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Aubrey de Grey: à la recherche de la jeunesse éternelle

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JOL Press : Vous êtes souvent présenté comme « l’homme qui cherche à nous rendre immortels ». L’immortalité, vous y croyez ?

Aubrey de Grey : Je ne suis pas d’accord avec cette présentation de mes recherches. C’est du sensationnalisme et cela m’ennuie beaucoup car ça nuit à notre crédibilité et affecte, en conséquence, l’argent que nous parvenons à récolter pour nous financer.

JOL Press : Dans ce cas, comment décririez-vous vos travaux ?

Aubrey de Grey : SENS est une association disposant d’un centre de recherche en Californie. Nous y conduisons des recherches médicales dont l’objectif est d’empêcher les gens de tomber malades.

Un de nos projets sur lequel nous espérons pouvoir rendre publiques, prochainement, des avancées révolutionnaires, consiste à insérer chez nos patients un gène issue d’une bactérie et qui les empêcherait de mourir de maladies cardio-vasculaires – la cause n°1 des décès aujourd’hui.

JOL Press : Vous dites « prochainement », vous espérez quelle échéance ?

Aubrey de Grey : Le moment venu… il existe différentes approches pour traiter – et annihiler – les effets du vieillissement sur un individu et nous progressons lentement. Nous poursuivons nos expériences. Si tout se passe comme nous l’espérons, nous comptons sur des avancées considérables sur les rats d’ici 8 à 10 ans, applicables ensuite aux humains d’ici 20 ou 40 ans.

JOL Press : Concrètement, qu’entendez-vous par « traiter le vieillissement » ?

Aubrey de Grey : Les humains pourront vivre en meilleure santé, plus longtemps. Notre approche consiste à transformer le processus de vieillissement.

JOL Press : Comment comptez-vous y parvenir ?

Aubrey de Grey : La médecine régénérative vise à réparer les effets des dommages, à empêcher qu’ils ne se reproduisent. Notre objectif est d’inverser le processus, plutôt que de seulement le stopper ou le ralentir. Et pour cela, nous intégrons des gênes bactériens dans des cellules humaines, c’est radicalement nouveau.

JOL Press : Vous évoquez 20 à 40 ans avant que votre technique puisse être fiable sur les humains. Quel âge faudra-t-il alors avoir pour pouvoir en bénéficier ?

Aubrey de Grey : Toutes les générations, une fois que cela sera disponible, pourront en bénéficier. Même si, bien sûr, l’effet ne sera pas identique sur un patient d’un âge plus avancé que sur un patient plus jeune.  

JOL Press : Comment concrètement seront appliqués vos traitements ?

Aubrey de Grey : Dans un premier temps, cela passera par la chirurgie et le remplacement d’organes abimés par des organes régénérés. Puis, nous pourrons passer à de simples injections et, éventuellement, des pilules.

JOL Press : Dans de précédentes interviews, vous avez mentionné 29 ans comme l’âge idéal. Votre ambition est que tout le monde retrouve – ou conserve – la forme de ses 29 ans ?

Aubrey de Grey : Je ne fais pas référence à tel ou tel âge. Chacun, en fonction de l’utilisation qu’il fera de ces traitements, pourra remonter le temps et redevenir – ou rester – biologiquement jeune.

JOL Press :  Et donc nous pourrons vivre indéfiniment ?

Aubrey de Grey : On mourra toujours mais cette mort ne sera pas liée à l’âge et donc au seul vieillissement de l’organisme. Demeureront les morts accidentelles et les morts liés à des comportements dont une partie des risques demeureront.

JOL Press : Avec la jeunesse éternelle, c’est un changement profond de notre société que vous nous promettez…

Aubrey de Grey : Je ne suis pas sociologue, mais il est évident que les conséquences sociétales seront considérables…  La structure et la durée de la vie active, par exemple, s’en trouveront révolutionnées. Les relations inter-générationnelles aussi. Mais je laisse aux sociologues le soin d’en imaginer les conséquences.

JOL Press : Ne craignez-vous pas qu’en touchant aux gênes nous ne perdions une partie de ce qui fait notre humanité ?

Aubrey de Grey : La révolution industrielle ou les précédentes révolutions médicales nous ont-elles rendus moins « humains » ? Sommes-nous moins « humains » qu’à une époque où, par exemple, on s’interdisait d’ouvrir le corps humain pour opérer ? Je ne le crois pas, pas du tout.

Il en sera de même une fois que nos recherches auront trouvé leurs applications pratiques.

JOL Press : Vivre 1000 ans, cela vous tente vraiment ?

Aubrey de Grey : Je saurais aisément comment m’occuper.  

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