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Xi Jinping arrive au pouvoir, l’espoir d’une réforme s’en va

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Après un délai long et inexpliqué, les nouveaux dirigeants de la Chine ont parcouru avec raideur le tapis rouge du Palais de l’Assemblée du peuple à Pékin.

Le Parti chinois s’accroche au statu quo

Les premiers mots de Xi Jinping, l’homme prévu de longue date pour prendre le pouvoir en tant que président de la Chine, étaient des excuses aux journalistes de les avoir fait attendre – un geste inhabituellement personnel, après les cérémonies très rigides et opaques du XVIIIème Congrès du Parti, terminé mercredi 14 novembre.

Mais alors que le discours de Xi Jinping était à la fois plus chaleureux et plus naturel que son rigide prédécesseur, Hu Jintao, les sept hommes qui dirigeront ensemble la Chine avaient donné aux analystes un petit espoir d’une audacieuse réforme.

« C’est la « bréjnevisation » du Parti », dit David Zweig, un expert politique de la Chine à l’université de Sciences et de technologies de Hong Kong. « Au lieu d’avoir du cran et de faire un pas en avant avec la réforme, ils vont essayer, et attendre ».

La gérontocratie contre le changement

La composition du Comité permanent du Bureau politique – réduit cette fois-ci de neuf à sept membres –, est plus vieille que prévu, et apparemment destinée à préserver le statu quo. Tous sauf Xi, qui a 59 ans, et le Premier ministre entrant, Li Keqiang, âgé de 57 ans, ont plus de 64 ans, même si vous ne pourriez pas vous en rendre compte, à cause de leurs cheveux, identiques, impeccablement teints en noir.

Ceux qui sont partis étaient les prétendants que l’on pensait être les plus en faveur d’une réforme, Wang Yang et Li Yunchao. Et la seule femme pressentie pour être dans la course pour le Comité permanent n’a pas été retenue.

À leur place, ce sont des hommes plus engagés à rester dans le système actuel : Liu Yunshan, le chef de la vaste propagande et du programme de censure en Chine ; Zhang Gaoli, chef du parti de Tianjin, une ville dont la croissance a été alimentée par une bulle immobilière ; Zhang Dejiang, un diplômé d’une université nord-coréenne et promoteur d’énormes entreprises publiques ; Yu Zhengsheng, le patron du parti de Shanghai, et « prince héritier » ; et Wang Qishan, un gourou financier qui prendra la tête de la campagne pour la lutte contre la corruption du Parti communiste.

Les alliés et protégés du président sortant Hu Jintao semblent aussi avoir perdu. Au lieu de cela, la faction qui s’appuie sur Jiang Zemin, âgé de près de 87 ans – que l’on avait dit mort l’an dernier, mais qui continue à tenir les ficelles en coulisses – a revendiqué la majorité des postes à haute responsabilité.

Zweig raconte que quand il a connu la nouvelle « fournée » de dirigeants, il était « déprimé »« Je pense que [les communistes] veulent protéger les familles riches », dit-il. « Ils sont en faveur de la stabilité contre le changement. Ils s’imaginent qu’il va y avoir beaucoup de moments difficiles à venir, et ils veulent avoir des personnes plus calmes et plus âgées en charge du pays. »

Les grands défis qui attendent le Parti communiste

Cette transition politique qui a lieu tous les dix ans intervient alors que le Parti communiste doit faire face à certains de ses plus grands défis : la corruption, le ralentissement de la croissance économique, le cynisme et la méfiance généralisée envers le gouvernement.

Dans son discours prononcé devant les médias, Xi Jinping a reconnu les difficultés qui les attendaient. « Notre Parti fait face à beaucoup de défis majeurs, et il y a aussi de nombreux problèmes au sein même du Parti qui doivent être résolus, en particulier la corruption, et le fait d’être séparé du peuple, en passant par les formalités et le bureaucratisme causés par certains responsables du Parti », a déclaré le Président.

Xi est arrivé à la tête du pays avec un peu plus de pouvoir que son prédécesseur, alors qu’il assume également le rôle de chef de l’armée chinoise – une position à laquelle le président sortant, Hu Jintao, avait renoncé, reléguant effectivement toutes ses fonctions officielles.

Xi Jinping, moins rigide que son prédécesseur ?

Bien que peu de choses ne soient encore connues sur son point de vue, l’attitude relativement détendue et décontractée de Xi a été considérée comme un changement bienvenu. Certains commentateurs ont spéculé que son attitude pourrait aider à lisser les relations extérieures, ou tout au moins constituer un nouvel exemple pour les autorités chinoises.

« Le discours de Xi était plus orienté vers son audience, et avait un ton moins bureaucratique – un nouveau style, en définitive », a écrit sur Twitter He Peirong, un activiste chinois. « Pour utiliser une métaphore politique américaine, Xi Jinping ressemble à un type avec qui vous prendriez bien une bière », a déclaré Bill Bishop, un analyste et investisseur à Pékin.

Cependant, à trois reprises dans son discours, Xi a dit que le Parti devrait avoir pour but le « renouveau de la nation chinoise » – un signe, peut-être, du ton plus ferme et nationaliste de Xi.

« Maintenir la stabilité est la stratégie pour les cinq ans à venir »

Une des principales surprises pour les experts est que Li Keqiang, le nouveau Premier ministre, est mieux classé que son prédécesseur, Wen Jiabao. Alors que beaucoup voyaient Li comme potentiellement moins puissant et énergique que ses prédécesseurs, le fait qu’il soit numéro deux du Parti, au lieu d’être numéro trois, suggère qu’il pourrait avoir gagné plus de contrôle sur l’économie.

Quoi qu’il arrive maintenant, dans cinq ans, Li et Xi accueilleront probablement un nouveau groupe de collègues pour le Comité permanent. L’âge de la retraite obligatoire étant fixé à 68 ans, cinq des sept nouveaux membres du Comité permanent du Bureau politique seront remplacés, ouvrant plus de sièges possibles aux réformateurs.

Pourtant, les perspectives à court terme ne sont pas brillantes, explique Zweig. « Je pense que maintenir la stabilité est la stratégie pour les cinq ans à venir », dit-il. « Mais vous pourriez avoir une crise, un de ces gars-là pourrait mourir, ils ont tous plus de 65 ans, après tout. Mais ce n’est pas un leadership favorable à une réforme. »

GlobalPost / Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

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