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USA: le nouvel âge d’or du pétrole n’est pas près d’arriver

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Il est clair qu’en n’important plus du tout de pétrole mais aussi de gaz, les États-Unis allègeront leur déficit commercial qui est aujourd’hui gigantesque, ce qui donnera une nouvelle puissance au pays. Les importations d’énergie grèvent le budget de nombreux pays aux systèmes économiques différents comme la France ou la Chine. Par contre, certains pays, comme la Russie, doivent leur puissance économique à leurs exportations d’énergie.

Les États-Unis, première puissance économique mondiale et pivot du système international aujourd’hui sont en déclin relatif, mais l’amélioration de leur solde énergétique va renforcer leurs atouts économiques. Il est à craindre cependant que les efforts d’économie d’énergie, déjà peu appuyés aux États-Unis, vont se relâcher car il n’y aura plus la contrainte extérieure pour les favoriser. Les gros véhicules dit « gas guzzlers » (gros consommateurs d’essence) vont rester sur les routes américaines.

La fracturation hydraulique nécessite de l’eau, alors que le réchauffement climatique menace

Cette bonne nouvelle sur le plan économique concerne aussi la politique étrangère américaine qu’il faut analyser dans sa complexité. La dépendance vis à vis du Moyen-Orient va disparaître, comme la dépendance vis à vis des pays africains ou du Venezuela, dont le régime n’est pas en odeur de sainteté à Washington. Néanmoins, les compagnies américaines resteront impliquées au Moyen-Orient et en Afrique et les États-Unis voudront continuer à contrôler l’accès des autres puissances au pétrole de ces régions. La Chine qui, quant à elle, sera de plus en plus dépendante du pétrole produit en dehors de son territoire devra s’approvisionner dans des régions du monde sous l’influence des États-Unis.

En termes de puissance planétaire, la nouvelle indépendance énergétique américaine ainsi que la baisse du déficit commercial renforceront l’influence des États-Unis. La Chine gardera des atouts cependant, car c’est elle qui possède la plupart des terres rares dont diverses industries sont dépendantes tant au Japon que dans le monde occidental. La moindre dépendance énergétique ne devrait pas changer les grandes lignes de la politique étrangère américaine qui cherchera à assurer l’approvisionnement des alliés, lesquels deviendront plus dépendants de la force militaire ou géopolitique américaine qui continuera à contrôler l’accès au pétrole des rivaux. Dans le conflit avec l’Iran il est possible que les États-Unis craignent moins qu’actuellement un dérèglement de la production de pétrole et soient plus interventionnistes.

Sur le plan écologique cette montée en puissance de la production pose de nombreux problèmes. En effet, le gaz et le pétrole de schiste sont obtenus par fracturation hydraulique,  procédé actuellement non autorisé en France et qui a des effets importants sur l’environnement. Cette fracturation nécessite une utilisation massive d’eau alors que la sécheresse qui a sévi tout l’été en Amérique du Nord indique que le réchauffement climatique a des effets négatifs.

La course aux énergies est une source de tensions pouvant conduire à la guerre

L’autre technique utilisée pour accéder à ce pétrole américain est le forage, notamment en mer, forage qui a déjà causé d’énormes dégâts en Louisiane en 2010 lorsqu’une plateforme BP a été à l’origine d’une marée noire. Ce pétrole, surtout celui issu des schistes bitumineux, a un coût de production plus élevé qu’au Moye-Orient et par conséquent la facture énergétique ne baissera pas pour les particuliers.

Il y a, d’autre part, déjà eu des accidents et des oppositions politiques en Alaska. Pour acheminer le pétrole d’Alaska ou du nord du Canada vers les raffineries des États-Unis il y a un projet de pipe-line appelé Keystone XL qui provoque beaucoup de protestations. Les écologistes réclament son abandon. En janvier 2012, Barack Obama n’avait pas donné son feu vert, indispensable car ce pipe-line traverse une frontière internationale.

Le coût de l’extraction et les difficultés d’acheminement

Toutes ces difficultés font dire à Michael Klare, professeur à Hamphshire College et spécialiste des questions d’énergie, que le nouvel âge d’or du pétrole en Amérique du Nord n’est pas près d’arriver. L’auteur de The Race for What’s Left, The Global Scramble for the World’s Last Resources ne partage donc pas l’optimisme des économistes, il voit plutôt dans la course aux énergies une source de tensions pouvant conduire à la guerre. Il y a donc ici le clivage habituel entre économistes et écologistes que l’on retrouve en France également. L’abondance de pétrole conduirait à brûler des énergies fossiles et à aggraver la pollution laquelle est responsable du réchauffement climatique qui cause des sécheresses précisément dans les régions qui s’apprêtent à avoir recours à la fracturation hydraulique.

On le voit, cette annonce optimiste n’est pas partagée par tous les spécialistes. S’il est indéniable que les États-Unis sont en mesure d’améliorer leur situation énergétique et de réduire leur déficit commercial il n’en reste pas moins que dans l’imbrication des incertitudes et notamment sur le coût de l’extraction et les difficultés d’acheminement il reste des zones d’ombres qui devraient tempérer l’optimisme des milieux financiers ou pétroliers. 

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