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Dans l’intimité des tueurs de masse

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Comment comprende l’inacceptable ? Comment essayer de prendre du recul sur des évènemenst effroyables ? Aujourd’hui, alors qu’une nouvelle tuerie est intervenue à Newtown, je réalise à quel point le livre que nous venons de publier prend tout son sens.

Huit cents morts en trente ans, sept tueries par an : des chiffres éloquents pour un implacable constat, rappelé en quatrième de couverture de Tueurs de masse, paru à quelques jours du verdict dans le procès du Norvégien Anders Breivik, jugé pour la mort de soixante-dix-sept personnes.

Des centaines de cas depuis cinquante ans

Qui n’a pas en mémoire la fusillade de la high school de Columbine, en 1999, les tueries hexagonales de Tours, en 2001, ou de Nanterre, en 2002, celles d’Oslo et de l’île d’Utøya, l’an passé, ou encore d’Aurora, en juillet dernier ? Quatre drames exemplaires survenus dans trois pays, de part et d’autre de l’Atlantique, et qui ont fait la une des médias à travers le monde. Trois mass shootings, une forme de violence quasiment inexistante jusqu’aux années 1960, en forte augmentation depuis les années 1970-1980, et qui totalise des centaines de cas depuis cinquante ans.

Déroutantes autant que déstabilisantes, ces « tueries de masse » inquiètent, et questionnent l’efficacité des États en termes de sécurité, de législation et réglementation, ainsi que leur capacité à raffermir le lien social. Étonnamment, elles restent pourtant peu étudiées.

Que sait-on en effet, au juste, du profil de leurs auteurs ? N’ont-ils vraiment aucun mobile ? Avec quelles armes mettent-ils leur plan à exécution ? Existe-t-il des espaces de prédilection (établissements scolaires, centres commerciaux…) ? L’analyse des facteurs et mécanismes du passage à l’acte permet-elle de développer des outils de prévention ? Surtout, que peuvent faire les États et leurs services de police, confrontés à une menace qui échappe au registre traditionnel ? Ces tueurs d’un nouveau type sont-ils le produit de nos sociétés ?

Tel est le propos des auteurs de cet essai qui est aussi l’aboutissement d’une rencontre éditoriale teintée d’affinités et de connivence.

Olivier Hassid et Julien Marcel finalisaient un travail d’enquête comparative, à l’intention du plus large public, dans l’intimité des quelques cent vingt tueurs de masse répertoriés, lorsque leur lecture enthousiaste – à sa parution, en février – d’Orchestrer la rumeur*, par Laurent Gaildraud, a orienté vers nos équipes ces collaborateurs de Sécurité & Stratégie, une jeune revue semestrielle éditée par le Club des Directeurs de Sécurité des Entreprises (CDSE).

Une logique suicidaire, avec pour objectif de « faire » en une seule fois le plus de victimes possible

Notre collaboratrice Élodie Bourdon, éditrice, et moi-même les avons rencontrés dans la foulée, au siège des éditions, boulevard Saint-Germain. L’occasion pour eux d’évoquer de manière détaillée les contours de leur stimulant projet, à son stade d’avancement : un état des lieux de cette catégorie de crime, au niveau mondial et sur les dernières décennies, proposant notamment un profilage fin des criminels en question, au-delà du discours récurrent ; une somme unique de données mises en perspective et assorties de pistes d’action, pour mieux cerner les enjeux et identifier les tendances du phénomène, en comprendre les évolutions, et ainsi contribuer à le prévenir ou du moins à en limiter les dramatiques conséquences.

C’est d’abord la singularité d’un sujet – les mass shootings et leurs auteurs -, sans véritable concurrence dans la production française récente sur ce créneau, qui a retenu notre attention.

Au-delà de l’effrayante réalité, amplement relayée, la culture du divertissement importée des États-Unis et son univers de fiction romanesque et cinématographique (films, téléfilms et séries télévisées…) ont fait du tueur isolé une figure prégnante, presque familière, de notre imaginaire. Il s’agit cependant là le plus souvent non de tueurs de masse stricto sensu mais de meurtriers en série (serial killers) ou dits « à la chaîne » (spree killers), et c’est à ces « types » qu’est consacré l’essentiel de la littérature criminologique de vulgarisation disponible.

Les tueurs de masse, quant à eux, ouvrent le feu dans la foule sans raison ni motif clairement identifié, dans une logique suicidaire, avec pour objectif de « faire » en une seule fois le plus de victimes possible – représentants d’une société qu’ils jugent responsable de leur mal-être ou de leur déchéance. Parfois marginaux, fondus dans la masse, ils agissent en électrons libres, sans signe avant-coureur et de manière spectaculaire, dans le contexte facilitateur d’un marché des armes proposant des engins toujours plus destructeurs et discrets.

Effort de formalisation synthétique des informations présentées

[image:2,s]Autant de traits distinctifs rappelés par les auteurs, un duo dont la puissance de conviction et le dynamisme communicatif n’ont pas peu contribué à emporter notre adhésion.

Experts passionnés, Olivier Hassid et Julien Marcel se démarquent sensiblement des criminologues notoires – généralement professionnels de la psychologie ou de la psychiatrie – par leur profil et leur activité, reflétés dans l’approche et la démarche proposées, assez conformes à la ligne ambitieuse de la revue, entre réflexion didactique et réponse au besoin d’information pertinente des entreprises, institutions, universités et think tanks.

Olivier Hassid, directeur de la publication et rédacteur en chef de Sécurité & Stratégie, par ailleurs auteur de nombreux ouvrages relatifs à la sécurité en entreprise et à la gestion des risques, est en effet docteur en sciences économiques. Chargé de cours à l’université Paris X-Ouest Nanterre, conférencier à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) ainsi qu’à l’École nationale supérieure de la police (ENSP), il collabore au Centre international de criminologie comparée de l’université de Montréal. Julien Marcel, juriste de formation, auteur de nombreux articles relatifs à la criminologie, est quant à lui chargé de mission au CDSE.

Cartographies, tableaux synoptiques ([date et localité, type d’action, lieu, nombre de morts et de blessés, types d’armes, identité de l’auteur, genre et âge, diplômes et profession, caractéristiques et environnement, explications invoquées] des mass shootings aux États-Unis – de 1966 à 2012 – et dans le reste du monde [Afrique, Asie/Océanie, Europe] – entre 1984 et 2012-), nombreux graphiques, études des messages laissés par les tueurs (écrits ou vidéos postés sur l’Internet, manifestes, lettres et journaux intimes) ou de leurs déclarations à la police, bibliographie, index.

Nous avons été, enfin, tout particulièrement séduites par la qualité et la rigueur de la documentation rassemblée ainsi que par l’impressionnant effort de formalisation synthétique des informations présentées – rapidement repérés par des confrères collaborateurs de rédactions de l’audiovisuel, à l’affût de précieuses sources !

Olivier Hassid et Julien MarcelTueurs de masse ( Eyrolles)

Laurent GaildraudOrchestrer la rumeur – Rival, concurrent, ennemi… comment s’en débarrasser ! ( Eyrolles)

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