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Comment 2012 a transformé la Chine

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Par bien des aspects, et probablement sans que les dirigeants chinois l’aient soupçonné, l’année du Dragon a été à la hauteur de sa réputation.

Selon l’horoscope chinois, en tant qu’année du Dragon, 2012 était censée être particulièrement chanceuse et mémorable, car placée sous les bons auspices du changement. L’année qui vient de s’écouler restera effectivement parmi les plus mémorables de l’histoire récente de la Chine.

La chute de Bo Xilai

La plus grosse affaire est sans doute l’éviction spectaculaire de l’une des figures les plus fortes et les plus emblématiques du Parti communiste : Bo Xilai.

En l’espace de quelques mois, à partir de la fuite du chef de la police vers le consulat des États-Unis en février, le leader du Parti communiste de la ville de Chongqing – longtemps considéré comme une personnalité essentielle dans la course au pouvoir de la Chine – fut limogé, démis de ses fonctions et inculpé pour une quantité impressionnante de violations et de manquements à la discipline du parti, notamment pour « relations sexuelles inacceptables avec un certain nombre de femmes ».

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En quoi cela a-t-il de l’importance ? L’affaire a montré qu’en dépit de l’image unifiée qu’il tente de montrer au monde, le Parti communiste chinois est déchiré de l’intérieur. Après de longues discussions sur le sort de Bo Xilai, son licenciement eût des répercussions dans les coulisses des négociations menées autour de la transition décennale du pouvoir, et ce durant tout l’automne. Il s’agissait aussi de l’une des rares occasions pour le monde de percevoir les rouages du système politique opaque de la Chine.

En 2013, l’affaire Bo Xilai pourrait enfin un terme à la vieille rengaine selon laquelle le système de parti unique de la Chine est enviable car plus efficace que le « désordre » de la démocratie.

>> Lire Bo Xilai : la chute de l’étoile montante du PC chinois

Les tensions en Mer de Chine méridionale

L’une des tendances les plus préoccupantes de ces douze derniers mois fut celle de la montée constante des tensions entre la Chine et ses voisins à propos de différends territoriaux en Mer de Chine méridionale.

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En avril, la Chine et les Philippines se dirigeaient vers une impasse concernant le récif de Scarborough, un atoll principalement utilisé par les pêcheurs. Ce conflit a mené à une interdiction économiquement dévastatrice d’importer des bananes en provenance des Philippines. Quelques mois plus tard, le Japon et la Chine amenèrent les tensions à leur paroxysme à propos des îles Senkaku / Diaoyu. Un conflit qui poussa certains manifestants à détruire des voitures de marque japonaise ainsi que des commerces tenus par des Japonais.

Les enjeux principaux de ce conflit concernent les ressources, c’est-à-dire la pêche et les gigantesques réserves de pétrole et de gaz naturel. De plus, ces voies maritimes sont fréquentées par la moitié du commerce intercontinental mondial, en d’autres termes, des échanges d’une valeur dépassant les 1200 milliards de dollar. Le reste du monde a donc clairement intérêt à faire en sorte que la mer reste ouverte à tous. Mais que faire ?

Jusqu’ici, les États-Unis ont évité de s’impliquer au-delà de quelques déclarations affirmant qu’ils soutiendraient leurs alliés en cas de conflit. Mais alors que les tensions ne semblent pas se résorber, que le nouveau gouvernement japonais laisse envisager une attitude plus agressive et que la Chine a décidé de survoler l’espace aérien japonais, la Mer de Chine méridionale risque de devenir l’un des principaux points chauds de 2013 pour les Américains.

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>> Lire Montée des tensions sino-japonaises en Mer de Chine

L’évasion de Chen Guangcheng

L’une des images les plus iconiques, et qui a le plus enflammé le monde cette année, est celle du militant aveugle Chen Guangcheng qui, jambe plâtrée et portant des lunettes noires, est parvenu à s’évader de façon spectaculaire de sa résidence surveillée, dans la province de Shandong. Avocat autodidacte, Chen Guangcheng était en détention extrajudiciaire parce qu’il avait défendu les intérêts de femmes ayant été forcées de subir des avortements.

Fin avril, il grimpa sur un mur, échappa à ses gardes et s’enfuit en boitant à des centaines de kilomètres de là pour trouver refuge à l’ambassade américaine de Pékin. Après deux périodes d’intenses négociations diplomatiques, Chen Guangcheng obtenait un visa pour étudier à l’étranger, à la New York University.

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Au-delà de l’agitation que cet épisode a suscitée, en quoi est-il si important ? Tout au long de cette saga, Chen Guangcheng a toujours affirmé qu’il souhaitait simplement que la Chine obéisse à ses propres lois.

Selon les experts, la Chine aurait fait de réels progrès dans la façon d’établir ses lois. C’est la mise en application sur le terrain qui souffrirait cruellement de retard. Le cas de Chen Guangcheng a donné un visage humain à ce défi : le gouvernement peut-il parvenir à faire respecter ses lois par ses fonctionnaires ?

>> Lire Le dissident Chen Guangcheng s’évade et l’annonce par mail

L’ascension de Xi Jinping

Cette année, la Chine souhaitait la bienvenue à son premier nouveau leader de la décennie : le prince héritier Xi Jinping. Alors que ses antécédents politiques laissaient présager quelles allaient être ses priorités, le premier mois que Xi Jinping a passé au pouvoir a révélé quelques différences par rapport à ses prédécesseurs.

Pour commencer, Xi Jinping a un style oratoire décontracté, plus terre-à-terre, et a pris la décision de laisser une part d’improvisation dans ses discours. En outre, sa première visite officielle – dans la zone économique spéciale de Shenzhen – avait laissé entendre qu’il souhaitait aller plus loin dans les réformes économiques. Enfin, les promesses de répression des fonctionnaires corrompus a redonné le moral au Chinois moyen, lassé d’entendre parler de figures du Parti ayant amassé des richesses illégalement.

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Il est encore trop tôt pour en dire davantage sur les vrais objectifs de Xi Jinping. Jusqu’à présent, son grand slogan a été « rajeunissement national », une expression qui suggère que la Chine pourrait mettre en œuvre une politique étrangère plus forte et plus affirmée en 2013.

>> Lire Xi Jinpin, le prince rouge

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Le ralentissement économique

Avant toute chose, une mise au point : ce qui est considéré comme un « ralentissement » en Chine (7,5 % de croissance annuelle du PIB) serait une accélération spectaculaire pour le monde occidental. Ceci étant dit, 2012 a vu un remarquable changement de tendance qui ne sera pas sans conséquences sur l’avenir de l’économie chinoise.

Alors que beaucoup croient encore que les fondamentaux de la croissance sont toujours présents, de plus en plus affichent un certain scepticisme quant à savoir combien de temps la Chine pourra encore compter sur ses exportations et ses infrastructures comme moteurs de son économie. Désormais, même les économistes chinois reconnaissent que l’époque de la croissance à deux chiffres est définitivement révolue.

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Mais il ne s’agit pas que d’une mauvaise nouvelle. Les autorités chinoises savent que l’économie a besoin d’être rééquilibrée, notamment en se concentrant davantage sur l’innovation et la consommation plutôt que sur la manufacture bas-de-gamme. Et le gouvernement a aussi conscience qu’il est plus important de s’attaquer aux inégalités béantes de revenus plutôt que de continuer à présenter un PIB exorbitant.

Reste à voir comment ce basculement va s’opérer. Pendant des années, le Parti communiste a justifié sa position de parti unique en prenant à témoin le succès économique de la Chine. Les Chinois pourront-ils se contenter de perspectives plus modeste ?

GlobalPost / Adaptation : Antonin Marot pour JOL Press

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