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Paris et Berlin ont des divergences: un sommet européen pour rien?

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Jeudi 13 et vendredi 14 décembre, le Conseil européen devrait convenir d’un calendrier d’avancées devant conduire à l’achèvement de l’Union économique et monétaire et à la mise en œuvre des nouveaux principes de gouvernance économique, tels que le mécanisme de supervision unique ou les résolutions sur la garantie des dépôts.

Un ordre du jour ambitieux : achever l’union économique et monétaire

L’UEM doit soutenir la croissance économique et faire en sorte qu’elle soit saine et durable. Elle doit également s’accompagner d’une convergence des politiques fiscales dans le sens d’une plus grande compétitivité.

La première priorité est de renforcer le cadre légal de l’UEM, à travers notamment les dispositions du pacte de stabilité. Après avoir trouvé un accord sur la supervision bancaire lors de la réunion de l’Eurogroupe du mercredi 12 décembre, les Européens devront décider des pouvoirs réels confiés à la BCE. Bien que techniques, les détails discutés cette semaine vont largement déterminer les progrès réalisés.

Supervision bancaire : Paris voulait aller plus vite et plus loin

L’accord sur la supervision bancaire conclu par les ministres des Finances est, en ce sens, un succès. En phase avec la Commission et la plupart des pays membres, la France militait pour une capacité d’intervention étendue de la BCE, appelée à contrôler l’activité des banques de la zone euro et éventuellement à les sanctionner.

L’Allemagne, quant à elle, a choisi de se  donner du temps. Elle privilégie un travail mené de façon complémentaire avec les superviseurs nationaux, de sorte que la BCE ne croule pas sous une mission titanesque, veiller sur 6200 banques au quotidien. Berlin tient aussi à obtenir un régime de faveur pour ses banques publiques locales, qui représentent une majeure partie des actifs du pays et qui, pour certaines, ont dû être renflouées.

Coordination des politiques : Berlin soutient l’idée de contrats entre la Commission et les États

La différence de perception entre Paris et Berlin est également perceptible sur la coordination des politiques économiques, pièce manquante depuis la création de l’euro. Dans leur lutte contre la crise de la dette, les États-membres de la zone euro ont consenti depuis deux ans à renforcer le contrôle de leurs stratégies budgétaires. Différents textes ont permis d’établir un cadre autorisant la Commission à examiner les projets de budgets nationaux avant l’examen par les Parlements nationaux. Le traité budgétaire est allé jusqu’à faire adopter aux États une sorte de « règle d’or ».

Mais ces réformes ne permettent pas de réduire les écarts de compétitivité entre les pays. Le rapport du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, rendu public le 5 décembre et qui doit être examiné par les 17 reprend l’idée de Berlin de contrats entre les États et la Commission pour assurer la stabilité de la zone euro. Il s’agit aussi de permettre aux pays qui adoptent des réformes de structure – allongement de la durée du travail et élévation de l’âge de la retraite, assouplissement du marché du travail – de bénéficier d’aides de Bruxelles.

Deux visions de la croissance

C’est un moyen de rendre obligatoire les recommandations formulées par la Commission européenne chaque année. L’Allemagne, soutenue par les Pays-Bas et la Finlande, est favorable au renforcement des obligations de résultats dans les réformes de structure, en contrepartie d’une aide financière. Cette opposition entre Paris et Berlin persiste depuis l’élection de François Hollande. Les socialistes français ne considèrent pas que les réformes structurelles envisagées seules suffisent à relancer la croissance et ils mettent en avant leur concept d’intégration solidaire. En Allemagne, envisager une mutualisation de la dette est encore inimaginable. Une fois de plus, Français et Allemands n’ont pas coordonné leurs positions avant le Conseil.

Un sommet pour rien ?

Ces projets restent encore très flous. Si les chefs d’État et de gouvernement européens parviennent à se mettre d’accord sur le tableau global, la Commission sera chargée de formuler une proposition détaillée d’ici le mois de juin 2013.

Au final, ce Conseil européen ne devrait déboucher sur aucune décision cruciale. Il aurait davantage pour objectif d’organiser le travail pour les mois à venir.

Certes, l’UE est le produit d’une succession de petits pas, mais les Européens ne pourront pas rester indéfiniment au milieu du gué. Que la crise de la dette ne soit pas encore surmontée, comme l’estime Angela Merkel, ou qu’elle soit derrière nous, tel que l’a déclaré récemment François Hollande, celle-ci a démontré la nécessité de réformes structurelles. À force de temporiser, les craintes de Berlin seront vérifiées, la dynamique des réformes structurelles se sera essoufflée.

Et, à n’en pas douter, les marchés n’aimeront pas…

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