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La procréation médicalement assistée divise les députés PS

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C’est décidé, les députés socialistes déposeront un amendement au projet de loi pour le « mariage pour tous » afin de permettre aux couples de femmes mariées de pouvoir accéder à la procréation médicalement assistée (PMA). Si Bruno Le Roux, président du groupe, l’avait annoncé, ce n’est pas un sujet qui fait l’unanimité au sein des députés de la majorité, tant sur le fond que sur la stratégie politique à adopter.

Ils ont cependant été 126 contre 61 à se prononcer pour la déposition de cet amendement. « Nous pensons que c’est dans ce texte qu’il sera le mieux mis en œuvre, mais si le gouvernement nous propose un autre texte avec un échéancier, nous sommes prêts à continuer le dialogue », a expliqué Bruno Le Roux, à l’issue de cette réunion.

Sujet de division à la tête de l’État

Un désaccord qui ne surprend pas après les déclarations du président de la République une semaine plus tôt. « Si j’avais été favorable [à cette mesure], je l’aurais intégrée dans le projet de loi », avait indiqué François Hollande assurant que si un amendement allant dans ce sens devait être adopté lors des débats parlementaires, il ne s’y opposerait pas. Cette mesure « sera débattue au Parlement qui décidera souverainement », avait-il alors précisé.

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a lui aussi longtemps soutenu que la question de la PMA devrait être débattue dans le cadre de la révision des lois bioéthiques, et non pas introduite dans ce projet.

Christiane Taubira semble pour sa part avoir un avis plus tranché. La Garde des Sceaux n’a en effet pas hésité à déclarer, lors des 3èmes rencontres de la laïcité, organisées par Jean Glavany et le groupe socialiste à l’Assemblée nationale : « Le texte actuel du gouvernement ne traite pas de ce sujet. S’il arrive dans le débat parlementaire, le gouvernement ne bloquera pas les choses ».

Les arguments des députés qui s’opposent à la PMA

Pour certains, c’est avant tout un problème de calendrier, pour d’autres, la PMA mériterait un vrai débat national, pour d’autres encore, ce sujet pourrait radicaliser l’opposition, car si le mariage homosexuel semble acquis à l’Assemblée, il n’en est pas du tout de même pour la PMA.

En tête de l’opposition, Jean-Christophe Cambadélis, concurrent d’Harlem Désir à la tête du Parti socialiste. « Il faut rassembler pour faire avancer la société », justifie-t-il dans un communiqué. Pour lui, la PMA est un sujet trop clivant et risque de susciter des divisions au sein même du camp socialiste. « Depuis les années 1970, j’ai été de tous les combats » pour les droits des homosexuels, et « je suis naturellement pour le mariage pour tous. Il s’agit d’un nouveau droit », assure-t-il. Mais, poursuit le député socialiste, « avec la PMA ouvrant le chemin à la gestation pour autrui, nous passons à autre chose. Il ne s’agit plus seulement d’égalité, de liberté, mais du genre humain. L’adoption oui, mais la PMA c’est agir non sur la famille, non sur la morale, mais la réalité humaine voire psychique de notre société. »

Gérard Collomb partage cet avis. Aussi faisait-il part jeudi 6 décembre de ses « interrogations » sur le projet de loi légalisant le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels. Argumentant contre la procréation médicale assistée, le maire socialiste de Lyon redoutait « une évolution de la société qui peut être un peu dangereuse ». « On va permettre effectivement le mariage. Demain, on voit bien qu’il y a des gens qui disent il faut permettre l’adoption. Et puis, demain, la procréation assistée. Et demain, vous avez un risque de marchandisation des corps », avait-il expliqué sur France Inter.

Autre opposition de poids, l’ex-garde des Sceaux, Elisabeth Guigou, qui estime qu’il est « dommage » de traiter de la PMA « de cette manière, par le biais d’un amendement ». « Cela soulève des questions de fond qu’il convient de discuter dans un projet de loi spécifique », a-t-elle ajouté.

Mais une grande majorité y est favorable

Si ces différents avis ont été entendus, ils n’ont pas suffi à convaincre la grande majorité des députés socialistes. Pour le premier secrétaire Harlem Désir, déposer un amendement sur la PMA c’est aller « au bout de l’égalité ». « À partir du moment où il y aura le droit au mariage pour tous, et donc pour les couples homosexuels, nous voulons aller au bout de l’égalité, y compris pour la PMA », a-t-il déclaré sur France 3, après avoir souligné que la procréation médicalement assistée « est aujourd’hui un droit pour les couples mariés, c’est-à-dire les couples hétérosexuels ». La PMA est en effet aujourd’hui ouverte aux couples, vivants, en âge de procréer, mariés ou pouvant justifier de deux ans de vie commune.

« Tous les pays qui ont adopté le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels ont aussi prévu la PMA. C’est une question de logique, de cohérence », a renchérit le rapporteur PS, Erwann Binet. Et à ceux de son camp qui s’interrogent toujours sur la pertinence de traiter ce sujet « bioéthique », « qui relève du code de la santé », Corinne Narassiguin, responsable du projet de loi sur le « mariage pour tous » répond : « Aucune loi sur la bioéthique n’est dans les tuyaux des ministères ». Et d’ajouter : « À partir du moment où l’on permet à la conjointe d’adopter l’enfant de l’autre, on ne peut pas fermer les yeux sur la manière dont cet enfant a été conçu ».

Le projet de loi sur le mariage et l’adoption par les couples homosexuels débutera, quoiqu’il en soit, le 24 janvier à l’Assemblée nationale.

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