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J.F. Roubaud: «Formation et anticipation, deux défis pour les PME»

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Jean-François Roubaud nous reçoit à l’occasion du lancement de la nouvelle campagne de la CGPME, l’organisation patronale qu’il préside, et qui a choisi cette année de souligner l’importance de la formation professionnelle continue avec un slogan fort : « Avec la formation professionnelle, les PME ciblent l’emploi ». Son enthousiame est entier, tout comme sa confiance dans un futur qui va renouer avec la croissance. À ses côtés, pour incarner ce message, Sébastien Flute, ancien médaillé olympique de tir à l’arc – une disipline qui représente la maîtrise et la concentration face à la cible. Son témoignage de sportif qui est devenu entrepreneur est un exemple réussi de reconversion ambitieuse avec une formation en cours de parcours. Les deux hommes ont décidé de prendre la question de l’emploi à bras le corps et de placer la formation au coeur de l’enjeu. Entretien « ciblé ».

Une nouvelle campagne pour inciter à la formation continue

JOL Press : Une nouvelle campagne, un slogan en faveur de la formation professionnelle continue pour les PME… La CGPME s’engage. Qu’est ce qui change dans le message que vous faites passer aujourd’hui ?

Jean-François Roubaud : La formation professionnelle continue, c’est un enjeu très important pour nos entreprises, y compris, et surtout peut-être, pour les petites et moyennes entreprises. Si l’on veut rester compétitif, si l’on veut faire de l’innovation, si l’on veut partir à l’international, il faut vraiment une formation de l’ensemble des salariés. Je crois que, dans nos entreprises, on a pris conscience, bien sûr, de ce besoin de formation. On le voit de plus en plus, il y a une légère amélioration au niveau des TPE-PME, mais bien moins que dans les grandes entreprises. Donc le but de cette campagne, c’est de sensibiliser nos chefs d’entreprise pour leur faire comprendre que la formation, c’est presque un devoir du chef d’entreprise. Vous savez qu’à travers nos organismes de collecte de formation, nous allons voir les chefs d’entreprise pour construire avec eux leur plan de formation, tous les ans, de façon à ce que ça soit vraiment opérationnel, et dédié directement à leurs qualifications, à leurs spécificités d’entreprise. Notre combat sur ce sujet est quotidien. Ainsi, la POE- Préparation Opérationnelle à l’Emploi-  a été introduite par la réforme de la formation en 2009, sur proposition de la CGPME et connaît aujourd’hui des résultats très encourageants.

Le clip de la campagne signée Image et Stratégie 

JOL Press : La question du chômage est en effet cruciale aujourd’hui. Pensez-vous, comme il est courant de le dire, que les PME sont le poumon de l’emploi en France ?

Jean-François Roubaud : Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La France compte aujourd’hui plus de trois millions de demandeurs d’emploi sans activité, et 4,733 millions si l’on inclue ceux avec une activité réduite. Et tous les indicateurs indiquent que le taux de chômage va encore augmenter dans les prochains mois. Or les PME qui représentaient 8,7 millions d’emplois en 2010, ont créé 2,3 millions d’emplois sur les 2,8 millions d’emplois créés en France ces vingt dernières années (Source : étude KPMG-CGPME – juin 2012 ). Selon nos estimations, les PME ont été encore largement créatrices d’emplois en 2011. Donc oui, le premier constat que l’on peut faire est que les PME sont un vivier d’emplois et que ce sont elles qui seront les principaux acteurs de la lutte contre le chômage. 

JOL Press : Défendre la formation, c’est bien. Mais réfléchir à ses bénéficiaires, n’est-ce pas aussi essentiel ? Trop de personnes aujourd’hui échappent au système. Que pensez-vous du projet du « crédit-formation » individuel ?  

Jean-François Roubaud :  Vous avez raison, je crois que l’individualisation de la formation est un projet très important. C’est d’ailleurs un des sujets qui est en train de se négocier avec les partenaires sociaux. La question est comment mettre en place ce système ? Car aujourd’hui, on sait bien que les hommes et les femmes ne vont pas faire leur carrière dans la même entreprise. Il va y avoir des changements, et même peut-être des changements importants : des changements de métier, de technologie, de rythme... Donc cette formation va permettre de maintenir une adaptabilité au marché, et si elle est individualisée, elle sera gérée par le salarié comme un capital qui lui sera propre et qui l’aidera à évoluer tout au long de sa vie professionnelle.

JOL Press : Vous pensez donc, qu’en France, un accord verra bientôt le jour sur cette question du « crédit-formation », ?

Jean-François Roubaud :  Oui, je crois que la négociation que nous menons aujourd’hui avec les partenaires sociaux va dans ce sens. Il y aura vraiment un crédit, une individualisation du crédit de la formation, si vous voulez. Chacun pourra voir où il en est, quels sont ses droits en matière de formation et y compris quel est le nombre d’heures dont il peut bénéficier, et il choisira bien sûr les domaines qui l’intéressent, en fonction de ses projets de vie et pas forcément uniquement par rapport au travail qu’il fait aujourd’hui dans l’entreprise.

JOL Press : Et qu’en est-il de l’adéquation de ces formations avec la réalité de l’emploi ? 

Jean-François Roubaud : Il est vrai que 30 % des métiers d’aujourd’hui n’existaient pas il y a dix ans. L’enjeu de la formation continue est d’optimiser la mise à jour des nouvelles pratiques et des nouveaux besoins. Il est important que les organismes de formation amorcent leur mutation pour se montrer plus réactifs.

Les négociations avec les partenaires sociaux doivent aboutir à une modernisation des conditions de travail

JOL Press : Dans quel climat se passent aujourd’hui vos échanges avec les différents partenaires sociaux dans le cadre des négociations pour l’amélioration des conditions de travail ? Qu’en est-il du pacte de compétitivité ?

Jean-François Roubaud :  Pour l’instant, évidemment, c’est une négociation, donc chacun essaie de faire valoir ses points de vue. Le titre précis de notre cadre de réflexion est : « Améliorer les conditions de travail, la sécurisation des parcours professionnels ». L’idée de sécurisation doit être partagée. Cela veut dire qu’il faut sécuriser d’un côté les salariés, mais aussi sécuriser les employeurs. Si, on parle par exemple des contrats à durée déterminée. Les syndicats de salariés voudraient qu’on élimine ces contrat. Je rappelle que c’est un besoin surtout pour les PME, et nous ne souhaitons pas revenir dessus. Sur ce point, il y a une divergence de points de vue, entre les salariés et les chefs d’entreprise. Même si, bien sûr, nous sommes ouverts à certains aménagements. Mais la vraie question est plutôt : pourquoi les chefs d’entreprise choisissent aujourd’hui de recourir à des CDD, plutôt qu’à des CDI ? Je rappelle que les contrats à durée indéterminée représentent 84 % des contrats « en stock », si j’ose dire. Parce que sans doute que les contraintes du CDI sont excessives. Le droit du travail est devenu trop complexe. Il crée un cadre illisible pour un chef d’entreprise, et souvent en sa défaveur. Par exemple, vous licenciez quelqu’un dans votre entreprise, vous lui faites signer une lettre comme quoi c’est un solde de tout compte, avec son accord. Et bien, savez-vous que ce salarié peut revenir sur l’accord jusqu’à cinq ans après, en saisissant un tribunal des Prudhommes ? Donc il y a une incertitude qui est inacceptable pour un chef d’entreprise, surtout dans une PME, où il n’y a pas de DRH qui s’occupe de tous ces problèmes-là. Il faut donc peut-être travailler davantage sur le concept même des CDI, et ainsi, les PME auront moins besoin d’utiliser le CDD. 

JOL Press : Vous vous prononcez donc clairement pour davantage de flexibilité dans le cadre contractuel du travail ?

Jean-François Roubaud : Nous sommes favorables à la mise en place de plus de flexibilité, bien entendu. L’intérêt d’un employeur n’est pas de licencier, mais d’embaucher. S’il doit réduire son équipe, c’est qu’il ne peut pas faire autrement. 

JOL Press : Qu’avez-vous pensé de la polémique des « pigeons », soulevée par de jeunes entrepreneurs ? Est-ce qu’aujourd’hui vous avez l’impression que les précoccupations des entreprises sont davantage prises en compte par le gouvernement ?

Jean-François Roubaud : Le phénomène  des « pigeons » a été tout à fait épisodique. Cela a été spectaculaire parce que c’était tout nouveau. Ces jeunes entrepreneurs se sont servi d’Internet pour faire voir qu’il y avait un ras-le-bol de certains patrons. Mais je vous rappelle que, si ce petit groupe a allumé la mèche, qui a permis d’accélérer le mouvement, c’est parce que nous, la CGPME, en tant qu’organisation interprofessionnelle, nous avions déjà exprimé notre désaccord sur le projet de loi de finances. Nous avons travaillé avec le ministre des Finances pour en discuter. Mais l’action des « pigeons » a été un épiphénomène qui se reproduira sans doute à d’autres occasions, et qui a permis d’accélérer le mouvement. Mais nous, nous travaillons dans la durée. Dénoncer un problème, c’est une chose, trouver des solutions, c’en est une autre.  

Le médiateur du crédit, acteur essentiel entre les entreprises et les banques

JOL Press : La crise a aggravé la situation financière de nombreuses PME. La fonction d’un médiateur du crédit doit-elle être prolongée pour continuer à faire le pont entre les banques et les entreprises ? 

Jean-François Roubaud : La médiation du crédit se termine officiellement à la fin du mois de décembre de cette année. Donc j’ai demandé, déjà avec l’ancien gouvernement, et avec le nouveau, à ce qu’on maintienne cette position. Car ce poste de médiateur du crédit, qui a été extrêmement important il y a quelques années, au début de la crise financière, l’est encore aujourd’hui. Maintenant, avec la crise économique, on en a toujours besoin, plus que jamais même. On a besoin d’un homme de l’extérieur qui puisse aider l’entreprise, parce que la relation avec la banque, surtout pour une petite entreprise, est souvent difficile, pour des raisons que l’on peut comprendre : la banque est elle aussi soumise à des difficultés avec la nouvelle réglementation de Bâle 3, elle a du mal à accorder des crédits supplémentaires, mais l’entreprise, en ce moment, a des difficultés de paiement, car les conditions de paiement ne sont plus respectées, la LME n’est pas respectée, les délais se rallongent, et l’entreprise a des besoins financiers. Donc il faut qu’il y ait un intermédiaire pour essayer de trouver un accord entre la banque et l’entreprise, pour permettre de trouver de l’argent. Je demande bien entendu vivement la prolongation de ce médiateur du crédit,  et j’espère que ce sera fait.

JOL Press : Iriez-vous même jusqu’à suggérer que le médiateur dispose d’un champ d’action élargi ?

Jean-François Roubaud : Non, je ne demande pas à ce qu’on augmente le pouvoir du médiateur, je demande simplement qu’un nouveau médiateut du crédit soit nommé à partir du 1er janvier 2013, et qu’il tienne la place qu’il a à prendre, c’est-à-dire qu’il vienne aider les entreprises qui sont en difficulté avec leur banque.  

L’interview de Jean-François Roubaud en vidéo

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