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Le Nobel de la Paix aidera-t-il l’Europe à conclure son union bancaire?

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Le symbole est fort. En pleine tourmente économique, Angela Merkel et François Hollande, assis côte à côte, le 10 décembre 2012 pour recevoir le prix Nobel de la Paix à Oslo au nom de l’Europe. Pas aussi fort que l’image d’Helmut Kohl main dans la main avec François Mitterrand à Douaumont le 22 septembre 1984, 70 ans après le début de la Guerre de 1914-1918, mais plus décisif. En 1984, il s’agissait de sublimer le passé, aujourd’hui il s’agit de sauver l’avenir. Toutefois, derrière ce beau symbole se cache une situation incertaine. L’Europe est un vaisseau amiral qui tangue sérieusement. La force des bons sentiments suffira-t-elle à conserver une Union si chèrement acquise ?

Un prix Nobel « pour encourager l’Europe à aller de l’avant »

Si l’argent est le nerf de la guerre, il est surtout en vérité celui de la paix. Or c’est ce nerf-là qui est en train de faire défaut à une Union de plus en plus déséquilibrée.

C’est bien le sens du discours du président du comité Nobel, Thorbjoern Jagland, lorsqu’il a remis le prix aux trois représentants de l’Union européenne : Herman Van Rompuy, président du Conseil, José Manuel Barroso, président de la Commission, et Martin Schulz, président du Parlement. Thorbjoern Jagland, avec des accents particulièrement europhiles, a appelé l’Union européenne à « aller de l’avant » malgré la crise. « Sauvegarder ce qui a été gagné et améliorer ce qui a été créé pour nous permettre de résoudre les problèmes menaçant la communauté européenne aujourd’hui, c’est la seule façon de résoudre les problèmes provoqués par la crise financière », a-t-il déclaré, pour faire de ce Prix un encouragement à sauver ce qui doit l’être. 

L’Europe, vieille dame indigne, ou jeune frivole désespérée ?

L’Europe, on le sait, s’est construite sur l’élan des Trente glorieuses, et a poursuivi son édification économique, portée par une confiance aveugle dans une économie de croissance. Les crises du pétrole et crises financières successives n’ont pas entamé la cadence. L’Europe se disait riche, et pendant un temps, elle le fut.  La politique de l’euro « fort », a forcé de nombreux pays à s’endetter sous l’œil complaisant de Bruxelles. Aujourd’hui, le résultat est connu : les dettes excessives ont fait plier les Etats, pendant que la crise de 2008 a ralenti, voire annulé tout espoir de croissance immédiat. La zone euro a pris en quelques mois un air de « sauve qui peut », avec en détonateur une crise grecque, qui a joué le rôle de Cassandre tragique. Conséquence ? L’Europe n’a plus d’autre choix que d’avancer vers plus d’union, alors même que les tentations protectionnistes refont surface dans de nombreux pays.

Le choc de la dégradation financière

De plus, malgré les efforts conjugués pour mettre en place des mécanismes financiers sauveteurs de la zone, coup de massue : vendredi 30 novembre 2012, l‘agence de notation Moody’s dégrade d’un cran la note du Mécanisme européen de stabilité (MES), de Aaa à Aa1, avec une perspective négative, tout comme celle du Fonds européen de stabilité financière (FESF), également de Aaa à Aa1, lui aussi assorti d’une perspective négative. Dommage collatéral : l’ensemble des titres de dette émis à ce jour par le FESF se voient aussi dégradés d’un cran, passant de Aaa à Aa1.
Une décision qui fait probablement suite à la récente dégradation de la note souveraine de la France le 19 novembre dernier, la France étant jugée comme essentielle à la stabilité de la zone (rappelons que sa part dans le MES s’élève à 20,4 %).

L’espoir du projet d’Union bancaire

Le projet d’union bancaire européenne ( permettant de mettre en place une supervision des banques de la zone euro) qui semblait un peu utopique avant l’été, devient de ce fait l’unique bouée de sauvetage du système.
Les ministres des Finances de l’Union européenne, plus que jamais conscients des enjeux, se réunissent mercredi prochain (le 12 décembre) à Bruxelles pour tenter de conclure un accord sur la supervision, une étape cruciale pour le projet d’union. L’objectif est d’aboutir à un compromis, qui servirait de base à un futur accord entre les chefs d’Etat et de gouvernement, réunis jeudi et vendredi prochains en sommet européen.

La question du champ de supervision

Quel est le point critique de l’accord ? Il porte sur les conditions de faisabilité d’une telle supervision. Il est sûr que plus l’union couvrirait un champ large de contrôle, plus son efficacité serait moindre. Si l’on considère que la zone euro comporte près de 6.000 Etablissements, il semble impossible que la Banque centrale européenne, même adossée à un super gendarme financier européen, puisse concrètement contrôler les comptes au quotidien de chacune d’entre elles. Mais en même temps si de nombreuses banques échappent à tout contrôle, celui-ci aura-t-il un sens ? C’est pourquoi la BCE a évoqué le critère d’un seuil de 30 milliards : celle-ci en effet souhaite n’assumer la supervision que  pour les banques de la zone euro dont les actifs excèdent 30 milliards d’euros. Un projet de compromis rédigé par la présidence chypriote et présenté aujourd’hui, lundi, prévoit également d’intégrer dans le champ de supervision, les banques dont les actifs représentent plus de 20% de l’économie d’un pays ou encore actives dans au moins trois Etats de la zone euro.

Une position qui semble approuvée par les Allemands, alors que les Français souhaiteraient plutôt que les contrôles puissent intervenir sur l’ensemble des établissements financiers. Mais, le projet prévoit aussi que la BCE puisse néanmoins « à tout instant, de sa propre initiative ou sur demande d’une autorité nationale compétente », décider d’intervenir directement dans une banque de la zone euro considérée comme mineure, si elle le juge bon. Une manière d’assouplir le champ d’intervention  « à la demande », en quelque sorte, qui fait un geste en direction de la position française.

La Bourse croit au rebond de la zone euro

Le prix Nobel de la Paix qui a rappelé à tous les chefs d’Etat européens leur responsabilité vis à vis du monde aidera-t-il à les faire avancer pour conclure un accord conduisant à l’union bancaire, unique cadre permettant de pérenniser la zone euro ? Nous ne pouvons que le souhaiter.
Les marchés financiers ont, semble-t-il, anticipé de bonnes nouvelles, malgré les sombres perspectives de croissance annoncées par la BCE pour 2013, puisque lors de la séance de jeudi 6 novembre, à Parisle CAC 40 a gagné 0,31 % en retrouvant un niveau jamais atteint en 2012, à 3601,65 points. Les indices avaient jeudi également terminé en hausse dans les autres bourses européennes, notamment celle de Francfort, où le Dax avait avancé de 1,07 % pour finir à 7534,54 points, son plus haut niveau de clôture depuis le 15 janvier 2008. Des chiffres de bon augure pour une Europe qui n’a plus d’autre choix que celui d’avancer dans son processus de rationalisation.

Vidéo de la remise du Prix Nobel de la Paix

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