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Pourquoi seulement l’huile de palme?

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Le Sénat français a adopté mercredi 7 novembre, en commission des Affaires sociales, l’amendement proposant de quadrupler la taxe sur l’huile de palme. Proposé par le socialiste Yves Daudigny, le texte veut inciter l’industrie agroalimentaire à délaisser cette substance jugée nocive pour la santé, au profit d’ingrédients plus sains.

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Mais la « taxe Nutella »[1] ne fait pas l’unanimité. Effectivement, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, n’est pas « certaine que ce soit à l’occasion d’un amendement purement financier que l’on puisse engager le débat ». En tout cas, l’amendement propose une contribution additionnelle de 300 %[2] à la taxe spéciale prévue sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah « destinées à l’alimentation humaine, en état ou après incorporation dans tous les produits »[3]. Les spécialistes rappellent que cette taxe rapporterait peu, 40 millions d’euros, pour réduire le déficit de la sécurité sociale.

L’économie d’argent

Dans son Petit guide vert[4] de la palme, Adrien Gontier, souligne les différences de prix entre cette huile et les autres produits équivalents. Elle coûte moins cher que le beurre, les huiles d’olive, de tournesol et de colza. Dans l’alimentation, l’huile de palme renforce le craquant et croustillant des biscottes. Elle apporte une texture fondante à la pâte à tartiner et prolonge les émulsions sans polluer le goût des aliments qu’elle compose. Ce produit entre dans la composition de nombreux aliments industriels tels que chips, biscuits, mayonnaise, chocolat, glaces… Dans les cosmétiques, elle permet au savon ou au shampooing de mousser plus longtemps, et fait mieux pénétrer le rouge à lèvre ou les crèmes hydratantes dans la peau. Ses vertus anti-oxydantes sont très appréciées, car elles sont idéales pour la longue conservation. Bref, c’est un produit idoine très bon marché que l’on trouve également dans les agro-carburants.

Santé publique et protection de l’environnement

L’huile de palme, extraite de la pulpe des fruits du palmier à huile, est accusée d’avoir des effets nocifs sur la santé. Elle fait partie de la catégorie des acides gras saturés, qui contribuent au développement de l’obésité et des maladies cardio-vasculaires. Ainsi contient-elle 50 % d’acides gras saturés, comme le beurre qui en renferme 55 %, responsables entre autres du cholestérol[5]. Pour Jean-Michel Lecerf, chef du service Nutrition à l’Institut Pasteur de Lille, « on ne peut pas dire que l’huile de palme soit dangereuse en tant que telle pour la santé mais, comme tout aliment, il ne faut pas en abuser ». En conséquence, Marisol Touraine « souhaite que l’on prenne le temps d’une discussion sur la santé publique, sur les risques pour l’obésité en particulier ». Ainsi la ministre est-elle « réservée sur l’augmentation de la taxe ». Néanmoins, elle reste « très attentive aux enjeux de santé publique qui sont posés ».

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Les effets nocifs de l’huile de palme concernent aussi la déforestation, au même titre que le charbon à bois[6], qui ne cesse de menacer le bassin du Congo. Le WWW, par la voix de Boris Patentreger, chargé du programme conversion forestière et papier, souhaite « une taxe différenciée variable en fonction des garanties environnementales données par les producteurs ». L’objectif, c’est « d’encourager une production responsable, plus respectueuse de l’environnement ».

Une part manifeste d’hypocrisie ?

Jean-René Buisson, président de l’Association nationale des industries agroalimentaires (Ania), a affirmé sur Europe 1 que « les produits autorisés à être consommés sont bons pour la santé si on les consomme raisonnablement ». Les industriels ne doivent donc pas être « la variable d’ajustement de tous les problèmes économiques ».

L’interprofession ivoirienne de l’huile de palme a attaqué une enseigne de supermarchés en France. Pour cette structure, « la communication des supermarchés Système U nuit au développement d’un secteur qui fait vivre plus de 36 000 petits planteurs en Côte d’Ivoire, et qui n’aggrave pas la déforestation, si l’on intensifie la production sans l’étendre ». Quant à la Malaisie, elle a profité du Salon international de l’agroalimentaire pour promouvoir les vertus nutritives de cet oléagineux.

De toute évidence, ce n’est pas la qualité de cette huile qu’il faille mettre en cause. De plus, comme le rappelle Adrien Gontier, « on en trouve dans les produits de grandes marques, dans les produits distributeurs, dans les produits discount mais aussi dans les produits bio »[7]. L’huile d’olive étant deux fois plus taxée en France que l’huile de palme, fallait-il agir à tout prix pour calmer le mécontentement des lobbyistes favorables à la production européenne aux dépens de certains produits en provenance des pays non européens ? Le texte finira-t-il par passer le cap de la séance plénière au Sénat ? That’s the question !



[1] Du nom de la célèbre pâte à tartiner qui contient de l’huile de palme.

[2] À l’heure actuelle, l’huile de palme est taxée à hauteur de 98,74 euros la tonne. L’objectif du Parlement français consiste à porter les taxes sur ce produit à 398,74 euros la tonne.

[3] La France consomme chaque année 126 000 tonnes d’huile de palme à usage alimentaire, ce qui revient à 2 kg par Français par an.

[6] Selon WWF, elles ont doublé en Malaisie et quintuplé en Indonésie en vingt ans au détriment des forêts. L’Indonésie est touchée par la déforestation avec 1,8 millions d’hectares de forêt vierge déboisés chaque année. Et 85 % des forêts de Sumatra ont été déboisées à cause du commerce de bois et de la conversion en plantation de palmier à huile notamment.

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