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Myopathie: «Le Téléthon ne doit pas donner de faux espoirs»

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Après des années de recherche pour la mise au point de thérapies innovantes grâce à la mobilisation des donateurs, bénévoles et partenaires du Téléthon, l’AFM‐Téléthon relève aujourd’hui un nouveau défi : celui de la transformation des concepts thérapeutiques en premiers médicaments de thérapie génique.

La thérapie génique est une stratégie thérapeutique qui consiste à faire pénétrer des gènes dans les cellules ou les tissus d’un individu pour traiter une maladie. La thérapie génique vise à remplacer ou complémenter un allèle mutant défectif par un allèle fonctionnel ou à surexprimer une protéine dont l’activité aurait un impact thérapeutique.

La recherche avance

L’AFM‐Téléthon a impulsé une recherche audacieuse qui a révolutionné la connaissance des gènes responsables des maladies et fait émerger des thérapies innovantes (thérapie génique, cellules souches…), applicables aussi bien aux maladies rares qu’à des maladies fréquentes. En choisissant de créer des outils ou plateformes d’intérêt général pour l’ensemble des maladies rares, l’AFM‐Téléthon a adopté une stratégie au bénéfice du plus grand nombre : maladies neuromusculaires, maladies du sang, de la peau, du foie, de la vue, du système immunitaire, du cerveau… Et tous les essais sur ces maladies ouvrent des pistes thérapeutiques pour d’autres pathologies, rares ou fréquentes.

Pour l’année 2011, l’association a engagé 60,6 millions dans la recherche et le développement de thérapeutiques

Les maladies rares au cœur de l’action du Téléthon

Depuis le premier Téléthon, l’AFM mène son combat avec la conviction que seule une concentration des moyens permet d’obtenir des résultats significatifs. Elle a mis en place une stratégie payante qui a bénéficié à l’ensemble des maladies génétiques, des maladies rares et même des maladies plus fréquentes. L’AFM soutient ainsi 70 % de la recherche sur les maladies rares en France. Les dons du Téléthon sont indispensables à la poursuite des essais thérapeutiques sur les maladies rares.

Les maladies dites rares se définissent par leur prévalence : elles ne touchent qu’un nombre restreint de personnes au regard de la naissance dans la population générale. Soit une personne sur 2000, selon le seuil retenu en Europe. Cinq maladies nouvelles sont décrites chaque semaine. Or, comme on compte aujourd’hui près de 8000 maladies rares, on estime que c’est 1 personne sur 20 qui est touchée par ce type de maladie, soit 6% de la population en France, 27 millions en Europe et 27 aussi en Amérique du Nord. Si les maladies sont rares, les malades, eux, sont donc nombreux.

Priorité des chercheurs : la myopathie de Duchenne

Une des maladies rares que les chercheurs aimeraient parvenir à éradiquer est la myopathie. La myopathie est une anomalie génétique qui entraîne des souffrances musculaires. La plus répandue est la myopathie de Duchenne, c’est aussi l’une des plus graves. Elle ne touche que les garçons. C’est une dégénérescence progressive des muscles qui peut conduire à la mort quand c’est le muscle cardiaque qui est touché. La myopathie de Duchenne touche pas moins d’un garçon sur 3500 à la naissance.

Une équipe scientifique menée par le professeur Francesco Muntoni de l’UCL Institute of Child Health de Londres a obtenu une subvention de l’Union européenne pour développer et tester un nouveau traitement pour les garçons atteints de la myopathie de Duchenne. Les essais cliniques, qui devraient démarrer à l’automne 2014, vont recruter 12 garçons présentant une anomalie génétique particulière que le traitement entend cibler. La première phase va se concentrer sur la mise au point du traitement le plus efficace pour sauter la zone du gène affectée connue sous le nom d’« exon 53 ». L’AFM-Téléthon et l’Institut de myologie sont impliqués dans ce programme.

3 questions à…

Le Pr. Isabelle Desguerre, neuropédiatre et spécialiste des myopathies à l’hôpital Necker – Enfants nous éclaire sur le sujet.

JOL Press : À quel âge se déclare une myopathie ?
 

Isabelle Desguerre : C’est une maladie qui peut se déclarer à n’importe quel âge. Certaines apparaissent dans la petite enfance et d’autres ne montrent aucun signe avant l’âge adulte. À l’âge adulte, les premiers symptômes sont généralement des troubles de la marche, des difficultés à lever les bras, à monter les escaliers et parfois des manifestations cardiaques.

JOL Press : Peut-on guérir d’une myopathie ?
 

Isabelle Desguerre : À l’heure actuelle, on ne guérit pas des myopathies d’origine génétique. Il existe des pistes thérapeutiques, des essais pharmaceutiques mais ces projets sont encore à l’étude. À terme, ces traitements tendraient à corriger le défaut génétique ou à arrêter la dégradation des muscles. Des tests ont déjà été expérimentés mais n’ont donné encore aucun résultat.

Les myopathies n’ont pas toutes la même évolution. En fait, il y a le gène et l’environnement de la cellule. À l’intérieur du muscle, on n’est pas tous égaux, en dehors de nos anomalies génétiques. Des personnes vont faire plus facilement de la fibrose musculaire, d’autres vont plus facilement abîmer leurs muscles alors qu’ils ont tous la même anomalie génétique. L’anomalie génétique explique une partie du problème mais l’évolution individuelle est conditionnée par d’autres phénomènes. C’est pour cette raison que dans tous les essais que l’on mène, il faut toujours analyser le côté personnel. On va quasiment faire du sur-mesure.

JOL Press : Le téléthon ne donnerait-il donc pas de faux espoirs ?
 

Isabelle Desguerre : Je participe au Téléthon depuis plus de vingt ans et je ne peux qu’encourager ces initiatives de solidarité nationale autour de maladies qui étaient très peu connues du grand public. Mais le risque du Téléthon, c’est en effet de donner de faux espoirs aux enfants malades qui vont regarder la télévision ce week-end et qui vont penser que la guérison est possible.

Après chaque Téléthon, l’AFM reçoit des centaines de lettres de parents d’enfants malades qui demandent le médicament ou le traitement à prescrire à leur enfant pour le guérir. Il n’en demeure pas moins que le Téléthon est une formidable occasion de récolter des fonds pour la recherche fondamentale. Et c’est très important, si nous voulons trouver enfin une voie de guérison.

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