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Les sushis sont-ils dangereux pour le cerveau?

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Manger trop de sushis peut-il altérer les capacités de votre cerveau ?

La présence de mercure dans les gros poissons comme le requin, l’espadon ou certaines espèces de thon serait en augmentation. Or, selon une étude parue mardi 4 décembre, de simples traces de ce métal toxique seraient suffisantes pour endommager le cerveau ou causer d’autres problèmes de santé chez les consommateurs de poissons.

Le mercure à l’origine d’effets néfastes sur la santé

« Les niveaux d’exposition, qui jusqu’ici étaient considérés comme n’ayant aucune conséquence sur l’organisme, auraient en réalité des effets négatifs sur la santé », affirme le docteur Edward Groth, auteur de l’un des deux rapports publiés avant une conférence des Nations unies sur la pollution au mercure.

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« Ce ne sont pas des effets insignifiants : manger ce type de poisson aurait des conséquences relativement importantes, avait déclaré Edward Groth, également conseiller auprès de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), lors d’une web-conférence avec des journalistes. Désormais, il semble que nous ayons des preuves suffisamment convaincantes qu’une consommation normale de produits de la mer peut avoir des effets néfastes. »

Une pollution au mercure relativement ancienne

Depuis les années 1950, des scientifiques mettent en garde contre le danger potentiel que représente le mercure dans le poisson. À l’époque, une usine de Minamata au Japon avait déversé des eaux usées contaminées au mercure dans l’océan. Des milliers de personnes furent empoisonnées, et certains cas de délires, de malformations, voire de décès furent observés. Beaucoup d’enfants dont la mère avait consommé du poisson contaminé étaient nés avec de sérieux handicaps.

Le niveau de mercure à Minamata était certes exceptionnellement élevé. Mais depuis, les scientifiques ont cherché à savoir si les traces infimes de mercure trouvées dans les fruits de mer des différents océans pourraient avoir un impact sur la santé des consommateurs de poissons.

Plus vulnérables : les femmes enceintes et les enfants en bas âge

Bien que les risques liés à la plupart des poissons soient minimes, les autorités ont depuis longtemps recommandé à certaines personnes plus vulnérables que d’autres, par exemple les femmes enceintes ou les jeunes enfants, de limiter leur consommation de chair de certains gros prédateurs vivant dans les océans.

L’Union européenne a ainsi conseillé aux femmes enceintes, ainsi qu’à celles qui allaitent, de ne pas manger de thon plus de deux fois par semaine. Selon l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux, ces femmes devraient éviter le requin, l’espadon ou le thazard (un poisson apparenté au maquereau). Certaines espèces de thon pourraient cependant être incluses dans leur alimentation.

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Vers une norme internationale ?

Mais selon des rapports plus récents, émis par l’Institut de recherche sur la biodiversité du Maine, aux États-Unis, et par le Zero Mercury Working Group,  une coalition de groupes écologistes internationaux, ces lignes directrices seraient aujourd’hui dépassées. Des règles plus strictes devraient donc être mises en place, afin de réduire les problèmes de développement du cerveau chez les bébés en gestation, pouvant être causés par les plus infimes traces de mercure.

« Des études récentes ont prouvé qu’il pouvait y avoir des effets néfastes, même en dessous du niveau d’exposition considéré comme « sain », assure l’un des rapports. Bon nombre de ces études montrent clairement qu’une consommation normale de poisson présentant un taux élevé de mercure peut être à l’origine de problèmes de santé chez le fœtus ou l’enfant en bas âge. »

Ces rapports en appellent ainsi à la mise en place d’une nouvelle norme internationale qui placerait la quantité acceptable de mercure à environ un quart de la dose aujourd’hui recommandée par les États-Unis. Les auteurs suggèrent que certaines espèces comportant un taux de mercure particulièrement élevé, comme le marlin ou le thon rouge du Pacifique, soient complètement bannies des habitudes alimentaires. La consommation d’autres poissons comme le mérou et le thon germon devrait quant à elle se limiter à un repas par mois.

Le poisson toujours aussi bon pour la santé

Mais selon les pêcheries industrielles, ces rapports seraient rendus alarmistes pas les écologistes. Les risques liés aux traces de mercure seraient en réalité largement compensés par les divers avantages qu’il y aurait à manger du poisson.

D’après l’Institut national américain des pêcheries, aucun cas d’intoxication lié à la présence de mercure n’a été détecté aux États-Unis. À l’inverse, 84 000 Américains mourraient chaque année suite à une carence en oméga-3, un acide gras que l’on trouve habituellement dans le poisson.

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Bien choisir les espèces que l’on souhaite manger

Les auteurs du nouveau rapport insistent sur le fait qu’ils ne cherchent pas à empêcher les gens de manger du poisson. Le fait que cet aliment soit essentiel pour le développement d’un cerveau sain chez les jeunes enfants et les fœtus est unanimement reconnu. Cependant, ils conseillent aux consommateurs de poissons d’être plus exigeants dans le choix des espèces qu’ils mettent dans leur assiette.

« Nous devons mettre l’accent sur les bénéfices apportés par le poisson, et dire aux gens qu’ils doivent continuer à en manger, avance Edward Groth. Les femmes enceintes peuvent tout particulièrement continuer à consommer du poisson, mais à mesure que l’on a des preuves que de faibles doses de mercure peuvent être néfastes, les consommateurs doivent être mieux renseignés sur le type d’espèces qu’ils peuvent choisir. »

Ainsi, toujours selon le rapport, plus de deux tiers des espèces commercialisées présentent de faibles niveaux de mercure, et devraient en conséquence être consommées plus régulièrement ; c’est le cas du haddock, du saumon, de la sardine, de la morue, de la perche ou du hareng.

Pollution au mercure : déjà trop tard ?

Ces rapports ont été publiés en amont d’une conférence majeure organisée par l’ONU le mois prochain à Genève, en Suisse. Cette réunion aura pour objectif d’élaborer un traité international visant à limiter l’utilisation du mercure, et de mettre un terme au problème croissant de la pollution causée par ce métal toxique.

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« Si la pollution se poursuit à la cadence actuelle, le taux de mercure présent dans le Pacifique Sud devrait augmenter de 50 % d’ici 2050, prévient Richard Gutierrez, directeur exécutif de Ban Toxics, une organisation philippine membre du Zero Mercury Working Group. Cet appel devrait alerter les gouvernements et les pousser à signer un traité qui puisse endiguer la pollution croissante liée au mercure. »

Mais pour les scientifiques, même si un quelconque traité introduit de réelles mesures de contrôle de la pollution au mercure, cela prendrait plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, avant que certaines zones océaniques particulièrement profondes ne voient leur niveau de contamination baisser de manière significative.

« Si nous continuons à agir comme nous l’avons fait jusqu’à présent, il deviendra de plus en plus difficile de trouver du poisson sain, prévoit Philippe Grandjean, détenteur d’une chaire de médecine environnementale à l’université du Danemark du Sud et professeur à l’école de Santé publique de Harvard. Je pense que la prochaine génération souhaiterait que nous fassions de notre mieux pour nettoyer derrière nous, et faire en sorte, qu’à l’avenir, nous puissions continuer à consommer du poisson sans craindre de polluer le cerveau des générations à venir. »

GlobalPost / Adaptation : Antonin Marot pour JOL Press

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