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A la Une du Time: Barack Obama ou le côté obscur de la force

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Certaines années, la rédaction du newsmagazine américain Time est particulièrement inspirée lorsqu’il s’agit de désigner sa personnalité de l’année. Pas mal, par exemple, l’an dernier, lorsqu’ils optèrent pour « Les manifestants » – tous les manifestants, ceux du Printemps arabe comme ceux du mouvement des Indignés. Un choix plein d’espoir, d’optimisme et la certitude qu’un autre monde était possible – et sur le point d’éclore. 

Cette année, le choix paraissait plus ouvert encore, moins évident. Parmi les personnalités envisagées, il y aurait eu Malala Yousafzai, cette jeune Pakistanaise cible des talibans, le président égyptien Mohamed Morsi – au profil désormais si flou -, Tim Cook, le successeur de feu Steve Jobs à la tête d’Apple, ou encore Fabiola Gianotti, chercheuse au Cern, responsable de la découverte du Boson de Higgs, exploit capital dont on peine encore à appréhender toute la portée… Mais, the winner is... Barack Obama. Déjà vu ? Oui, mais non…

Un portrait inédit de Barack Obama

Comme elle est sombre, cette Une du Time. Comme il est étonnant ce portrait réalisé par le photographe Nadav Kander… Barack Obama comme, pour autant qu’il nous en souvienne, nous ne l’avons jamais vu. Un Barack Obama de profil – et nous sommes plus habitués à le voir de face ou de trois-quarts -, la tête légèrement baissée, le menton plissé… Un Barack Obama ridé et les cheveux grisonnants… Un Barack Obama, figé, affligé ou, en tout cas, perdu dans ses pensées. Évaporée l’image du jeune premier d’il y a quatre ans, ignorés les clichés bien posés maintenant que la campagne est terminée, le Président réélu a 51 ans, dont quatre ans à la Maison Blanche. Le pouvoir vieillit et épuise, pourquoi feindre ? Le Time a choisi de le présenter sans fard – ni trop de photoshop… Barack Obama n’est plus Will Smith, mais davantage Morgan Freeman

En attendant des jours meilleurs…

Pour renforcer l’effet, la face visible de Barack Obama est plongée dans l’obscurité, sa face cachée, elle, est, on l’imagine, éclairée. Puisque le soleil se lève à l’est – et donc à la gauche du modèle -, on cherche à trouver une raison d’espérer et imagine que le visage présidentiel est sur le point de s’éclairer, qu’une aube nouvelle est sur le point de commencer, qu’il parviendra à sortir les États-Unis et le monde de la crise inédite qu’ils traversent, qu’il évitera les nouveaux obstacles à la paix sur Terre et qu’à nouveau il fera figure de messie. Supputations…

L’instant pour Barack Obama est à la modestie. Modestie à l’image de son comportement lors de sa réélection. Pas de triomphalisme inopportun, une fois encore, les temps sont trop dures, les menaces trop présentes. Et puis, comment l’oublier, la défaite, longtemps impensable, n’était-elle pas apparue possible à quelques semaines du scrutin ? Que serait-il advenu si un ouragan – et un comportement sans faute de la Maison Blanche en l’occasion – n’étaient pas venus compenser des débats ratés mais, surtout, une situation économique fortement dégradée ?

Le phénomène Obama a changé de nature

Le 44ème président des États-Unis n’incarne plus seulement l’espoir mais la raison, une raison mesurable à son bilan davantage encore qu’à ses promesses. Plus personne n’attend de Barack Obama le bienheureux qu’il fut aussi le miraculeux. Sa mission exige, plus que jamais, réflexion et détermination dans l’action. Les réformes qu’il doit conduire ne sauraient être fondées sur la seule idéologie, mais sur la recherche des réponses les plus appropriées.

Pour justifier son choix, mais aussi, sans doute, pour rétablir la réalité historique, la rédaction de Time rappelle la qualité de la performance électorale réussie par Barack Obama, le 6 novembre dernier. Peut-être a-t-on vite oublié, peut-être a-t-on été davantage marqués par cette impression de duel serré qui a prévalu tout au long du mois d’octobre… Pourtant, le président réélu a été bien réélu. Certes, il a obtenu cinq millions de suffrages en moins qu’en 2008. Mais son avance sur Mitt Romney a tout de même été de cinq millions de ces suffrages et, sans l’ouragan Sandy qui a affaibli la participation dans les bastions démocrates de la côte est, le Time estime que la victoire aurait été encore plus large…

Et puis, Barack Obama a obtenu pour la deuxième fois la majorité du vote populaire. Et seulement cinq présidents y sont parvenus dans toute l’histoire des États-Unis. 

Ce Barack Obama dans l’ombre n’attendrait que d’en sortir. Et pour cela, il pourrait compter sur son expérience, son intelligence, sa réflexion et sa modestie face aux problèmes du monde. De cela dépend sans doute sa place définitive dans l’histoire…

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