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Presse contre Google: la guerre est déclarée… et les lecteurs oubliés!

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Les éditeurs de presse vont-ils réussir à faire plier le géant de Mountain View ? Depuis que les Allemands, soutenus par les grands groupes de presse Axel Springer et Bertelsmann, regroupés dans l’association professionnelle BDZV, ont lancé la fronde en annonçant qu’ils envisageaient d’obliger Google à verser des droits aux éditeurs de presse ou « droits voisins », plusieurs pays européens leur ont emboîté le pas : la France, surtout, puis l’Italie et depuis hier, mercredi 28 novembre 2012, les éditeurs de presse portugais et suisses, qui se sont désormais associés à cette démarche. (Pour connaître le détail du projet allemand , aller sur le lien de présentation du projet de loi Leistungsschutzrecht 

Les éditeurs de presse allemands, français, italiens, portugais et suisses s’unissent contre Google

En effet, dans un communiqué commun, les éditeurs de presse portugais, représentés au sein de l’association APIMPRENSA « invitent à leur tour leurs gouvernement et Parlements à soutenir leurs projets législatifs de droits voisins et sur les œuvres collectives pour permettre l’information de tous les citoyens et un rééquilibrage économique du Web ». Pour leur part, les éditeurs suisses, représentés par Médias suisses, Schweizer Medien et Stampa Svizzera, « se sont rapprochés de leurs collègues à travers l’Europe pour ouvrir la piste d’un droit voisin », car le gouvernement suisse aurait déjà lancé une consultation sur la question d’une « évolution du cadre législatif du droit d’auteur ».

De son côté, la France a également annoncé hier de possibles actions législatives, qui s’apparenteraient à celles de son voisin d’outre-Rhin. Pour l’heure, une mission de médiation avec Google a été confiée à Marc Schwartz, du cabinet Mazars, le 16 novembre. Aurélie Filipetti, ministre de la Culture, et Fleur Pellerin, ministre délégué à l’Économie numérique, ont signé mardi 27 novembre sa lettre de mission, en précisant que le gouvernement légiférerait si aucun accord n’était trouvé au terme de ces négociations, fixé à la fin décembre 2012.

L’axe franco-allemand sur ce sujet risque de peser fort, car si une même politique législative était adoptée en matière de « droits voisins » , il est possible qu’elle fasse école dans de nombreux pays d’Europe, et c’est bien ce qui inquiète Google.

Ce que les éditeurs de presse reprochent à Google ?

Les éditeurs de presse reprochent à Google de tirer avantage du référencement de leurs contenus, sans donner de contrepartie financière. Comme nous l’avions déjà exprimé, notre opinion est que cet argument est fallacieux, car les éditeurs tirent beaucoup plus avantage des renvois d’audience que leur accorde Google, que l’inverse, d’autant que Google Actualités ne comporte pas de publicité. Selon nous, cette revendication, qui est le fait des grands groupes de presse hégémoniques, vise à restaurer l’esprit corporatiste, bien plus qu’à défendre les contenus. Les sites d’informations pure players, comme le nôtre, soutiennent au contraire le libre référencement qui est le meilleur garant de la liberté de la presse en ligne, et donc de la liberté d’expression. En Allemagne, ce sont surtout les grands groupes de presse allemands comme Axel Springer et Bertelsmann,  qui portent la contestation, tout comme en France. Une situation symptomatique du désir de ces grands groupes de redevenir les maîtres du jeu médiatique et de punir celui ( Google) qui les a obligés à faire face à la concurrence hétérogène et multiple de tous les nouveaux médias, nés sur Internet ces dix dernières années.

Google contre-attaque avec une campagne en ligne

Face à cette guerre organisée, savamment orchestrée par les associations de presse avec le soutien de leurs gouvernements respectifs, Google a décidé de contre-attaquer. En commençant par l’Allemagne, où le danger est imminent, puisque le Bundestag va être sollicité sur la question aujourd’hui, jeudi 29 novembre 2012. Google a choisi de s’exprimer en toute transparence, en mettant en  ligne un mini-site, appelé Dein Netz (que l’on pourrait traduire littéralement par «Ta Toile »), où il interpelle les internautes et leur lance un appel à pétition, avec possibilité de diffuser le formulaire via les réseaux sociaux. Google expose également sa ligne de défense, dont les trois principales idées sont qu’ « il n’y pas de publicité sur Google Actualités », que Google ne reproduit que « des petits extraits d’articles », ce qui a été « autorisé par la Cour Constitutionnelle en 2003 », ou encore que « chaque éditeur peut décider s’il souhaite être référencé par Google Actualités ou non ».

La vidéo de Google sur Dein Netz

Les soutiens en faveur de Google commencent à s’organiser

Cependant, en Allemagne, Google bénéficie de quelques soutiens. Il n’est pas le seul à être contre cette loi. Un groupe baptisé IGEL a vu le jour et regroupe d’ores et déjà une centaine de signataires hostiles à ce projet. Ce site est évidemment mis en avant sur le site de défense de Google, ce qui est de bonne guerre. Parmi les signataires, citons Creative Commons, le Chaos Computer Club, ou des sites de presse pure players comme Netzpolitik ou Literaturcafe.

Les lecteurs, grands oubliés du débat

Pour l’heure nul, à part Google, ne s’est encore soucié de demander aux lecteurs leur opinion. Car, pour incroyable que cela puisse paraître, les pouvoirs publics, que ce soit en Allemagne ou en France, ont principalement consulté les associations regroupant les groupes de presse, sans jamais se soucier de ce que souhaitaient les citoyens. Les internautes ont découvert grâce à Google notamment, la liberté de surfer, de chercher et de découvrir un savoir ou une information. En cela, Google est le meilleur garant de la pluralité de l’information,  puisqu’il place parfois dans une même liste un article provenant d’un site célèbre, à côté d’un autre provenant d’un mini-site référent dans sa spécialité. C’est pourquoi Google est devenu incontournable pour les lecteurs dans la construction de leur chemin de recherche. Si de nombreux journaux sortent des référencements, ce seront les lecteurs qui seront pénalisés, car ils devront multiplier leurs sources de recherche, et bien sûr, les petits médias, dont la notoriété ne pourra rivaliser avec celle des grands titres, seront eux-aussi pénalisés.

Les corporatismes font toujours le jeu du pouvoir

Avec le projet des droits voisins, c’est un peu le kiosque que les éditeurs de presse voudraient recréer, avec accès exclusif aux membres de leur « club». Il serait tellement tentant pour eux de faire reculer ce qui a été la plus belle conquête des moteurs de recherche : l’émergence d’une mosaïque de sites d’informations qui apportent des points de vue alternatifs et offrent au lecteur un immense choix, tout en favorisant la liberté d’expression. Le législateur ne serait-il pas tenté lui aussi de revenir à une concentration des acteurs de l’information, pour mieux contrôler les sources de diffusion ? Dans ce scénario anti-Google, on voit bien le film qui se prépare : les géants de la presse seraient satisfaits, les petits sites disparaîtraient, les politiques en profiteraient… et le lecteur serait le grand perdant de l’histoire. Mais qui s’en soucierait ? 

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