Site icon La Revue Internationale

Dans une usine de sapins en Thaïlande

arbre1.jpgarbre1.jpg

[image:1,l]

Voilà d’où arrivent une partie des sapins de Noël vendus aux États Unis : d’un complexe industriel au cœur d’une métropole asiatique, étouffée par la chaleur et surpeuplée par des hommes et des femmes en claquettes.
Dans une zone industrielle de la capitale thaïlandaise, la Société des Exportateurs de Décorations de Noël de Bangkok est en plein rush, c’est la saison ! Pendant le reste de l’année, les ouvriers de l’usine ont été payés environ 4,50 euros de l’heure pour assembler le plastique, les tuyaux et les décorations des sapins de Noël artificiels.

Pour les entrepreneurs thaïlandais, c’est seulement un business

Cette semaine, c’est la course pour envoyer, aux quatre coins du monde, leurs commandes. Le temps presse, Noël approche.
Si votre sapin de Noël porte la marque « Made in Thailand », il a sûrement été confectionné, ici, dans un entrepôt entouré de palmiers.
« Nous importons les matériaux non traités – le fil de fer, les tuyaux en PVC, les paillettes – depuis la Chine et Taïwan puis nous fabriquons les sapins dans notre usine », explique Srivitta Watsiriseree, gérante de l’entreprise familiale Exportateurs de Décorations de Noël de Bangkok. « Les gens nous demandent toujours : « Pourquoi faites-vous ça ? Vous êtes Chrétiens ou quoi ?« . Nous aimons les fêtes de Noël » affirme Srivitta, dont la famille est bouddhiste. « Mais il s’agit seulement d’un business. »
Et ce business marche bien. Le commerce de sapins de Noël artificiels est dominé par des opérateurs asiatiques – la plupart basés sur les côtes orientales de la Chine – qui produisent des sapins en plastique économiques pour le marché américain.

Vrais sapins contre faux sapins

[image:2,s]Mais l’expansion des faux arbres de Noël a provoqué une réaction violente des lobbies de producteurs de sapins américains. L’Association Nationale des Sapins de Noël, qui s’occupe de la promotion des arbres ayant poussé aux États-Unis, insiste sur le fait que les sapins artificiels sont potentiellement toxiques et qu’ils représentent une menace pour l’emploi dans les fermes américaines. Argument déterminant : ils seraient de la famille des brosses à toilettes.
Les faux sapins trouvent leurs origines dans les années 1930, lorsqu’un producteur de brosses de toilettes, la société Addis Brush, a produit le premier arbre artificiel. Les premiers sapins de Noël artificiels étaient « des brosses de toilettes énormes et vertes », affirme cette association.
Les arbres importés de l’étranger peuvent aussi être toxiques pour les enfants du fait des toxines que contiennent les tuyaux en PVC, clame l’association dans ces campagnes publicitaires, qui évoquent « les défaillances de la Chine sur les questions environnementales. »
Mais l’Association américaine des arbres de Noël, qui défend les arbres artificiels, riposte. Leur chiffre d’affaires serait de 1 000 milliards de dollars en 2011, contre les 984 millions de dollars dépensés pour les vrais arbres. Cette association a, elle aussi, son argument imparable : les vrais arbres sont sales, moisis et chers.
Concernant les troncs en PVC, l’association assure que « le PVC est un plastique absolument sûr », utilisé pour la fabrication de tuyaux contenant de l’eau potable, des emballages pour la nourriture et des sacs pour les intraveineuses.  

Les consommateurs asiatiques se mettent aussi à la mode du sapin…rose, jaune ou bleu

[image:3,s]Alors que la tendance est en faveur des faux arbres, les pertes des fermes américaines correspondent en grande partie aux gains des producteurs chinois. Près de 90 % des faux arbres vendus aux États-Unis arrivent de Chine, selon l’organisation à but non lucratif Nature Conservancy.
Même la Société des Exportateurs de Décorations de Noël de Bangkok, qui a ouvert en 1987, a vu la concurrence chinoise s’emparer d’une grosse partie de ses ventes vers les États-Unis.
« Nous vendions à Walgreens et Wal-Mart, mais c’est dur de concurrencer les Chinois » explique Srivitta.
Sa société s’est donc focalisée sur le marché en expansion des arbres de Noël et des décorations en Asie, notamment en Thaïlande.
Dans toutes les zones de shopping en Asie, Noël a perdu ses racines chrétiennes et offre une excuse de plus pour consommer. Les Thaïlandais, en particulier, adorent cette ambiance si particulière des célébrations de Noël. Nombreux sont ceux qui utilisent cette fête comme une excuse pour faire des cadeaux à leur famille à l’approche de la fin de l’année.
Le goût asiatique pour le côté kitsch de Noël dépasse même ce que l’on observe désormais en occident. En observant le top des ventes de la Société des Exportateurs de Décorations de Noël de Bangkok, on s’aperçoit que les arbres le plus demandés sont ceux qui ont des couleurs vives : rose chewing-gum, jaune citron et pourpre mûrier.
DTAC, une compagnie de télécommunications thaïlandaises leur a commandé un énorme arbre bleu, pour l’associer aux couleurs de l’entreprise. Une banque thaïlandaise, Kasikorn, en a fait de même avec un arbre en néons verts.

Noël 2011 : une demande accrue, malgré les inondations

Actuellement, le marché thaïlandais couvre à lui seul 70 % des ventes de la Société des Exportateurs de Décorations de Noël de Bangkok. Les exportations vers l’Europe, le Canada, les États-Unis, Hong-Kong, Singapore, le Sri Lanka et d’autres nations forment le reste.
En 2011, la demande a augmenté, malgré les violentes inondations qui ont frappé la Thaïlande l’automne dernier – les plus graves des cinq dernières décennies – et qui ont entouré l’usine de sapins de Noël d’eau dense et âcre, ralentissant la production. Beaucoup d’ouvriers ont vu leurs maisons submergées par les inondations et sont rentrés dans leurs provinces d’origine.
La plupart sont maintenant retournés à l’usine pour préparer les commandes à destination de l’Asie et des alentours, pour célébrer une fête dont ils comprennent à peine le sens.
« Les gens d’ici pensent que cela a un lien avec le bonheur, les lumières, le shopping, témoigne Srivitta. C’est une saison heureuse où tout le monde décore avec des jolies choses ».

GlobalPost/Adaptation Melania Perciballi pour JOL Press 

Quitter la version mobile