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Faut-il avoir peur de la Corée du Nord?

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Quand la Corée du Nord prend le monde par surprise

Le jeune leader Kim Jong-Un a savamment réussi à marquer le premier anniversaire de son mandat. Il y a un an, la mort de son père, Kim Jong-Il, propulsait son fils à la tête du pays le plus fermé du monde. Dans un pays écrasé par le culte de la personnalité, ce tir est un moyen de rappeler la force et la continuité du régime.

Le « lancement réussi d’un satellite, entré sur orbite comme prévu », comme l’ont martelé les télévisions nord-coréennes, a pris de court la communauté internationale. « Selon les indications initiales, le missile a déployé un objet qui s’est placé en orbite », a déclaré le commandement de la défense aérienne nord-américain (NORAD).

Les services de renseignements de la planète n’ont pas été capables de prévoir le lancement de la fusée ; la veille, l’Institut américano-coréen de l’université John Hopkins à Washington avait déclaré que les Nord-Coréens avaient dû démonter leur fusée suite à des « défaillances techniques », et devaient repousser de dix jours la date de son lancement.

En jouant sur l’effet de surprise, la Corée du Nord a réussi à balayer d’un revers de main le tir manqué en avril dernier, lorsque la fusée avait explosé quelques secondes seulement après le décollage.

Geste provocateur ou réel danger ?

À Washington, le lancement de la fusée a immédiatement fait réagir la Maison Blanche, qui a dénoncé un acte « hautement provocateur, menaçant la sécurité de la région », en infraction avec les résolutions 1718 et 1874 de l’ONU qui interdisent à Pyongyang toute activité nucléaire ou balistique.

Ce lancement serait une première pour la Corée du Nord, qui affirme posséder des missiles balistiques intercontinentaux, ayant la capacité d’atteindre le continent américain. Si les trois derniers tests effectués par le régime (en 2006, 2009 et 2012) se sont soldés par des échecs, ce dernier pourrait bien représenter un nouveau danger pour les grandes puissances militaires mondiales, et en premier plan, les États-Unis.

Cependant, dans un entretien accordé au Nouvel Observateur, Pierre Rigoulot, spécialiste de la Corée du Nord, déclare qu’il faut « relativiser cet évènement ». Il rappelle que les Nord-Coréens sont très respectés concernant leur technique militaire, celle-ci étant vendue dans des pays comme l’Inde ou le Pakistan.

« Ce tir est nouveau seulement par sa portée. […] C’est un gros progrès mais est-il inquiétant ? Nous n’en sommes pas encore à une utilisation nucléaire puisque leurs ogives ne peuvent pas contenir de tels matériaux. […] La portée des missiles est insuffisante, même s’il faut noter qu‘Hawaï, l’Alaska ou peut-être même San Francisco peuvent être atteints… »

Un tir stratégique pour la Chine

Le rôle de la Chine n’est pas négligeable. Alors que Xi Jinping vient de prendre la tête du pays, la Chine ne semble pas avoir réellement changé de ligne de conduite vis-à-vis des provocations de son allié nord-coréen.

Les réactions chinoises sont assez ambiguës sur la question : Pékin a dénoncé la « désobéissance » de Pyongyang, regrettant le tir du missile et estimant que le pays devrait « se plier aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU »

Malgré son mécontentement, Pékin pourrait pourtant tirer quelques bénéfices de ce geste de la Corée du Nord, alors que ses relations avec les États-Unis sont tendues. Ceux-ci s’intéressent en effet de près aux voisins de la Chine, comme en témoigne la récente tournée asiatique de Barack Obama quelques jours seulement après sa réélection, en novembre dernier. « Aux yeux de Pékin, ce tir peut rappeler à Washington les dangers de cette région », rappelle Pierre Rigoulot.

La Chine, seule alliée de la Corée du Nord dans la région, a systématiquement posé son veto au cours des dernières réunions du Conseil de sécurité de l’ONU, suite aux diverses menaces nord-coréennes. Selon des médias japonais, le Japon, les États-Unis et la Corée du Sud souhaitent demander au Conseil de sécurité un renforcement des sanctions contre la Corée du Nord, au niveau de celles engagées contre l’Iran. Reste à savoir si la Chine fera une fois de plus usage de son droit de veto.

Les vrais dangers de la Corée du Nord

Malgré un changement de leader à la tête de l’État, et avec lui un – semblant – d’ouverture (on a vu Kim Jong-Un assister à un spectacle avec des personnages de Disney, et sa femme a fait plusieurs apparitions « publiques »), la Corée du Nord reste un État totalitaire, où le régime exerce un contrôle permanent sur la population, qui n’a quasiment aucun moyen de faire pression. La mainmise du régime sur l’information reste un problème majeur pour les services de renseignement internationaux.

En effet, si Internet fait ses débuts dans le pays, celui-ci est réservé à des hauts fonctionnaires, hommes d’État et universitaires, ayant obtenu une autorisation spéciale. Mais la Corée du Nord sort le grand jeu lorsque des étrangers sont invités dans le pays. « À l’occasion du 65ème anniversaire de la fondation du Parti des travailleurs de Corée, en octobre 2010, les quelque 80 journalistes étrangers invités pour couvrir la parade militaire bénéficiaient d’un accès total à Internet depuis l’hôtel Koryo qui les hébergeait », rappelle un rapport de Reporters sans frontières, publié en mars 2011.

Enfin, si la communauté internationale n’a pas les moyens d’agir contre la Corée du Nord, affirme Pierre Rigoulot, « c’est aussi en raison de l’arsenal militaire très important de ce pays qui détient un très grand nombre de missiles à courte et moyenne portées, des armes conventionnelles et des produits chimiques extrêmement dangereux… sans avoir besoin de missiles à longue portée ».

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