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Pourquoi le FMI pousse-t-il la France à limiter ses objectifs de déficit?

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C’est le cadeau de Noël du FMI à la France : ce mercredi 26 décembre, à l’occasion de la dernière conférence de presse du FMI de 2012, Edward Gardner, son chef de mission, a exprimé tout haut ce qui se disait déjà tout bas, à savoir que l’institution de Washington conseillait au gouvernement français de renégocier avec les instances européennes son objectif des 3% de déficit public pour 2013.

Quand le FMI incite la France à jouer les cigales…

« Notre conseil, c’est que la France discute dans un contexte européen plus large de la politique appropriée pour 2013 », a donc insisté Edward Gardner, chef de mission au FMI, en ajoutant que « l’important est vraiment la crédibilité de la politique (économique) à moyen terme ». La France aurait-elle convaincu par sa reprise en main économique et serait-elle alors dispensée de donner d’autres gages de sa bonne gestion ?

Parallèlement Christiane Lagarde, la présidente du FMI, a aussi exprimé la même position dans une interview publiée dans le journal allemand Die Zeit.

La question du déficit budgétaire entre effet d’annonce et réalisme

De nombreux spécialistes pensent déjà que l’objectif d’un déficit inférieur à 3% en 2013 sera impossible à tenir pour la France, eu égard une croissance presque nulle, alors que les projections françaises ont tablé sur un taux de 0,8%.  Comment éviter alors que la France n’apparaisse comme le vilain petit canard européen qui ne respecte pas les règles qu’elle s’impose ? La seule manière d’éviter l’aveu d’échec est d’assouplir l’objectif fixé, en en indiquant un plus réaliste. La Commission européenne comme le FMI tablent plutôt sur un déficit de 3,5% pour la France en 2013. Un réalisme qui laisse donc une marge de manoeuvre à la France si celle-ci voit ses prévisions de croissance malmenées, en lui offrant un scénario de « l’assouplissement décidé par les autres. »

Prudence française, sécurité européenne

Pourquoi une telle prudence ? En la matière, tout effet d’annonce peut être dangereux. D’un côté, donner l’impression que le pays vit en cigale aboutirait à une sanction immédiate des marchés financiers. Incontestablement vu le taux où la France emprunte actuellement, les choix de rigueur budgétaire ont été appréciés. Mais d’un autre côté, ne pas tenir ses promesses est aussi un risque important. Les marchés veulent avant tout être rassurés, et sur la gestion de crise et sur son anticipation. Si Bercy joue les sur-optimistes en promettant l’impossible, sa parole sera ensuite décrédibilisée.  

Alors pourquoi la Commission européenne et le FMI se soucient-ils tant de la crédibilité française ? Parce que, comme la récente dégradation de l’agence de notation française par Moody’s l’a montré, la France étant l’un des principaux contributeurs du  Mécanisme européen de stabilité (MES),  toute atteinte à sa crédibilité provoque des réactions en chaîne au sein des institutions européennes : dégradation de la note du MES, tout comme celle du Fonds européen de stabilité financière (FESF), et celle de l’ensemble des titres de dette émis à ce jour par le FESF et de ses produits dérivés. Il est donc important que la France tienne son rang. Lorsque des rumeurs ont commencé à circuler sur la France qui pourrait devenir la nouvelle Grèce, Bruxelles a frémi et a craint le pire. L’accord sur la supervision bancaire en Europe a apporté un cadre sécurisant, qui montre que désormais Bruxelles a la situation des banques sous contrôle. Mais il lui fallait aussi rassurer quant à la situation d’un pays-clé comme la France.

Les institutions internationales feraient-elles machine arrière sur le diktat de l’austérité ?

Le FMI comme l’Union européenne seraient-ils donc en train de remettre en question leur diktat du « tout pour l’austérité » ? Un diktat qui s’est emparé d’eux lorsque la crise financière de 2008 a révélé les fragilités des pays européens avec leurs endettements excessifs. Ce qui est sûr, c’est que la gestion de la crise grecque, qui est loin d’être terminée, est exemplaire de son échec. La Grèce est aujourd’hui en pleine déroute, sa situation budgétaire a empiré à cause de la récession causée par la cure drastique, et l’opération de sauvetage en plusieurs étapes a fini par coûter plus cher à l’Europe, que si la dette grecque avait été annulée tout de suite et l’assainissement du pays mis en place de manière progressive…

La France résiste au chant des sirènes… 

Pour l’heure, les autorités françaises ne veulent en aucun cas risquer de céder aux sirènes du laisser faire. Le ministre de l’Économie et des finances Pierre Moscovici a même publié jeudi une tribune dans le Handelsblatt, où il rappelle ses objectifs en matière de réduction des déficits. « Il est de notre devoir d’inverser la tendance à la hausse de la dette », a-t-il écrit. 

… en attendant d’y céder ?

Les derniers chiffres de l’Insee parus jeudi 27 décembre, rappellent que la dette française atteignait en septembre dernier quasiment la barre des 90 % du PIB ( 89,9%), ce qui correspond toutefois à un recul de 14,5 milliards d’euros par rapport au chiffre de la fin juin. La tendance est donc inversée. Responsable mais pas inconsciente, la France ne veut pas oublier ses impératifs de rééquilibrage. Mais on sait aussi que le gouvernement a toujours refusé une politique de rigueur récessionniste. 

François Hollande dispose désormais d’un soutien pour ajuster au cours de l’année ses impératifs budgétaires. Sauf miracle écononomique soudain, la barre des 3 % risque d’être impossible à tenir sans des sacrifices auxquels le président français a toujours refusé de recourir. En tout état de cause, François Hollande peut se réjouir d’avoir trouvé avec le FMI un allié de poids, lui qui a très vite prôné rigueur et croissance, en refusant une application à la lettre de l’austérité.

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