Site icon La Revue Internationale

Soufian Alsabbagh: «L’Ohio reste l’État clé de cette élection»

[image:1,l]La campagne a repris ses droits. Quel sera l’impact de l’ouragan Sandy, qui a forcé les deux candidats à suspendre leurs campagnes, sur le résultat final ? Où se jouera la Maison Blanche ? Nous avons interrogé Soufian Alsabbagh, spécialiste de la politique intérieure des États-Unis.

JOL Press : Malgré la catastrophe, elle aura bien lieu mardi 6 novembre cette élection ?

Soufian Alsabbagh : Oui, elle aura lieu normalement. Un signe que ne trompe pas, c’est le fait que les deux candidats soient repartis en campagne après une interruption de quelques jours – une interruption totale pour Barack Obama et interruption partielle pour Mitt Romney.

JOL Press : il se dit qu’il pourrait y avoir quelques délais dans certains États…

Soufian Alsabbagh : Oui, la probabilité d’un report de quelques jours dans le New Jersey est assez forte. Au plus tard, une semaine après, l’affaire sera réglée. Elle le sera d’autant plus que le New Jersey vote massivement pour les démocrates et Barack Obama.

JOL Press : À qui a profité l’ouragan Sandy ?

Soufian Alsabbagh : C’est très difficile à dire. Les sondages prenant en compte les jugements portés sur le comportement des deux candidats au cours de la catastrophe ne seront publiés que lundi.

Déjà, une enquête a été publiée par le Washington Post. Pendant la crise de Sandy, 78% des Américains ont dit approuver l’action d’Obama, et seulement 44% pour Romney.

La situation était assez inéquitable. Quand Barack Obama retire son costume de candidat, il est président et là, en l’occurrence, il a retrouvé son rôle institutionnel. En revanche, lorsque Mitt Romney cesse d’être le candidat, il n’a plus aucun rôle à jouer. C’est pour cela qu’il s’est contenté d’exprimer sa solidarité envers les victimes et de participer à des opérations de ravitaillement.

JOL Press : Mitt Romney a interrompu sa campagne, mais il est resté dans l’Ohio, là où se joue la Maison Blanche. Ce n’est pas un peu hypocrite ?

Soufian Alsabbagh : C’était logique. Mitt Romney devait faire campagne sans faire campagne. Or, plus que jamais l’Ohio semble l’État clé dans cette élection. D’après le New York Times, Mitt Romney n’aurait que 3% de chances d’être élu président s’il perd l’Ohio. Quant à Barack Obama, sans l’Ohio, ses chances de réélection ne sont plus que de 8%.

JOL Press : Que va-t-il se passer dans les cinq jours qui viennent ?

Soufian Alsabbagh : La campagne a repris et elle va être intense. Barack Obama était jeudi dans le Colorado, puis il doit se rendre en Virginie, en Floride, dans l’Ohio et dans l’Iowa. Quant à Mitt Romney, il s’est déjà rendu en Virginie et dans le Colorado.

Mitt Romney va énormément dépenser. Au total, sa campagne, les super PACs et le parti républicain disposent 45 millions de dollars. La stratégie pour laquelle il va opter n’est pas encore très claire. Les républicains sont très actifs depuis quelques jours en Pennsylvanie, dans le Michigan – son État natif – et le Minnesota. Mitt Romney semble attaquer dans les États afférents à l’Ohio, où les problématiques de campagne sont proches.

Aurait-il déjà tiré un trait sur l’Ohio où il ne semble pas parvenir à faire son retard de deux à cinq points. L’Ohio, c’est trop compliqué pour Mitt Romney. En plus, il a dit trop de bêtises sur le bail out de Chrysler et GM et le Nord-Ouest de l’Ohio lui est fortement hostile.

Donc – et cela expliquerait ses investissements de temps et d’argent dans les États voisins -, il essaierait d’aller glaner ailleurs les 270 grands électeurs qui lui ouvriraient les portes de la Maison Blanche.

JOL Press : Le monde entier n’a d’yeux que pour la présidentielle mais il y a quantité d’autres scrutins à travers les États-Unis, mardi prochain. Quelques exemples à suivre en particulier ?

Soufian Alsabbagh : Il y a les élections au Congrès, qui détermineront les marges de manœuvre dont disposera le Président, que ce soit l’un ou l’autre des deux principaux candidats, au cours des quatre prochaines années. Au Sénat, les démocrates disposent d’une majorité de 53 sièges contre 47. Sur le papier, les républicains n’ont que 4 sièges à récupérer. Quand on observe les scrutins État par État, cela parait bien difficile. Pendant la crise de Sandy, 78% des Américains ont dit approuver l’action d’Obama, et seulement 44% pour RomneyDans l’Indiana et le Missouri, les candidats républicains ont été assez incohérents dans leurs déclarations sur le viol. Et ils vont le payer. Dans le Massachusetts, Scott Brown est un vrai modéré mais l’élection s’annonce mal pour lui. Au final, les démocrates devraient conserver une majorité au Sénat et les républicains resteront majoritaires à la Chambre des représentants où ils ont acquis une nette avance lors des mid-term elections de 2010.

Côté référendums, deux consultations intéressantes, dans le Maryland et l’État de Washington, sur le mariage gay. Cela fait environ 20-25 ans que, les uns après les autres, les États demandent leur avis aux électeurs sur le sujet. Jamais le « oui » ne l’a emporté. Or il semble, si l’on en croit les sondages, que cela pourrait être le cas cette fois-ci dans ces deux États.

JOL Press : un pronostic ?

Soufian Alsabbagh : Un scrutin incroyablement serré. A priori, Barack Obama dispose encore d’un léger avantage.  

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press le jeudi 1er novembre

Spécialiste de politique intérieure américaine et du parti républicain, Soufian Alsabbagh est l’auteur de L’Amérique de Mitt Romney (Editions Demopolis, 2012), unique biographie en français de l’adversaire de Barack Obama. Son nouvel ouvrage, La Nouvelle Droite américaine, est paru le 30 août chez Demopolis.

 

Quitter la version mobile