Amnesty International « Nous sommes des étrangers, nous n’avons aucun droit », paru le 13 novembre dernier.

« Ils (les Lybiens) ne nous traitent pas comme des êtres humains. Pour eux, nous sommes des animaux, ou des esclaves. Nous sommes des étrangers et ne savons pas ce qui va nous arriver. Si nous nous plaignons, nous risquons d’être frappés et insultés. » Les propos d’une Nigériane de 23 ans détenue en Libye depuis la fin du mois d’août introduisent le rapport de l’ONG.

Des migrants emprisonnés dans des hangars

Un rapport accablant qui indique comment, dans la Libye de l’après Kadhafi, « les étrangers sont incarcérés dans un nombre impressionnant de centres de détention, y compris des centres construits spécifiquement pour les immigrés clandestins. Certains se trouvent aux mains des milices, enfermés dans des centres de détention improvisés comme des camps militaires ou des hangars. »

Durant plusieurs mois, les enquêteurs d’Amnesty International se sont rendus dans neuf de ces centres, découvrir les conditions de vie des immigrés prisonniers. L’ONG indique avoir rencontré « 2700 détenus » au total. « Parmi eux, figuraient des femmes enceintes, des femmes avec des enfants en bas âge, ainsi que des enfants non accompagnés détenus avec des adultes qu’ils ne connaissaient pas. »

Au-delà de la détention, ce sont les conditions de vie des personnes emprisonnées qui ont alerté les délégués d’Amnesty International. « Un grand nombre d’entre elles ont montré des blessures récentes ou des cicatrices des coups qu’elles ont reçus à titre de punition pour avoir tenté de s’évader ou fait preuve d’indiscipline », indique le rapport.

« Mange, sale chien »

L’ONG n’est pas la première à dénoncer l’explosion xénophobe de la Libye. En mars dernier, une vidéo publiée sur Internet, parmi tant d’autres, avait suscité une vague d’indignation. Sur les images, plusieurs hommes sont ligotés, au milieu d’une sorte de cage. Autour de cette cage, plusieurs Libyens les insultent. On entend alors : « Mange le drapeau espèce de chien. Patience, espèce de chien, patience. Dieu est grand ».

Les hommes ont tous un morceau de tissu vert dans la bouche. On les aurait forcés à manger l’ancien drapeau libyen, le drapeau vert, symbole du régime de Mouammar Kadhafi.

Près de trois millions de clandestins sous Kadhafi

Car, si le racisme anti-noir a toujours existé en Libye, celui-ci a véritablement explosé depuis la chute de l’ancien leader.

Auparavant, les « Africains » – c’est ainsi que sont qualifiés les Noirs par les Libyens – étaient considérés comme les responsables de tous les maux de la société libyenne. Criminalité, maladies en tout genre, tout était prétexte à l’accusation systématique de la minorité noire du pays. Une minorité en situation irrégulière qui, selon les chiffres des autorités libyennes avant le renversement de Mouammar Kadhafi, aurait compté trois millions de personnes.

« Durant le conflit, quelque 900 000 Libyens et ressortissants d’autres pays auraient fui le pays », indique le rapport d’Amnesty International.

« La purge des esclaves »

Avec la révolution du Printemps arabe, qui a démarré en février 2011, la situation de ces « Africains » a commencé à se détériorer. En effet, les Noirs de Libye ont souffert des rumeurs selon lesquelles Mouammar Kadhafi aurait recruté des mercenaires venus d’Afrique sub-saharienne. Une information qui a achevé de marginaliser toute un pan de la population.

Sur les murs de Misrata ou d’autres théâtres de violents combats pendant les mois de révolution, il n’était pas rare de lire de nombreux slogans xénophobes à l’adresse de cette minorité. Ainsi, un journaliste du New York Times, dont l’article a été publié en août 2011, confiait avoir vu un slogan, peint par un rebelle syrien sur un mur, saluant « les brigades pour leur purge des esclaves, des peaux noires. »

Au-delà d’une simple couleur de peau, le racisme libyen devient aujourd’hui un racisme historique, le Noir est considéré comme un homme de l’ancien régime, à la solde de Mouammar Kadhafi, responsable de la terreur de la révolution.

Face à cette recrudescence de violence, le gouvernement libyen récemment formé semble inactif. Conscient de la situation des immigrés, parqués dans des hangars dans des situations que l’ONG Amnesty International qualifie de « violations des droits humains », le gouvernement oppose un manque de moyens et de coopération avec les pays d’origine de ces populations.

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