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«L’intervention militaire au Nord-Mali sera un génocide»

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La crise au Nord-Mali a été au cœur de l’actualité de cette année africaine. Depuis le coup d’État du 22 mars dernier, les évènements se sont succédés laissant une région dans le chaos de l’islamisme et des revendications territoriales.

Un coup d’État mené par quelques hommes de l’armée malienne a ainsi ouvert la porte à une forme de terreur à laquelle la communauté internationale veut aujourd’hui répondre par une intervention militaire étrangère.

Au cœur de cet enjeu, le territoire de l’Azawad – territoire ancestral des Touaregs – et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui a déclaré l’indépendance de cette partie du désert le 6 avril dernier, plusieurs jours après le coup d’État.

Quelques mois après la crise, les revendications de ces hommes ont été passées sous silence, étouffées par l’incompréhension de la communauté internationale et la menace islamiste grandissante, incarnée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’ouest (Mujao) et Ansar Dine.

Au-delà des revendications, les propositions du MNLA ont également été ignorées. Pourtant, depuis sa création et bien avant ce 22 mars, le MNLA, au nom de toutes les populations du désert, a offert ses services à la communauté internationale pour libérer le pays des groupuscules narco-terroristes. Une offre qui n’a toujours pas été retenue.

Sur le terrain, le MNLA est présent et poursuit son combat contre les mouvements narco-terroristes. Mais face à une intervention étrangère dont les modalités se précisent, les habitants de l’Azawad craignent aujourd’hui ce qu’ils n’hésitent pas à appeler un génocide. Explications de l’un des responsables du Mouvement national de libération de l’Azawad.

Le 6 avril dernier, le MNLA a officiellement annoncé l’indépendance de l’Azawad. Cette indépendance n’a jamais été reconnue par la communauté internationale et aujourd’hui, le terme même d’ « indépendance » semble avoir été oublié. Qu’en est-il de vos revendications ?
 

Moussa Ag AssaridNous n’oublions rien de nos revendications. La population de l’Azawad, dans toute sa diversité, vit depuis plus de cinquante ans dans l’oppression, l’injustice, le déni identitaire, l’abandon et la corruption. Il y a même eu un génocide entre 1990 et 1996 par les autorités de Bamako après les massacres de civils de 1963. Aucun tribunal n’a rendu justice aux milliers de victimes. Et si le MNLA a pris les armes, c’est parce qu’il n’a eu aucune autre solution. Notre mouvement est composé de personnes issues de toutes les communautés (ethnies) de l’Azawad.

Pour répondre à la demande de la communauté internationale, nous acceptons aujourd’hui de parler d’autodétermination et les prochaines négociations devront déterminer la suite.

Nous sommes dans notre droit et le droit est de notre côté, qu’il s’agisse du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, du droit international, de la Charte des Nations unies ou de la Charte de l’Union africaine.

Aujourd’hui, le MNLA demande officiellement l’autodétermination du territoire de l’Azawad et est tout à fait disposé à déterminer les conditions de ce statut avec les autorités maliennes.

Nous avons besoin d’un agenda et d’une feuille de route qui satisfasse l’ensemble des parties et la garantie de la communauté internationale pour accepter cette option.

Depuis que vous avez déclaré cette indépendance du Mali, les revendications du MNLA ont souvent été étouffées par les activités des groupes terroristes au nord du pays. Considérez-vous n’avoir pas été assez écouté par la communauté internationale ?
 

Moussa Ag AssaridLa situation actuelle du MNLA me fait souvent penser à celle du commandant Massoud, en Afghanistan. Ce dernier a réclamé pendant des années une aide internationale pour combattre les talibans et sauver son peuple. Il a crié et pourtant, personne ne l’a entendu, personne n’est venu à son secours.

Il a finalement été tué, il y a eu ensuite une intervention étrangère pour « libérer » l’Afghanistan, mais personne n’a rien pu faire et aujourd’hui encore, les talibans sèment la terreur.

Je crains que cette situation ne se reproduise ici. Nous lançons des appels, nous pouvons combattre les groupuscules narco-terroristes si nous sommes soutenus par la communauté internationale. Nous avons des hommes (plusieurs milliers) bien entraînés qui ont la connaissance du terrain, nous avons le soutien de la population et une détermination sans faille.

Mais nous avons besoin de moyens financiers, de moyens de communication et de moyens logistiques.

Si la communauté internationale nous faisait confiance et nous déléguait la libération du Nord-Mali, cette solution lui coûterait beaucoup moins cher.

Il y aurait également moins de dommages collatéraux, de dégâts, de massacres et l’opération serait un succès.

Vous vous opposez donc officiellement à une intervention militaire étrangère au Nord-Mali ?
 

Moussa Ag AssaridNous sommes contre le concept actuel d’intervention sur le territoire de l’Azawad. Dans cette situation, il y a une inversion des objectifs.

Le Mali sait que le MNLA l’a chassé de l’Azawad il y a quelques mois. C’est un élément que le monde semble avoir oublié aujourd’hui et pourtant, les autorités maliennes cherchent à se venger.

Derrière l’intervention étrangère pour libérer le territoire des mouvements narco-terroristes, il y a un objectif très clair des autorités maliennes : éliminer les populations de teint clair et nomades de l’Azawad. Et en cela, cette intervention sera un génocide.

Le Mali forme actuellement des milices ethnocides. Ces milices sont notamment formées par des tribus qui ont massacré les populations touaregs et arabes dans les années 1990. Ces gens-là sont de la chair à canon pour l’armée malienne et ont la mission d’aller massacrer les populations civiles. C’est une véritable guerre civile qui va s’engager.

Quels sont, selon vous, les objectifs du Mali ?
 

[image:2,s]Moussa Ag AssaridL’armée malienne veut se venger des teints clairs, c’est-à-dire des Touaregs et des Arabes. Ces populations qui sont exclues et opprimées depuis plus de cinquante ans. Le Mali est tout simplement en train de faire la politique de la terre brulée.

Pendant plus de cinquante ans, Bamako n’a pas réussi à imposer son autorité sur ce territoire et veut aujourd’hui envoyer l’armée contre les populations blanches. Toutes les peaux claires sont une cible pour cette armée malienne et c’est en cela que cette guerre sera un génocide.

Mais nous sommes sur la terre de nos ancêtres, nous connaissons mieux le terrain que l’armée malienne et nous avons la bénédiction de la population.

Nous n’avons pas peur pour nous, nous sommes deux millions dans l’Azawad et notre armée est composée de plusieurs milliers de personnes multiethniques. Mais nous craignons pour les populations civiles. Ce sont nos familles, nos parents.

La lutte s’annonce longue et j’espère de tout mon cœur que la raison et le bon sens priment pour construire la paix entre tous et qu’une solution définitive soit trouvée pour que chacun vive dignement et librement.

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